Morgane Dawant (Engie Solutions France) : « il faut comprendre que l’IAG n’est pas ‘intelligente’ »
Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance
L’intelligence artificielle générative (IAG) se généralise actuellement dans les entreprises, pas toujours en bon ordre. Morgane Dawant, Directrice Data & IA de Engie Solutions France, explique les bonnes pratiques à adopter.
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Comment peut-on définir précisément l’IAG, l’intelligence artificielle générative ?
L’IAG est est un ensemble de modèles et d’outils. il faut comprendre que l’IAG n’est pas « intelligente ». Elle créé des contenus à partir de beaucoup de données mais sans réellement qu’il y ait au sens strict « création ». La base, c’est la probabilité de voir un élément après un autre élément, comme un mot après un autre mot. Il n’y a aucun raisonnement et, de fait, beaucoup d’erreurs de logique.
Depuis l’arrivée de la micro-informatique, l’IAG est la première technologie à être poussée par les utilisateurs finaux. Comment arrive-t-elle en entreprise ?
Comme chacun sait, fin 2022, il y a eu une brutale démocratisation de l’IAG auprès du grand public avec ChatGPT. Nous avons tous constaté que cela nous permet de gagner du temps et de nous faciliter la vie. Logiquement, nous nous sommes tous posé la question de l’utiliser pour notre travail.
Le groupe Engie a déployé à l’ensemble des collaborateurs Microsoft Copilot for web qui protège les données de l’entreprise, dès octobre 2023. Nous testons en parallèle la version Microsoft Office 365 de Copilot, par exemple pour résumer des notes de réunion.
Nous avons ensuite identifié des cas d’usage et nous avons priorisé le développement de ceux-ci en fonction des priorités stratégiques de l’entreprise. Nous avons construit des pilotes en fonction de ces priorités, notamment sur l’excellence opérationnelle. Par exemple, nous utilisons la génération augmentée par récupération (RAG) pour analyser de la documentation technique et la rendre plus accessible aux techniciens de terrain.
Retrouvez Morgane Dawant au Club Républik du 9 avril 2025
Le 9 avril 2025, le Club Data Onboard sera sur le thème « IAG : comment en faire un outil efficace pour les métiers ? ». Le Grand Témoin de ce Club sera Morgane Dawant, Directrice Data & IA de Engie Solutions France.
Un Club Data Onboard est un événement élitiste et confidentiel qui permet aux Chief Data Officers de grandes entreprises de pouvoir échanger librement et de manière disruptive, sans langue de bois et « off the record ». Ce qui se dit dans le club reste dans le club : il n’y a aucun compte-rendu.
Quelles difficultés les entreprises rencontrent-elles pour rendre l’IAG utile et efficiente ? Quelles solutions peut-on apporter ?
Il n’y a aucune magie dans l’IAG. La première difficulté est donc d’alimenter l’IAG en données de qualité. C’est essentiel pour qu’un tel outil amène des réponses ayant du sens.
Une autre difficulté est de faire en sorte que l’IAG s’insère correctement dans les processus de l’entreprise. Il ne faut pas qu’elle soit à côté.
Bien entendu, il faut citer le risque d’hallucination. Il faut être vigilant à ce niveau, surtout quand ce que l’IAG génère peut avoir un impact opérationnel. Il faut donc multiplier les tests en amont d’une mise en production. Surtout, il ne faut jamais envoyer une communication (mail…) ou déclencher une action sans validation humaine. L’IA accroît la performance des humains mais ne les remplace pas.
Pour éviter les usages inappropriés ou les attentes démesurées, il faut bien former l’ensemble des collaborateurs, pas seulement ceux qui utiliseront effectivement l’IAG. Cela permet à chacun de comprendre ce dont il s’agit, ce à quoi ça sert et surtout ce que cela ne fait pas.
N’oubliez pas la célèbre formule d’Abraham Maslow (l’inventeur de la pyramide éponyme) en 1966 : « il est tentant, si le seul outil dont vous disposiez est un marteau, de tout considérer comme un clou. » L’IAG est un « marteau », un outil, comme un autre.
Faut-il se former à l’usage de l’IAG et si oui comment ?
Comme je le disais, le premier objectif d’une telle formation est de démystifier l’IAG afin de comprendre ce que c’est, comment ça marche, comprendre qu’il n’y a aucun « intelligence » à l’oeuvre. Pourtant, l’IA et l’IAG nous entourent déjà partout (par exemple les moteurs de recommandation sur le web) sans que nous en ayons bien conscience.
Il s’agit aussi de savoir quand c’est pertinent d’utiliser l’IAG… ou non ! Il faut, en particulier, être bien conscient du coût en ressources (énergie, processeurs…) et ne pas l’utiliser partout pour tout.
Un autre objectif de formation possible est d’apprendre à prompter.
Enfin, bien entendu, il faut être sensibilisé à la maîtrise des données, de savoir où l’on envoie quelles données avec quels risques. Il est essentiel de s’assurer que des données confidentielles ne seront pas l’objet de traitements secondaires inappropriés.
Quels sont vos prochains défis en matière d’IA/IAG ?
Je pense que le principal défi, pour tout le monde, sera le passage à l’échelle. Il est fréquent, en entreprise, d’avoir des premiers pilotes. Mais il reste à les industrialiser et à les déployer largement pour démontrer la valeur que l’on peut tirer de l’IAG.