Minh Girey (Bpifrance) : « notre enjeu est de démocratiser la donnée tout en la sécurisant »
Comme toutes les banques, Bpifrance, la banque publique d’investissement, a une activité qui repose sur les données. Minh Girey, Chief Data Officer de Bpifrance, explique ses approches.

Pouvez-vous nous présenter Bpifrance ?
Comme l’a expliqué Lionel Chaine dans sa propre interview, nous avons comme mission d’aider les entreprises à se développer. En tant que banque publique d’investissement, nous intervenons sur leur financement mais nous avons de nombreux autres modes d’actions.
Comment est organisé la data chez Bpifrance ?
La Direction Data & IA ainsi que le data office sont rattachés à la DSI.
En tant que Chief Data Officer, je suis en charge du data office, notamment de la gouvernance et qualité de données.
Le data office est en pratique agile, en utilisant le framework SAFe, et collabore de façon étroite avec les trains des équipes agiles métiers, Data & IA.
Autour du data office, nous avons une organisation de données fédérée, avec des propriétaires et gestionnaires de données au sein des métiers, sous le sponsorship du Directeur Général Adjoint, présent au Comité de Décision et d’Orientation Data.
Et quelles données traitez-vous ?
Le périmètre du data office couvre l’ensemble des données de l’entreprise.
Les données constituent un patrimoine dont nous cherchons la meilleure valorisation possible. Cela implique une mise en qualité maîtrisée. En particulier, pour que chaque donnée puisse être partagée, il nous fait un vocabulaire commun, que chacun comprenne chaque donnée. Pour y parvenir, nous devons mettre en cohérence nos vocabulaires. Les définitions des données doivent être accessibles à tous les utilisateurs afin qu’ils puissent les utiliser de manière pertinente dans un contexte adapté.
Le data office a cette fonction de permettre le partage et la mise en cohérence pour que le bon usage se fasse dans le bon contexte.
Et quels outils utilisez-vous ?
Tous les outils sont gérés dans un train SAFe dédié et hébergés dans le cloud. Nous utilisons par exemple Data Galaxy comme data catalog et Informatica CDQ pour nos tableaux de bord de la qualité de la donnée.
Pourquoi et comment Bpifrance a-t-elle décidé de mener une transformation data avec l’adoption d’une approche produits ?
Notre enjeu est de démocratiser la donnée tout en la sécurisant. Il s’agit de mettre à disposition des données directement utilisables aux utilisateurs finaux et de manière simple.
Un data product est un produit de données, permettant une vraie maîtrise, une vraie traçabilité, une qualité garantie, etc. Disposer de data products amène les utilisateurs à avoir confiance dans les données.
Comment avez-vous mené la transformation de vos équipes ?
Nous avons commencé par une sensibilisation à ce qu’est une donnée de qualité. Comme le sujet peut paraître parfois complexe et rugueux, notre approche a été d’expliquer les conséquences d’une mauvaise qualité de la data et les bénéfices de la qualité.
L’acculturation des équipes agiles est également nécessaire pour que soient mis en place les bons contrôles tout en restant frugaux. L’excès de contrôle consomme de la ressource sans bénéfice. De la même façon, nous veillons à l’acculturation des équipes métiers pour que la data soit créé nativement avec une bonne qualité.
La bonne qualité de la donnée, c’est la base nécessaire pour tirer les bonnes conclusions des reportings.
Cette acculturation intègre un parcours d’e-learning (pour l’instant, nous incitons fortement les collaborateurs à suivre ce parcours mais il n’y a pas d’obligation formelle). Nous diffusons également des vidéos pédagogiques de type « vis ma vie de propriétaire de données ».
Nous avons également eu recours à une approche par gamification avec la « Fresque de la Data », conçue sur le modèle de la « Fresque du Climat ». Cette initiative a beaucoup de succès. Au départ, nous la destinions à la seule communauté data. Mais certains métiers nous ont demandé de décliner cette démarche au sein de leurs directions. Par exemple, nous avons intégré certains cas d’usages métiers, ainsi qu’une description de la réglementation BCBS 239 (la réglementation sur la qualité de la data incluse dans les accords Bâle III). Et nous avons étendu la cible à des acteurs métiers.
Du coup, la « Fresque de la Data » a été intégrée au catalogue des formations internes.
Quels usages avez-vous de l’intelligence artificielle chez Bpifrance ?
Nous avons de nombreux usages de l’intelligence artificielle chez Bpifrance ! Et depuis longtemps ! Notre direction encourage l’innovation et l’exploration de cas d’usage de l’IA, bien évidemment dans le cadre réglementaire de l’IA Act.
Avec Copilot, l’IAG (intelligence artificielle générative) est d’ailleurs ouverte à tous les collaborateurs avec 300 licences qui tournent dans l’organisation. Nous avons mis en place un chatbot, Alfredia, qui est enrichi à l’IA (avec des liens vers Le Chat Mistral, ChatGPT…). Le but est de faciliter une présentation d’une idée à un comité de direction. Une fois l’idée mise en forme, elle est soumise au filtre d’un dispositif de contrôle de conformité et, ensuite, le cas échéant, effectivement présentée.
En 2024, nous avons testé une cinquantaine de POC en matière d’IA dont sept ont été effectivement déployés et passés à l’échelle. Pour l’instant, nous utilisons l’IA/IAG plutôt en aide aux chargés d’affaires, pas en frontal clients. Un usage où l’IA est très performante, c’est l’indexation et l’analyse de documents. Nous expérimentons, par exemple, l’interrogation en langage naturel de notre dictionnaire de données. Nous avons aussi « augmenté » nos développeurs avec Copilot : nous avons constaté un gain de productivité de l’ordre de 20 % en moyenne.
Pour terminer, quels sont vos autres grands projets et défis à relever ?
Tout d’abord, nous devons faire en sorte que les métiers soient au maximum autonomes dans leurs usages de la data. Pour cela, nous devons démocratiser la data, notamment via les data products.
Ce n’est pas très original mais nous devons aussi, bien sûr, sécuriser et protéger le patrimoine data. Nous mettons en place des alertes s’il y a un usage anormal d’un jeu de données.
Nous sommes une banque et nous avons donc des travaux à réaliser en matière de conformité réglementaire. Nous voulons les mener en les tournant en opportunités business. Etre une banque, c’est devoir tenir compte de très nombreuses règles, notamment sur la traçabilité des données en lien avec la gestion des risques.
Enfin, il nous faut nous préparer à avoir une collaboration agents humains / agents IA.
Podcast - La fresque de la data pour l’acculturation data chez Bpifrance
Bpifrance, banque publique d’investissement, est au service des entrepreneurs et pas seulement avec du seul financement. Minh Girey, Chief Data Officer de Bpifrance, est en charge du Data Office et notamment de la gouvernance des données. Elle explique comment Bpifrance a mis en œuvre une « fresque de la data » pour contribuer à acculturer les collaborateurs.