Clara Chappaz (Min. IA et Numérique) : « la technologie n’a jamais été plus politique »
Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance
Clara Chappaz, Ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, a présenté lors d’une conférence de presse « La semaine pour l’action sur l’IA », du 6 au 11 février 2025, avec un sommet international associé.
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Du 6 au 11 février 2025, un peu partout en France, le gouvernement organise une « semaine pour l’action sur l’IA ». Celle-ci est composée d’un grand nombre d’événements et d’initiatives et est associée à un sommet international auquel participent une centaine de pays (dont les Etats-Unis) devant déboucher sur une déclaration finale. L’une des thématiques abordée dans ce sommet concernera la problématique de la consommation des ressources et donc la frugalité voire le Green AI. Cette « semaine » a été présentée par Clara Chappaz, Ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargée de l’Intelligence artificielle et du Numérique, lors d’une conférence de presse. Pour elle, « la technologie n’a jamais été plus politique ».
La raison d’être de cette semaine est de mettre en avant un écosystème puissant et dynamique en France, en lien avec la politique menée depuis 2018. Le gouvernement compte ainsi 750 start-ups travaillant sur l’IA, ce qui représente 36 000 emplois et 13 milliards d’euros de fonds levés. En France, il y a ainsi 80 laboratoires de recherche sur l’IA (notamment au sein de l’INRA), ce qui représente 2000 chercheurs, 600 thèses et 300 chaires. « Quand je suis allé aux Etats-Unis, on y parlait davantage des start-ups françaises qu’en France » a regretté Clara Chappaz.
Démontrer la pertinence et les bénéfices de l’IA pour tous partout
Malgré cela, l’IA continue d’interroger et d’inquiéter le grand public, notamment au niveau des impacts. L’un des buts de la Semaine sera ainsi de montrer les apports de l’IA. Par exemple, des start-ups permettent d’accélérer la détection de pathologies à partir d’examens médicaux standards, d’autres d’optimiser les consommations de ressources et d’énergie. Il y a aussi, évidemment, un objectif économique. Clara Chappaz a noté : « même si la France est bien placée, il faut renforcer notre attractivité ». Enfin, la Semaine et son Sommet auront aussi une évidente dimension diplomatique. Le Sommet est d’ailleurs co-présidé par l’Inde afin de démontrer que l’IA est au service de tous et de tous les pays. Il s’agit de développer une vision commune de l’IA et notamment de la Green AI. Outre la déclaration finale, le Sommet devrait déboucher sur la création d’une fondation pour porter la mise en œuvre d’une IA open-source incluse dans les Communs Numériques.
Le gouvernement entend s’appuyer sur la Semaine, aussi, pour promouvoir et accélérer sa stratégie IA. En particulier, une vraie priorité est la diffusion de l’IA dans les services publics. Il y a de nombreux projets d’investissements importants. « Nous avons besoin d’infrastructures de calculs alimentées avec de l’électricité bas carbone » a insisté Clara Chappaz. La ministre considère que la France et l’Europe pèchent par leurs excessives modesties. S’il est essentiel de rester unis pour avoir un marché d’une taille suffisante, de 450 millions d’habitants, c’est aussi pour garantir la création d’une industrie locale. Elle a rappelé que « la préférence européenne n’est pas un gros mot ».
Non au fatalisme et à la modestie
La ministre a fustigé l’autoflagellation permanente en France. La course à l’IA est loin d’être terminée et la France (ainsi que l’Europe) est bien placée. Les annonces de plans de financement aux Etats-Unis sont des annonces. Mais proclamer « les Etats-Unis investissent 500 milliards, c’est plié » est absurde. Et la Chine l’a rappelé quelques jours plus tard… « Rien n’est joué » a martelé Clara Chappaz.
Un discours trop souvent entendu est que la régulation européenne serait excessive et bloquerait l’innovation. Mais la ministre a rappelé qu’il était essentiel d’avoir une seule règle pour un seul marché de 27 pays et 450 millions d’habitants, ce que permet l’IA Act. L’IA Act encadre les usages, pas les technologies, et d’une manière simple. Cela permet donc l’innovation technologique, veillant juste à ce que les innovations ne soient pas mal exploitées. Parmi les initiatives menées en province, le cluster SequoIA, à Rennes, présentera les usages de l’IA en matière de sécurité, domaine qui doit être particulièrement régulé pour éviter les atteintes aux droits individuels. D’ailleurs, le 31 janvier, a été annoncée le lancement de l’« Institut national pour l’évaluation et la sécurité de l’intelligence artificielle (INESIA) ». Pour Clara Chappaz, « il s’agit de créer un enthousiasme pour les technologies européennes au lieu de se lamenter en se réjouissant des succès des autres ».
En savoir plus
- Présentation de « La semaine pour l’action sur l’IA » sur le site de l’Elysée.
Création de l’Institut national pour l’évaluation et la sécurité de l’intelligence artificielle
La création de l’Institut national pour l’évaluation et la sécurité de l’intelligence artificielle (INESIA) a été annoncée le 31 janvier 2025 par le gouvernement. Cette création est issue des priorités établies en mai 2024 par la « Déclaration de Séoul » pour une IA sûre, novatrice et inclusive adoptée par l’Australie, le Canada, l’Union européenne, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, la République de Corée, la République de Singapour, le Royaume-Uni et les États Unis d’Amérique. « Piloté par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) au nom du Premier ministre et par la Direction générale des Entreprises (DGE) du ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, cet institut permettra de fédérer un écosystème d’acteurs nationaux de premier rang » indique le gouvernement.
Il est bien précisé que l’Institut ne sera pas une structure juridique nouvelle. Il fédèrera en premier lieu les acteurs nationaux de l’évaluation et de la sécurité : Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), Laboratoire National de Métrologie et d’Essais (LNE) et Pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN). Les chercheurs ainsi rassemblés analyseront les risques systémiques dans le champ de la sécurité nationale, le soutien à la mise en œuvre de la régulation de l’IA et l’évaluation de la performance et de la fiabilité des modèles d’IA.