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Alexis de Nervaux (Icade) : « la digitalisation est bien une réalité dans l’immobilier »


Le spécialiste de l’immobilier Icade a lancé un plan stratégique digital. Alexis de Nervaux, Directeur des Systèmes d’Information et de la Transformation digitale, membre du Comité exécutif d’Icade, nous en explique les enjeux.

Alexis de Nervaux est le Chief Digital & Information Officer d’Icade. - © Républik IT / B.L.
Alexis de Nervaux est le Chief Digital & Information Officer d’Icade. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter Icade ?

Icade est un acteur de l’immobilier qui a fêté ses 70 ans en 2024. Le Groupe, qui a pour actionnaire la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) pour 40 % et la branche Assurances du groupe Crédit Agricole pour 20 %, le reste étant du flottant, a deux grandes activités : la promotion immobilière et la foncière (bureaux, locaux d’activités, data centers). Nous sommes le cinquième promoteur national, avec 5 300 logements réservés par an environ, dont 60 % sont vendus en blocs à des institutionnels et le solde à des particuliers (investisseurs et accédants). Côté foncière, nous avons un patrimoine de 238 actifs immobiliers pour une valeur globale d’environ 6,4 milliards d’euros.

Notre chiffre d’affaires, côté promotion, est de 1,2 milliards d’euros. Et Icade compte environ 1050 collaborateurs.

Quelle est votre organisation IT ?

L’IT représente environ 120 collaborateurs, un mix d’internes et d’externes.

Je suis arrivé chez Icade en juillet 2024 en provenance du secteur industriel. Jusqu’en octobre, j’ai réalisé un diagnostic avec une soixantaine d’entretiens du Comex aux managers. A partir de là, nous avons défini un plan stratégique jusqu’en 2028.

L’idée est de repositionner la Direction Informatique et Solutions Numériques (DISN) en business partner créateur de valeur. Nous avons défini notre raison d’être à l’occasion de notre réorganisation : « ensemble, nous incarnons une vision ambitieuse, co-construite avec les métiers, et veillons à sa mise en œuvre avec des équipes engagées. »

D’ici 2028, nous avons programmé une soixantaine de projets autour de plusieurs thématiques : data & IA, projets métiers, Green IT et IT for IT.

Au sein de la DISN, nous avons un responsable cybersécurité opérationnelle mais la cybersécurité elle-même est rattachée à la direction des risques, audit et contrôle interne. Par contre, la digital factory, la gestion des infrastructures, le support de proximité, etc. sont bien au sein de la DISN.

Quels sont vos grands choix d’architecture IT ?

Notre SI est hybride. Nous avons en interne des ERP spécifiques à l’immobilier qui sont compliqués à externaliser. Certaines solutions sont vieillissantes mais, avant de franchir le pas et basculer en SaaS, nous voulons nous assurer que nous avons bien les compétences nécessaires en interne. Nous avons le réflexe Cloud, une approche Cloud First, lorsque nous déployons une nouvelle solution.

En effet, notre coeur de métier n’est pas de faire de l’hébergement. Si nous devons faire par nous-mêmes, nous le faisons, mais notre volonté est de confier ce type de tâches à ceux dont c’est le métier.

Nous regardons bien sûr les solutions souveraines et nous avons un groupe de travail au sein de la CDC qui regroupe l’ensemble des filiales du groupe, avec lequel nous échangeons régulièrement sur ces sujets.

Dans l’immobilier, la digitalisation de la relation avec l’acheteur ou le locataire est-elle une réalité ou encore un fantasme ?

Non, la digitalisation est bien une réalité dans l’immobilier !

Du côté de la foncière, pour la gestion de nos locataires, nous avons un CRM accessible aux équipes et nous avons développé une application servicielle, Weazy, qui permet une gestion optimisée du bâtiment.

Concernant la Promotion, nous avons mis en place un CRM pour le suivi des clients, ainsi que des applications dédiées à la force commerciale et, bien entendu, un site internet qui est l’un des points d’entrée pour les acquéreurs. Parmi nos projets phares, nous travaillons sur une refonte du parcours client.

Nous nous interrogeons sur la place que pourrait prendre l’IA et la Data. Est-ce que ces technologies nous permettraient d’aller plus loin ? En tout cas, nous y travaillons.

Précisément, avez-vous, comme d’autres foncières, des services pour vos locataires à base de data et d’IA ?

Oui, nous travaillons notamment avec Schneider Electric. Il s’agit de capter les données de la gestion technique des bâtiments (GTB) et d’obtenir ainsi des informations sur l’occupation des locaux et la consommation énergétique notamment. Avant d’envisager l’intégration de l’IA, il convient préalablement de bien qualifier la donnée et c’est sur quoi nous travaillons.

Nous avons une trentaine de cas d’usage en cours d’étude, plutôt pour délivrer de la valeur en interne.

Actuellement, quand nous discutons entre pairs du secteur, il semblerait qu’il y ait peu de cas d’usage en production et création de valeur, au-delà de cas d’usage d’IA bureautique (résumés de réunions, etc.).

Icade affiche dans sa raison d’être des ambitions environnementales et d’inclusion. Comment cela se traduit-il dans l’IT ?

Depuis que notre siège a déménagé à HyFive, à La Défense, en janvier 2025, nous avons accru notre recours au Green IT avec du réemploi de matériel, du reconditionnement de smartphones, de l’optimisation de bases de données…

Côté IT for Green, l’application Weazy permet d’optimiser la consommation énergétique, en lien avec la GTB. Nous optimisons aussi la gestion des déchets.

Weazy est un développement interne, très innovant lors de sa création. Aujourd’hui, beaucoup de pure players proposent des offres visant les mêmes services. Notre idée est de travailler en partenariat avec l’un d’eux en marque blanche. Pour nous, il est toujours préférable d’utiliser des produits d’entreprises spécialisées car le développement informatique n’est pas le coeur de notre métier.

Comme d’autres DSI, constatez-vous une inflation injustifiable de la part d’éditeurs de logiciels et de prestataires SaaS ? Quelles sont vos réactions ?

Evidemment, comme tout le monde !

Nous avons pour principal levier d’action la diversification des fournisseurs pour ainsi éviter le vendor-locking.

Quand nous rencontrons Microsoft, leur ambition est d’accroître leur périmètre. Nous sommes en train de renégocier notre contrat et nous travaillons précisément ce point. Pour l’utilisateur, c’est évidemment confortable d’avoir une suite d’outils intégrés sans couture, y compris l’IA Copilot. Mais le problème est le vendor-locking. Un de nos axes est donc d’éviter de mettre tous nos oeufs dans le même panier.

La guerre des talents IT est-elle pour vous encore un sujet ?

Parfois, il peut être difficile de trouver les bonnes compétences mais nous ne faisons pas de différences entre les collaborateurs selon qu’ils sont salariés ou prestataires. Notre vrai problème réside plutôt dans certaines vieilles technologies qui sous-tendent des applications critiques d’un point de vue business. Sur celles-ci, il est compliqué de trouver des intervenants externes.

Nous mixons, de ce fait, les talents internes et externes.

Enfin, quels sont vos défis pour 2025 ?

D’abord, finaliser notre plan stratégique et stabiliser notre organisation.

Nous ne figeons évidemment pas le portefeuille de projets stratégiques mais il faut tout de même le finaliser et le mettre en œuvre.

Nous devons mettre en œuvre les premiers cas d’usage en IA. Il nous faut aussi bien définir les usages de l’IA bureautique et acculturer ou former tous les collaborateurs.

Enfin, il nous faut réussir à créer le collectif DISN. Le coeur d’une entreprise reste l’ensemble des gens qui y travaillent. Pour une équipe de football, vous pouvez recruter une série des meilleurs joueurs du monde à coups de millions de dollars mais où chacun opérera dans son coin, menant l’ensemble à l’échec. Pour nous, c’est pareil : il faut que nos collaborateurs aient réellement plaisir à travailler ensemble.

Podcast - Comment Icade met le numérique au service de l’environnement

Le groupe Icade intervient dans deux domaines : dans la promotion immobilière d’une part, en tant que foncière de locaux professionnels d’autre part. Comme tous les acteurs de l’immobilier, Icade a de réelles préoccupations environnementales. L’informatique a son rôle à jouer en la matière comme le rappelle Alexis de Nervaux, Chief Digital & Information Officer d’Icade. L’action d’Icade est double : la réduction de l’empreinte de l’informatique elle-même et l’utilisation de l’informatique pour réduire l’empreinte métier.