François-Xavier Pierrel (TF1) : « la data, la clé de la connaissance et de l’expérience spectateur »
Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance
Aujourd’hui Chief Data & Ad Tech Officer du groupe TF1, François-Xavier Pierrel explique ici la stratégie et l’approche data du groupe audiovisuel, notamment dans le cadre du lancement de TF1+ le 8 janvier 2024.
Pouvez-vous nous rappeler quelle est, aujourd’hui, la dimension du groupe TF1 ?
Le groupe TF1 est bien sûr un groupe audiovisuel qui possède la chaîne historique TF1 mais aussi TFX, TF1 Séries et Films, LCI, TV Breizh, Ushuaïa TV, Histoire TV… Le 8 janvier 2024, nous avons lancé TF1+, une plate-forme de streaming gratuite proposant 15 000 heures de programmes, y compris des séries et des films, qui succède à MyTF1. TF1+ est bien sûr disponible sur le web mais aussi via des applications (Android, iOS, téléviseurs connectés…). La consommation linéaire sur les chaînes traditionnelles va sans doute se poursuivre encore de nombreuses années mais décroît au profit d’une consommation à la demande en ligne. Enfin, n’oublions pas le groupe d’actifs de premier plan avec Newen Studios qui produit par exemple Plus Belle La Vie, le distributeur Newen Connect, sans oublier notre régie publicitaire, TF1 Pub.
En 2022, notre chiffre d’affaires annuel a dépassé les 2,5 milliards d’euros pour 316 millions de résultat opérationnel. Le chiffre d’affaires publicitaire a progressé de 9,7 % (24,9 % sur MyTF1) sur les trois premiers trimestres 2023. Chaque semaine, le Groupe TF1 touche 56 millions de Français avec une part d’audience de 26,9 % (+0,3pt en 1 an). MyTF1 rassemblait 28 millions de streamers par mois et nous espérons évidemment faire considérablement croître ce chiffre avec TF1+.
Vous êtes Chief Data & Ad Tech Officer du groupe TF1. Que signifie ce titre et quel est votre périmètre ?
Mon objectif est de faire de la data un actif du groupe, ce qui signifie fiabiliser la collecte, améliorer l’exploitation et accélérer la monétisation de ce patrimoine data. La monétisation renvoie à deux aspects : d’abord mieux comprendre les audiences afin de les développer, d’aller chercher de nouveaux spectateurs et de renforcer la fidélité des spectateurs actuels ; ensuite mieux valoriser cette audience, d’un point de vue publicitaire, au travers de notre régie. En particulier, la data va être directement impliquée dans le développement de l’audience de TF1+.
Et les outils (DMP, etc.) relèvent de l’ad tech. En quelque sorte, la data est l’essence et l’ad tech le moteur.
Avant mon arrivée, il n’y avait pas de data office à proprement parler au sein du groupe TF1. Cette création de poste et de département bénéficie de manière transverse à chaque division du groupe. Le data office, c’est 70 personnes et nous recrutons encore, des profils très technologiques mais aussi des profils type product manager / chef de projet à même de faire la liaison transversale avec nos métiers. Chez TF1, nous souhaitons encore plus développer notre expertise et cela passe par une internalisation des rôles stratégiques mais, si j’ai besoin de compétences pointues ponctuelles, ou simplement de bras, nous pouvons recourir à des prestataires.
Retrouvez François-Xavier Pierrel à la Nuit de la Data
François-Xavier Pierrel, Chief Data & Ad Tech Officer de TF1, est membre du jury des Trophées de la Nuit de la Data. Vous le retrouverez lors de la cérémonie, le 5 février 2024, dans un théâtre parisien.
De quelles données parle-t-on ?
D’abord, évidemment, il y a les données « corporate » classiques (finances, ressources humaines, etc.).
Nous avons aussi les données spectateurs. Pour le linéaire traditionnel, nous nous reposons sur les chiffres de Médiamétrie comme tous les acteurs du marché. Le marché français a une spécificité : les opérateurs télécoms sont pour le moment des intermédiaires entre nous et nos spectateurs. Ailleurs, il n’existe pas de box triple-play ! Par contre, sur MyTF1/TF1+, nous avons bien sûr des données sur les personnes (e-mail, genre, lieu, équipement…) et leur consommation de contenus.
Concernant la publicité, nous avons des données de campagnes (quelle campagne, quelle audience, selon quel canal…).
Enfin, nous pouvons aussi intégrer des données de partenaires. Par exemple, nous avons les données e-retail media de Carrefour ou d’Infinity (Les Mousquetaires).
Et ces données sont utilisées pour quels usages ?
Bien entendu, au travers d’analytics, nous obtenons une connaissance de nos spectateurs.
Notre équipe IA développe des algorithmes de recommandation pour développer notre audience et améliorer l’expérience utilisateur. Et, ce qui est particulièrement passionnant à construire, ce sont les algorithmes de recommandation pour une « écoute conjointe », par exemple pour une famille dont différents membres possèdent des comptes MyTF1/TF1+.
Nous travaillons aussi sur de l’AB testing (comparaison entre le comportement spectateur avec et sans tel écran ou avec telle ou telle bannière ou élément) et de la perception de marque avant/après une campagne. Ces travaux sont très classiques mais la difficulté est de systématiser, industrialiser et simplifier l’accès à ces outils.
Le projet AutoPilot Carbon est un excellent exemple de ce que nous faisons en combinant data, IA au service de nos annonceurs : c’est un outil de calcul et d’optimisation de l’impact carbone d’une campagne publicitaire.
Retrouvez François-Xavier Pierrel au Club du 4 avril 2024
Les clubs Data Onboard sont des diners-débats élitistes et confidentiels qui permettent aux Chief Data Officers de grandes entreprises et administrations de pouvoir échanger librement. Ce qui se dit dans le club reste dans le club : il n’y a aucun compte-rendu.
Le 4 avril 2024, le thème sera « La data au service du Green ». François-Xavier Pierrel en sera le grand témoin.
L’IA, finalement, cela reste un doux rêve ou c’est d’ores et déjà une réalité profitable ?
C’est, sans aucun doute possible, une réalité profitable ! Nous avons du machine learning un peu partout et depuis longtemps.
Nous travaillons actuellement sur l’IAG en réalisant divers tests. Par exemple, une IAG peut créer un journal télé individualisé en fonction des sujets qui plaisent à tel spectateur, en allant chercher des reportages. Nous avons lancé Top Chrono, un service qui permet de créer un résumé sur mesure d’un événement retransmis en fonction du temps dont le spectateur dispose. Et puis une IAG pourrait permettre à plus d’entreprises de faire de la publicité audiovisuelle. Aujourd’hui, créer un spot est très lourd, très long et très cher. A terme, une IAG pourrait permettre de fabriquer des spots pour le canal digital à moindre coût pour une audience ciblable en ligne.
La conformité réglementaire des traitements, avec les évolutions régulières de la législation française et européenne, devient-elle une gageure ?
Pour le RGPD, il n’y a pas de débat. Nous avons une conformité stricte. TF1 est un groupe très exposé et une faiblesse en la matière serait payée cash. Nous menons un important travail pour garantir cette conformité en continu y compris avec les nouveaux projets.
Nous suivons avec attention les nouveaux textes comme le DMA, le DSA, l’AI Act… DMA et DSA tiendront-ils leurs promesses pour rétablir les équilibres ? Nous verrons bien. Sur l’AI Act, la question de la temporalité et de l’action du législateur sont clés. Il faut cadrer tout en laissant suffisamment de place pour expérimenter et progresser.
Enfin, quels sont vos défis pour 2024 ?
Le premier défi, commun à tout le groupe, est la réussite de TF1+. Pour cela, la data, je l’ai dit, a un rôle clé autant pour connaître les utilisateurs que pour améliorer leur expérience.
Nous devons aussi améliorer l’accès à la data pour nos annonceurs, chose que savent très bien faire les GAFAM.
Nous devons aussi consolider une équipe Data et Ad Tech dont la constitution est encore récente.
Finalement, il s’agit de faire de TF1 un acteur reconnu de la data et de faire savoir que nous menons de magnifiques projets extrêmement intéressants. Aux candidats potentiels, je veux dire : chez TF1, vous allez vous amuser et pas seulement en regardant nos programmes.
Podcast - Data et Ad Tech chez TF1 : l’essence et le moteur
François-Xavier Pierrel est désormais Chief Data & Ad Tech Officer du groupe TF1. Après avoir rappelé la dimension actuelle du groupe TF1, il explique ici en quoi consiste son nouveau poste. Pour lui, la data et l’Ad Tech sont un peu comme l’essence et le moteur. Les données sur les spectateurs permettent ainsi de monétiser les audiences et d’améliorer l’expérience utilisateur.