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Gianmaria Perancin (USF) : « nous sommes inquiets au sujet des échéances posées par SAP »

Par Bertrand Lemaire | Le | Achat it

Les 9 et 10 octobre 2024, l’USF (Utilisateurs SAP Francophones) organisera sa Convention annuelle à Lille sur le thème « Il était une fois le Cloud : entre mythe et réalité… ». A cette occasion, Gianmaria Perancin, président de l’USF et du SUGEN, revient sur l’actualité de l’écosystème SAP. En particulier, l’obligation de passage programmé au cloud ou les échéances de fin de maintenance (et donc de migration) à court terme sont des sources d’inquiétude.

Gianmaria Perancin est président de l’association des Utilisateurs SAP Francophones. - © Républik IT / B.L.
Gianmaria Perancin est président de l’association des Utilisateurs SAP Francophones. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter l’USF (Utilisateurs SAP Francophones) et ses activités ?

Association totalement indépendante de l’éditeur SAP, l’USF rassemble les entreprises utilisatrices de toutes les solutions de cet éditeur, pas seulement les ERP ECC 6 et S/4Hana. Les 450 organisations adhérentes (dont 50 du secteur public) sont essentiellement en France et en Suisse Romande. Elles représentent 3700 individus participant à nos réunions, 75 % du CAC 40 et 66 % du SBF 120. En dehors de la région parisienne, il y a beaucoup plus de PME/ETI bien évidemment, ces entreprises représentant environ un cinquième de nos adhérents.

Nous avons adopté une stratégie baptisée « E.R.P. » : « Étendre les activités de l’USF », « Rayonner à l’international » et « Peser sur la stratégie de SAP ».

Nous disposons d’environ 30 commissions et groupes de travail dont 5 commissions régionales, ainsi qu’une commission dédiée à la Suisse Romande. En 2024, nous avons créé une commission Rise. Celles-ci permettent aux adhérents d’échanger sur la thématique concernée ou avec leurs pairs de la même région, en présentiel ou en distanciel. Notre réseau social associatif comporte aujourd’hui plus de 1500 profils actifs et cet outil est devenu un vrai lieu de partage entre membres. Enfin, tous les ans, nous organisons le plus grand événement de l’écosystème SAP en France, la Convention USF.

Précisément, la prochaine Convention USF aura lieu les 9 et 10 octobre 2024 à Lille Grand Palais. Pouvez-vous nous présenter cet événement ?

Comme tous les ans, ce sont plus de 3000 visiteurs cumulés sur les deux jours qui sont attendus. Nous aurons de nouveau une centaine de partenaires exposants (SAP n’est que l’un d’eux).

Les matinées sont, pour l’essentiel, réservées aux séances plénières (en plus des cinq ateliers roadmap SAP). Au cours de ces plénières, nous aurons six conférences pour réfléchir plus loin, nous ouvrir l’esprit. L’après-midi, il y aura les 70 ateliers permettant aux adhérents de présenter leurs réalisations, le cas échéant avec leurs partenaires.

La thématique de la Convention 2024 sera « Il était une fois le Cloud : entre mythe et réalité… ». Pourquoi une telle thématique et que signifie ce titre ?

Est-ce original ? Tout au long de l’année, le Cloud a constitué un fil rouge pour les travaux de l’USF. La commission Rise que nous avons créé en 2024 a, notamment, rencontré un réel succès. Le cloud s’est, de fait, définitivement installé dans les fondamentaux des systèmes d’information. Mais, au-delà des opportunités bien réelles, la mise en place d’une stratégie cloud opérationnelle montre une toute autre réalité.

Les promesses du cloud (innovations, agilité, consommation à l’usage, baisse des coûts…) sont autant de promesses d’apports de valeur aux métiers et aux entreprises. Mais, dans les faits, la vigilance s’impose : les promesses de réduction de coûts ne sont pas toujours au rendez-vous, la réversibilité des services et des modèles reste problématique, la protection des données stratégiques et personnelles suscite encore trop d’interrogations… et surtout, le cloud peut enfermer les entreprises dans une relation de dépendance vis-à-vis des éditeurs et des hyperscalers.

Entre le mythe de la simplification et de l’universalité du cloud et la réalité sur le terrain, pouvons-nous sereinement affirmer que « les entreprises et le cloud vécurent heureux et eurent beaucoup d’applications créatrices de valeur » ? Comme on peut en douter, nous en débattrons lors de la Convention.

De son côté, SAP parle du Cloud, du Cloud… et un peu d’IA, avant de reparler de Cloud. Demain, SAP ne sera sans doute que dans le Cloud. Et quelqu’un qui débuterait aujourd’hui sur SAP le ferait sans doute dans le Cloud.

Mais la base installée SAP est essentiellement on premise. La migration dans le Cloud n’est clairement pas la priorité. Et la transformation digitale porte plutôt sur d’autres sujets que l’ERP. La préoccupation des entreprises, en la matière, est plus de travailler sur l’omnicanalité et les processus sans couture entre les canaux de contacts. Les processus financiers et industriels, pour l’essentiel, donnent satisfaction en l’état d’une manière générale. La question est donc bien d’accompagner les entreprises compte tenu des échéances imposées par l’éditeur.

A propos de la Convention USF

lus grand événement annuel de l’écosystème SAP en France, la Convention USF 2024 se tiendra les 9 et 10 octobre 2024 au Grand Palais à Lille. Son thème sera : « Il était une fois le Cloud : Entre mythe et réalité… ».

Renseignements et inscriptions.

Quelles sont ces échéances imposées par SAP ?

Tout le monde a en tête le 31 décembre 2040, la fin de la maintenance courante de S/4 et la fin de la garantie du Private Cloud. Dix ans plus tôt, le 31 décembre 2030, ce sera la fin de la maintenance étendue de ECC et de Netweaver donc forcément la date limite maximale d’une migration S/4. La fin de la maintenance courante ECC est également bien connue : le 31 décembre 2027. Mais il s’agit des dernières versions d’ECC et de Netweaver. La fin de la maintenance pour les anciennes versions d’ECC et de Netweaver, c’est le 31 décembre 2025, dans dix-huit mois !

Certaines entreprises n’ont pas encore migré sur la dernière version ECC/Netweaver et vont être au pied du mur. Or une évolution de version n’est pas triviale. Et faire une migration technique, sans valeur ajoutée métier par définition, n’entraîne pas beaucoup d’enthousiasme. Cependant, plus on tarde, plus y aura pénurie de compétences et donc plus ce sera cher et compliqué.

Il est toujours dommage de réaliser des migrations globales purement techniques, en gardant l’historique (notamment les développements spécifiques). Et, ce, même si on peut toujours reparamétrer son S/4 pour tirer de la valeur. Cela dit, une vraie évolution porteuse de valeur nécessite une forte implication du métier et ce n’est pas toujours simple de mobiliser les équipes.

Nous sommes donc inquiets au sujet de ces échéances posées par SAP.

Dans les problématiques d’évolution de SAP, il y a les pressions en faveur du Cloud. SAP est-il toujours très insistant pour une migration vers les hyperscalers ?

Oui ! Pour la migration S/4, l’offre Rise est particulièrement mise en avant donc en s’appuyant sur Google, AWS, Microsoft Azure et Alibaba.

Nous avons compris qu’il pourrait exister des offres permettant de recourir à Cloud4C (Inde), IBM (Etats-Unis), Fujitsu (Japon) et T-Systems (Allemagne). Recourir à ces fournisseurs de cloud permettrait d’opter pour Rise avec du service assuré non pas par SAP mais par les hébergeurs eux-mêmes. Nous devons obtenir plus d’informations sur ces possibles offres. Pour des cas très particuliers, SAP pourrait aussi garder ses propres datacenters. T-Systems étant allemand, son offre serait susceptible d’être sur cloud souverain.

Par ailleurs, le chiffrement doit être davantage étudié. Est-ce que les entreprises aux données très sensibles pourront adopter SAP dans le cloud ? La question est posée. SAP garantissant son offre de cloud privé jusqu’en 2040, nous avons un peu de temps pour éliminer les spécifiques.

Où en est le marché sur les migrations S/4Hana ?

Cette année est celle de l’enquête bisannuelle de satisfaction des adhérents de l’USF sur les produits et services SAP. Ce sera la sixième édition et ses résultats seront dévoilés à la Convention de Lille. Les chiffres précis de la migration S/4 seront notamment disponibles au travers de cette enquête.

Nous ne sommes pas du tout certains que, à date, la moitié des utilisateurs ait effectivement migré. Et il faut que la mentalité des forces commerciales de l’éditeur change : elles doivent vendre ce dont chaque client a besoin, pas chercher à imposer n’importe quoi.

Nous avons de sérieux doutes sur la capacité des entreprises à respecter l’échéance de 2027. Alors, pour celle de 2025, vous comprenez que l’on soit très inquiets. Les gros projets de migration peuvent durer dix-huit mois ! De plus, si la migration se fait dans le Cloud, cela implique de nouvelles compétences et de nouvelles approches contractuelles.

Justement, les nouveaux consultants promis pour accompagner la migration sont-ils bien arrivés ?

En avril dernier, SAP nous a montré qu’il accélérait sur la formation interne est veillant à la cohérence entre les KPI suivis au ComEx groupe et ceux des pays.

Nous avons de vraies questionnements sur les compétences nécessaires dans les centres de services SAP (No Code, contractualisation, métriques, maîtrise des usages…). Pour maîtriser les usages en conformité avec le contrat, il faut que les entreprises sachent s’auto-éditer.

Ce que je peux vous dire, c’est que nos commissions abordant ces sujets rencontrent beaucoup de succès.

Quelles sont les conséquences de la migration S/4 pour les utilisateurs Concur et Ariba ?

Les porteurs de notre commission Concur n’ont, pour l’instant, identifié que des impacts minimes avec peu ou pas de conséquences.

Le point où il faudrait, a priori, porter un peu d’attention concerne la gestion des données des individus et sur l’add-on utilisé pour l’interface. Dans ce dernier cas, notamment, théoriquement, l’activation de l’add-on aurait pu être menée dans ECC, afin de remplacer un transfert par des couches classiques d’ETL. Mais le retour sur investissement ne semble pas très bon pour l’entreprise utilisatrice dans ce cas. L’adoption de S/4Hana apporte en revanche plus d’intérêt car on peut embarquer cette bascule dans la migration S/4Hana avec un coût marginal bien plus intéressant.

Côté commission Ariba, ses porteurs nous indiquent ne pas déceler de changement majeur… sauf, encore une fois, à profiter d’un changement d’architecture (avec la BTP, par exemple) qui permet de profiter d’avancées en termes d’intégration. Cela parait pourtant encore assez théorique puisque nos membres signalent que l’intégration d’Ariba avec SAP reste compliquée. Le souci est essentiellement lié au fait que les data models entre les solutions SAP et Ariba ne sont pas alignés. Selon les dernières informations glanées, cela devrait évoluer positivement avec Buying360, la solution « North Star » développée par SAP.

Où en est-on au sujet de la facturation électronique obligatoire ?

Nous travaillons à éclaircir le sujet mais, plus on avance, plus on remarque des zones d’ombre. Il reste de nombreux points à préciser.

De notre point de vue, le report de l’obligation est évidemment positif. Beaucoup de sujets occupent largement notre commission dédiée à la facturation électronique obligatoire.

Gianmaria Perancin est président de l’USF et du SUGEN (dirigeants de clubs utilisateurs SAP dans le monde). - © Républik IT / B.L.
Gianmaria Perancin est président de l’USF et du SUGEN (dirigeants de clubs utilisateurs SAP dans le monde). - © Républik IT / B.L.

Où en est l’actualité de la relation entre SAP et ses clients, notamment les membres de l’USF ?

Nous cherchons toujours à construire une relation saine avec l’éditeur en lui donnant les retours de ses clients utilisateurs. Alors, oui, nous disons parfois des choses qui peuvent être désagréables à entendre pour lui. Mais, aussi, beaucoup de choses positives.

Aujourd’hui, nous avons de bonnes relations avec SAP France qui prend le temps de nous répondre. Il arrive que nous pointions des choses peu claires voire incohérentes afin d’obtenir les éclaircissements nécessaires.

Je trouve qu’il est dommage que d’autres grands éditeurs n’aient pas, pareillement, une écoute active des besoins de leur clients, comme dans notre cas.

Avez-vous obtenu des éclaircissement sur la procédure en cours par l’Autorité de la Concurrence contre SAP ?

Nous avons appris que l’Autorité de la Concurrence s’est dessaisie fin 2023 au profit de la Commission Européenne. L’USF et le Cigref ont été déçues car la procédure aurait permis d’éclaircir beaucoup de choses. Désormais, il faut attendre le résultat de l’enquête de la Commission Européenne. Il va de soit que lorsque nous serons consultés, nous répondrons.

D’ici la publication de ses résultats, l’enquête et tous ses actes sont confidentiels.

Pour terminer, quels sont vos prochains défis ?

Bien évidemment, le défi majeur du moment est l’accompagnement des entreprises ayant des implémentations SAP on premise ainsi que l’offre Rise. L’avenir du SecNumCloud dans le cadre de l’EUCS constitue une vraie interrogation. Outre l’enquête bisannuelle de satisfaction, nous avons lancé une étude sur la maintenance et le support avec le cabinet PAC.

Côté IA, il nous faudra avoir beaucoup d’agilité. L’automatisation de process SAP avec des outils tiers reste un sujet.

Bien entendu, nous devrons maintenir nos liens avec les autres clubs des autres pays, le Cigref, etc. Cela sera notamment nécessaire pour avancer sur la diffusion de l’application de la CSRD (directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive) dans chaque pays.