Helmi Bessaies (Unilever) : « nous adoptons le mode produits avec des engagements business »
Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance
Groupe présent dans 190 pays, Unilever dispose de plus de 400 marques et mène une politique de mutualisation mondiale de son IT et de mode produit. Helmi Bessaies, Head of IT West Europe d’Unilever, détaille les approches de la multinationale.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est aujourd’hui Unilever ?
Le groupe est présent dans 190 pays avec plus de 150 000 collaborateurs. Il réalise un chiffre d’affaires d’environ 52 milliards d’euros. 3,4 milliards de consommateurs dans le monde utilisent nos produits présents dans 98 % des foyers français. Nous avons environ 400 marques dont une quarantaine sont des focus-marques. Par exemple, Knorr génère un chiffre d’affaires de plus de cinq milliards d’euros.
Nous avons cinq business groups : boissons / glaces, alimentaire / nutrition, soins de la personne, entretien de la maison et beauté / bien-être (voir encadré ci-dessous).
Le siège social est actuellement à Londres mais les Pays-Bas constituent encore un pays très important pour nous. Le président de la division alimentaire / nutrition est ainsi basé à Rotterdam.
Unilever en bref
Unilever possède plus de 400 marques dans le monde, dont plus d’une dizaine génère des chiffres d’affaires de plus d’un milliard d’euros.
Voici quelques marques parmi les plus connues :
- Boisson et Glaces : Ben & Jerry’s, Miko/Ola/Lusso (Magnum, Carte d’Or, Max Adventures, Viennetta, Café Zéro, Cornetto), Éléphant, Lipton, Klondike, Yula, Grom.
- Alimentaire : Amora, Oswald Nahrungsmittel, Becel, Calvé, Knorr, Hellmann’s and Best Foods, Maille, Rama, Chirat, Maïzena, Lätta.
- Soins de la personne : Axe, Brut, Dove, Elida Gibbs, Monsavon, Rexona, Signal, Timotei, Williams, Duschdas, Love Beauty and Planet.
- Entretien de la maison : Buhler, Cajoline, Enka, Cif, Domestos, Comfort, Omo, Skip, Persil, Coral, Sun, Glorix.
- Beauté / Bien-être : pas de présence en France.
Et du point de vue IT ?
Il y a quatre ans, notre IT était essentiellement par pays, chacun étant relativement autonomes. Depuis, nous avons mis en place une politique de mutualisation de la gestion des infrastructures, de la cybersécurité, du CRM… Nous avons désormais une gouvernance globale située à Londres avec un hub opérationnel à Bangalore (dont le SOC).
Jusqu’à fin 2024, ma mission concernait le pilotage des projets locaux s’appuyant sur des start-ups locales, les problématiques de conformité dans les différents pays (NIS2, facture électronique…), la suppression des irritants locaux et l’amélioration de la productivité. Par exemple, dans ce dernier point, je peux citer une app pour commerciaux destinée à gérer l’inventaire et la commande en retail.
Nous avons un ERP groupe, SAP ECC 6 (un projet S/4 est prévu en 2025), des CRM… En France, nous utilisons un CRM dédié aux grandes surfaces, Nomad de Coheris. La France fait partie des pays où la relation entre industriels et distribution est particulièrement compliquée. Nous avons, en France, un SIRH sous Workday.
En 2025, nous adoptons une orientation produits avec des engagements business vis-à-vis des divisions métiers. L’objectif est d’avoir davantage de produits groupe déployés et adaptés localement (supply-chain, relations consommateurs, relations distributeurs…). Désormais, lorsqu’il y a un besoin local, nous cherchons d’abord à le couvrir avec une solution groupe et, si c’est possible, nous la déployons localement. Dans le cas contraire, nous développons localement mais en essayant autant que possible de déployer dans d’autres pays cette nouvelle solution pour couvrir le même besoin. C’est notamment arrivé pour un outil développé en France qui a été aussi utilisé en Amérique Latine.
Quels sont vos grands choix d’architecture ?
Nous tentons de nous approcher au maximum du full cloud. En France, nous sommes full cloud depuis deux ans. Là où cela a du sens, nous adoptons le cloud hybride. Les applications sont en principe sur Microsoft Azure ou Google Cloud Platform et nous archivons sur AWS Iceberg.
Tous les deux ans, nous effectuons une revue de toutes nos applications et nous révisons, le cas échéant, nos choix. Par exemple, la gestion des promotions, en France, est passée de Azure à AWS puis à GCP pour continuer de l’améliorer et baisser les coûts.
L’intelligence artificielle, notamment générative, est-elle un sujet d’actualité pour vous ?
C’est un sujet pour nous depuis plus de six ans ! Nous n’avons pas attendu le boom de l’IAG avec ChatGPT.
Nous avons un hub digital au Royaume-Uni et au Canada (le Lab Horizon) qui s’occupe essentiellement de sujets autour de l’IA. Mais il gère aussi la présence de nos marques sur les métaverses tels que Second Life, le gaming sur les réseaux sociaux, etc.
L’IAG nous permet de créer des contenus pour le marketing, aussi bien du texte que des médias, avec Adobe Firefly. Cette solution nous permet d’utiliser notre propre propriété intellectuelle.
Grâce à l’IA, nous pouvons aussi automatiser certains process de la supply-chain.
Nous avons aussi mis en place un chatbot pour le support client. Par exemple, il permet de répondre à des questions sur les allergènes. Pour ce chatbot, nous utilisons les outils d’OpenAI mais en mode privé, avec uniquement des données Unilever, sans entrée et sans sortie, ce qui évite les fuites de données et les hallucinations.
Un autre sujet d’actualité est la facturation électronique obligatoire. Où en êtes-vous ?
Nous avons commencé très tôt et consacré six mois à l’analyse fonctionnelle. Nous avons ensuite placé le projet en pause en attendant le démarrage par l’État. Nous avons repris le sujet il y a six mois. En France, nous avons dix sociétés et nous traitons 400 000 factures par an.
Nous avons deux processus séparés. Pour les factures entrantes, nous utilisons la PDP groupe en Pologne. Pour les factures sortantes, nous avons une PDP par pays, en France celle d’Edicom. Nous avons choisi celle-ci parce qu’Edicom assurait déjà la facturation par EDI.
Club du 1er juillet : la facturation électronique obligatoire
Républik IT et Républik Finance donnent rendez-vous aux décideurs IT et aux décideurs Finance le 1er juillet 2025 pour aborder leur sujet commun : la Facturation Electronique Obligatoire.
Helmi Bessaies y sera Grand Témoin.
Quels autres grands projets menez-vous actuellement ?
Le principal est un programme de structuration de la data. Nous mettons en place un market datalake unique consommé par toutes nos applications. Le projet a été démarré il y a trois ans.
La guerre des talents est-elle un sujet pour Unilever ?
Oui, c’est une vraie problématique dans l’IT et en particulier dans la data. Il y a notamment une réelle pénurie de développeurs Python.
Cela dit, nous bénéficions de marques fortes qui aident à notre attractivité. La rétention des talents demeure malgré tout difficile, même si le turn-over dans la data et l’IT est aujourd’hui de 3 % contre 10 % il y a quelques années. Pour améliorer la situation, nous organisons de nombreuses formations en interne ou avec nos partenaires (Microsoft, AWS…).
Quels sont vos défis pour 2025 ?
Bien évidemment, en premier lieu, il faut citer la cybersécurité ! C’est un sujet de plus en plus complexe avec une quantité de menaces qui s’accroît de manière continue. Tous les départements sont touchés, de la supply-chain aux ventes, sans oublier nos partenaires, clients ou fournisseurs. Nous ne pouvons pas protéger tout notre écosystème mais nous devons nous protéger.
La mise en place de la nouvelle approche produits constitue évidemment un défi. Et, évidemment, cette évolution ne doit en aucun cas avoir d’impact négatif sur le business.
Enfin, nous avons, comme tout le monde, des défis à relever en matière de RSE. Nous avons notamment un objectif de zéro CO² net en 2039. Nous mettons bien sûr nos prestataires d’infrastructures sous pression mais nous devons aussi veiller au recyclage à 100 % de nos produits et emballages. Notre stratégie est le « sustainable by design ». Nous pouvons bloquer un projet si les objectifs en termes de RSE ne sont pas tenables.
Podcast - La facturation électronique, projet stratégique pour Unilever
Acteur B2B2C d’ampleur mondiale, le groupe Unilever traite 400 000 factures par an en France. Dans un tel contexte, la facturation électronique obligatoire est un sujet majeur comme le souligne Helmi Bessaies, Head of IT West Europe d’Unilever. Il détaille ici le projet après avoir présenté Unilever.