Samir Amellal (France Travail) : « nous devons nous conformer aux enjeux de notre temps »
Un an après la transformation de Pôle Emploi en France Travail, l’IT est en cours de réorganisation. Samir Amellal, DGA Tech, l’explique.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est France Travail et la différence avec Pôle Emploi ?
Aujourd’hui, avec France Travail, nous voulons proposer à toutes les personnes en recherche d’emploi et à tous les employeurs un accompagnement personnalisé, mieux adapté aux besoins de chacun et surtout apporter la bonne solution au bon moment.
Cette ambition passe par plusieurs éléments concrets comme l’inscription de tous à France Travail (notamment pour les bénéficiaires du RSA et les jeunes suivis par les missions locales..), un parcours d’accompagnement rénové, un contrat d’engagement signé entre le demandeur d’emploi et l’organisme référent, mais également la création de communs ( notamment numériques) avec nos partenaires du réseau pour l’emploi.
Nous le savons, un demandeur d’emploi trouvera plus aisément un poste s’il a un logement, un moyen de transport … C’est pourquoi nous construisons des partenariats avec des acteurs sur l’ensemble du territoire pour mener cet accompagnement de la petite association à la CNAM en passant par des entreprises privées. Le défi en terme technique est immense car cela implique que les SI doivent s’interfacer alors que les SI de nos partenaires sont évidemment très différents les uns des autres.
C’est bien cette interopérabilité de nos SI sur laquelle je travaille qui permettra d’arrêter d’infliger notre complexité à nos usagers. C’est la clef du « Dites-le nous une fois »
Vous avez été récemment nommé DGA Tech de France Travail. Qu’est-ce que cela signifie et quelle est désormais l’organisation de la fonction Tech ?
La DGA Tech embrasse bien sûr un périmètre plus large que la DSI. Elle porte en effet des enjeux de transformation opérationnelle comme, par exemple, la mise à l’échelle du passage au mode produit pour nous assurer de notre capacité à nous adapter. Nous avons de ce fait, évidemment, une très forte proximité avec la Direction des Opérations afin de transformer les processus métiers.
L’objectif est aussi de simplifier la vie les tâches des conseillers pour accompagner autant les entreprises que les demandeurs d’emploi.
La DGA Tech pilote deux grandes branches. La première est la DSI, rattachée fonctionnellement mais pas administrativement à la DGA Tech. Elle est dirigée par Franck Denié. La seconde est la Direction de la Transition Numérique qui comprend des divisions consacrées aux outils et méthodes, à la data, à l’IA, au passage du mode produit à l’échelle. L’IA et et la Data sont des fonctions séparées. En effet, l’IA repose sur la data mais la data sert à bien d’autres choses. Ses enjeux sont donc bien plus vastes. La data est placée sous la direction d’Hélène Rohaut-Marchal.
Du point de vue juridique, la DSI est un établissement en lui-même tandis que la DTN appartient à l’établissement Direction Générale.
Retrouvez Samir Amellal à l’IT Night
Samir Amellal est membre du jury des Trophées de l’IT Night. Il va donc assister aux présentations des candidats le 30 avril 2025 et interviendra à la cérémonie le 26 mai 2025 au Théâtre Mogador à Paris.
Quelles sont les grandes lignes de votre architecture IT ?
Nous avons un coeur IT qui fonctionne sur un mainframe IBM zOS. Celui-ci est en train d’être porté en mode lift & shift sous Linux avant une réécriture. Ce coeur constitue une partie importante du traitement des dossiers des demandeurs d’emploi. Mais certaines parties ont d’ores et déjà été réécrites en Java/J2EE sous Linux. Désormais, la règle générale est le Java sous Linux avec des frameworks Javascript comme Angular pour l’IHM.
Comme il y a un évident enjeu majeur de souveraineté et de contrôle de données très sensibles, tout notre SI est on premise.
Pour notre gestion interne, notre ERP est SAP. Il a été récemment migré en S/4Hana. De même, nous venons de terminer de migrer notre SIRH ADP.
France Travail n’est pas dans le e-commerce et n’a pas de concurrence. Pourtant, depuis des années, vous êtes un fervent adepte de l’agilité, du mode produit et de SAFe. Pour quelles raisons ?
Nous sommes en concurrence théorique d’expérience… Les usagers profitent d’acteurs digitaux dans leur quotidien. Chacun est habitué à bénéficier de services digitaux de qualité et d’une expérience utilisateur aisée sans besoin de lire un mode d’emploi.
France Travail est un service public financé par l’argent public. L’objectif est de produire un service de qualité et à forte valeur ajoutée. Nous produisons des services et, s’ils ne répondent pas aux attentes, il faut les changer. Nous sommes dans la même réalité que tout le monde !
Ces dernières années, les révolutions ont été nombreuses : Covid, guerres, révolution de l’IAG… Nous devons nous adapter à tous les changements induits pour continuer d’apporter de la valeur.
Quels sont vos grands projets et enjeux du moment ?
Nous devons nous conformer aux enjeux de notre temps où le changement est permanent. C’est pourquoi nous menons une bascule vers le mode produit à l’échelle.
Bien sûr, un gros projet est la migration du mainframe.
Notre enjeu essentiel est, en fait de nous adapter en permanence, de garantir une gestion budgétaire optimale et d’apporter une valeur maximale à nos collaborateurs et à nos usagers. Nos usagers peuvent être des demandeurs d’emploi, bien sûr, mais ils peuvent être aussi des employeurs et, ne l’oublions pas, des personnes en poste cherchant à changer d’emploi. En cas de changement, un salarié libère son ancien poste qui peut être proposé à un postulant.
Linkedin, qui pourrait être vu comme un concurrent, est en fait un partenaire puisque nous contribuons à la même chose : trouver un emploi. Nos usagers doivent venir chez France Travail non par obligation mais parce qu’ils y trouvent de la valeur.
France Travail a subi une importante fuite de données (vite stoppée avec les coupables arrêtés) en 2024. Quelles leçons en tirez-vous ?
Il ne vous aura pas échappé que je n’étais pas en poste à l’époque mais je voudrais en tirer une leçon valable pour toutes les organisations.
L’adaptabilité implique l’ouverture. Mais il y a un défi obligatoire induit : la sécurité. Il nous faut donc nous ouvrir tout en assurant le respect de toutes les exigences de sécurité. Dans le DevSecOps, le « Sec » est une nécessité par construction. Ce n’est guère une consolation mais nous ne sommes pas les seuls à voir été victimes de fuites pour des raisons similaires.
Il n’existe pas de solution miracle et infaillible. Aucun système n’est infaillible.
La meilleure chose à faire (et qui a d’ailleurs été faite en l’occurrence) est de pouvoir détecter les incidents et réagir de manière appropriée et rapide. Les coupables, pour notre fuite, ont été arrêtés en quelques heures.
Vous recrutez 130 personnes en 2025. Pourquoi ?
La raison principale est que nous avons besoin de ressources pour relever nos défis, réaliser notre transformation et moderniser nos systèmes.
Nous avons aussi besoin d’internaliser des compétences. Quand le ratio interne/externe se déséquilibre trop, il faut embaucher pour compenser.
Enfin, quels sont vos défis pour 2025 et au-delà ?
Le principal défi pour la DGA Tech est le passage à l’échelle du mode produit afin de mener les projets dont nous avons parlé afin d’améliorer notre expérience utilisateurs, demandeurs d’emplois, entreprises et collaborateurs.
A l’échelle de France Travail, il nous faut sans cesse améliorer notre création de valeur pour tous nos interlocuteurs : demandeurs d’emploi, collectivités locales, partenaires locaux et entreprises recruteuses.
Podcast - France Travail remplit mieux ses missions grâce à l’agilité à l’échelle
France Travail est une institution publique dont la mission est l’accompagnement des Français dans l’insertion par l’emploi. Bien qu’en situation de quasi-monopole dans un domaine où le changement reste rare, elle s’évertue à adopter des méthodes agiles et le mode produit à l’échelle. Samir Amellal, directeur général adjoint à la Tech chez France Travail, en explique ici les raisons.