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Dave Ubachs (Edenred) : « la Tech est le socle de notre activité »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Dave Ubachs, Group CIO d’Edenred, revient sur les enjeux IT du spécialiste des paiements fléchés, notamment avec son plan stratégique Beyond.

Dave Ubachs est Group CIO d’Edenred. - © Républik IT / B.L.
Dave Ubachs est Group CIO d’Edenred. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter Edenred ?

Le cœur historique de notre activité est de fournir des avantages aux salariés, des moyens de fidélisation aux entreprises et des solutions pour développer le commerce local. Nous avons ainsi été connus en France par le Ticket Restaurant (dont la version papier va disparaître en 2026). Aujourd’hui, plus généralement, nous fournissons des solutions pour garantir le bon usage de l’argent versé par une entreprise ou un gouvernement, ce que l’on nomme « l’argent fléché » (« Purpose money » en Anglais, argent à finalité). C’est bien sûr le cas des titres restaurants qui ne peuvent être dépensés que pour l’alimentation mais aussi de cartes carburant, d’aides aux agriculteurs, etc. Nous avons ainsi trois lignes métiers : Engagement et avantages aux salariés (Ticket Restaurant, cartes cadeaux, CESU, etc.), Mobilité (carte essence, gestion de parc de véhicules, cartes péages/parking, cartes mobilités douces, etc.) et Solutions Complémentaires (digitalisation du paiement B2B par exemple). En tout, nous disposons de 250 produits (le Ticket Restaurant en France est un seul de ces produits).

Réalisé grâce à nos 12 000 collaborateurs (dont plus de 3000 techs), notre chiffre d’affaires, en forte croissance, est de 2,5 milliards d’euros. Dans le cadre de notre plan stratégique Beyond, nous avons un objectif de chiffre d’affaires de 5 milliards en 2030. Et, d’ici 2050, nous avons une ambition d’atteindre le Net 0 carbone selon le standard SBTI.

Notre activité est à 60 % en Europe, 30 % en Amérique Latine (Mexique, Brésil…) et 10 % dans le reste du monde. Une acquisition récente a renforcé notre présence dans le monde anglo-saxon (Etats-Unis, Grande-Bretagne). Edenred sert 60 millions d’utilisateurs dans le monde (par comparaison, Uber Eats en a 80 millions). Nous servons également un réseau de deux millions de marchands partenaires. Le travail d’Edenred est de connecter ses clients (ceux qui payent), les utilisateurs (ceux qui utilisent l’argent) et les commerçants (ceux chez qui l’argent est dépensé). De ce fait, quand nous voulons implémenter un CRM, nous en implémentons en fait trois : l’un pour nos clients, l’un pour nos utilisateurs et le dernier pour les commerçants.

Les flux financiers que nous traitons sont de l’ordre de cent milliards d’euros par an.

Comment est organisé l’IT chez Edenred ?

Je suis membre du Comité Exécutif et je suis rattaché directement au PDG. Je suis en charge, d’une part, des plateformes groupe, d’autre part des fonctions corporate IT (ERP, data, cybersécurité… Le CISO et le CDO me sont rattachés).

Dans les business units, les équipes utilisent les composants issus des plateformes groupe mais développent des applicatifs adaptés aux produits demandés par les clients locaux. Nous disposons de grands centres de développement à Mexico, Bucarest… Ces digital centers regroupent environ 500 personnes et nous permettent de conserver les compétences en interne.

L’innovation est quelque chose de très important pour nous. Nous avons un budget d’investissement dans l’innovation numérique de l’ordre de 480 millions d’euros par an (il a gagné 100 millions par rapport à l’année précédente). C’est la meilleure preuve que la Tech est le socle de notre activité. Bien évidemment, avec de tels montants, nous avons une forte responsabilité sur l’efficience de ces investissements.

Retrouvez Dave Ubachs à l’IT Night

Dave Ubachs, Group CIO d’Edenred, est membre du jury des Trophées de l’IT Night. Il assistera donc aux présentations des candidats le 30 avril 2024 et à la cérémonie le 27 mai 2024

Comment est structurée votre architecture ?

Notre architecture est sur quatre niveaux.

Tout d’abord, il y a l’infrastructure mutualisée pour l’ensemble des activités partout dans le monde. Ce niveau comprend aussi la data platform, le cloud, etc.

Au-dessus, il y a la couche « digital services », à savoir essentiellement les API. Contrairement à certaines entreprises, nos API concernent autant les outils internes que des liens avec les SI de tiers (partenaires offrant les services effectifs consommés par les utilisateurs par exemple). Ces API permettent ainsi à Deliveroo ou Uber Eats d’afficher dans leurs applications le solde du compte de titres restaurants.

La troisième couche est celle des applications business. Il s’agit des logiciels utilisés par les métiers ou les utilisateurs. Ils sont très spécifiques à telle situation, tel client, tel législation de tel pays, etc. même s’il peut y avoir des points communs importants.

Enfin, il y a la couche de l’expérience utilisateurs, qui correspond à l’utilisation de nos produits par nos clients, que ce soit le paiement en restaurant, à la pompe ou même l’usage de nos solutions data.

Qu’implique, pour l’IT, le plan stratégique Beyond ?

L’IT, vous l’avez compris, joue un rôle important partout chez Edenred. C’est bien sûr aussi le cas pour Beyond. Il faut d’abord comprendre que ce plan stratégique repose sur plusieurs piliers.

D’abord, il s’agit de viser les marchés sous-pénétrés. Cela comprend notamment, au-delà de nos nombreux clients grands comptes, les comptes moyens voire petits. Or, pour les petits, il est nécessaire de développer des outils de self-service. Au-delà de la nécessité de rester rentable dans notre relation commerciale, créer des portails de services est une réponse à l’attente des chefs de petites entreprises. Ces portails proposent notamment des indicateurs moyens sur un secteur ou une zone géographique afin que le client puisse juger de sa compétitivité en termes d’avantages salariés. Il s’agit, en fait, d’aider nos clients à fidéliser leurs collaborateurs.

Ensuite, nous avons un axe « Beyond Fuel / Beyond Food » (au-delà de l’essence et de la nourriture). Il s’agit de proposer des services additionnels au-delà des seuls moyens de paiement. Par exemple, au-delà de la carte carburant, nous proposons de la gestion de flotte de véhicules avec une optimisation de l’empreinte carbone ou des coûts. Ces services se font le plus souvent à base de data.

Quels sont vos autres grands projets, notamment en intelligence artificielle ?

Depuis un plus de trois ans, nous avons construit une équipe de datascience. Nous avons plus de 200 dataworkers dont 65 experts. A ce jour, nous avons 25 cas d’usage de l’IA sur des sujets comme l’anti-fraude, les recommandations, le churn de clients… Beaucoup de ces cas d’usage reposent sur le machine learning. Nous utilisons par exemple l’IA pour l’identification de micro-segments de clients qui auraient des besoins spécifiques. Lorsque de tels micro-segments sont identifiés, l’information est transmise à nos équipes de gestion de produit afin d’évaluer la possibilité d’améliorer nos produits existants ou de créer de nouveaux produits.

Concernant l’intelligence artificielle générative (IAG), nous avons trois familles d’usages : la productivité personnelle, la productivité organisationnelle et l’amélioration de l’expérience utilisateur. Tout le Comité Exécutif l’utilise. Nous avons déployé un « ChatGPT interne », EdenChat, dans un environnement protégé. Nous avons actuellement un pilote avec Microsoft Copilot sur différents métiers pour vérifier la valeur ajoutée. La productivité personnelle, c’est par exemple la rédaction d’e-mails, le repérage de documents en rapport avec une réunion ou un projet… La productivité organisationnelle correspond à des projets comme l’interrogation d’une base de connaissance ou de procédures en accélérant les réponses en centres de contacts. C’est aussi un gain de 15 % en moyenne sur le temps de développement logiciel avec GitHub Copilot. Enfin, l’amélioration de l’expérience consiste en des projets comme un chat-bot de self-service, par exemple pour obtenir rapidement une facture (nous utilisions auparavant, depuis plusieurs années, IBM Watson), ou, toujours en centre de contacts, la génération de synthèses de conversations orales. L’IA nous sert aussi à détecter un nombre anormal d’appels sur un sujet (c’est que ce sujet rencontre un problème à corriger) ou un intérêt pour un nouveau produit/service issu des suggestions de clients.

Avec l’IA, nous aidons aussi nos clients à optimiser leur empreinte environnementale en leur mettant à disposition des outils facilitant les arbitrages en matière de coût financier ou en CO².

Multiplier les outils à base d’IA n’implique-t-il pas une surconsommation d’énergie et de ressources incompatible avec vos objectifs de neutralité carbone ?

L’IA elle-même n’est pas un réel problème en matière de consommation de ressources. Par contre, elle facilite l’optimisation de la consommation des ressources et son usage est donc généralement vertueux.

Par contre, l’intelligence artificielle générative (IAG) est en effet plus problématique. Mais c’est surtout l’entraînement des LLM qui est très consommateur. Nous, nous utilisons des LLM du marché. Et, comme pour tous nos achats IT, nos appels d’offres au marché comportent des clauses d’écoresponsabilité et, plus généralement, de RSE.

Lorsque nous créons un pilote, nous évaluons bien sûr l’impact (financier, écologique…) et la valeur générée pour décider en connaissance de cause.

Quels sont vos grands défis ?

Le recrutement de talents IT est évidemment un défi, je ne suis pas très original. Nous recrutons 800 spécialistes IT par an dans le monde. Dans certaines business units, il y a tous les moyens disponibles. Dans d’autres, plus petites ou avec moins d’IT, c’est plus compliqué. Recruter des talents IT suppose des compétences spécifiques. Nous avons donc lancé un centre d’expertise pour le recrutement tech, surtout destiné à aider les petites business units ou pour les cas délicats. Comme nous innovons beaucoup, nous sommes séduisants pour les experts techs.

Notre croissance d’activité entraîne nécessairement une croissance des équipes. Nous devons donc cultiver notre fidélisation et la montée en compétences de nos équipes internes en plus du seul recrutement. Nous avons de ce fait aussi créé une équipe de dix experts en ressources humaines dédiée au développement des profils IT internes.

Toujours en matière de ressources humaines, notre dernier défi est d’identifier les compétences qui seront nécessaires à moyen-terme. De qui aurons-nous besoin et où en 2027 ? La data est un domaine important, bien sûr, mais nous aurons aussi sans doute besoin de développeurs de SaaS destinés à être utilisés par nos clients en marque blanche. Nous devons identifier maintenant ces compétences car nous avons besoin de temps pour recruter ou former les collaborateurs nécessaires.

Podcast - Les ressources humaines IT, clés du développement d’Edenred

Dave Ubachs est Group CIO d’Edenred. Après avoir rappelé que l’entreprise est spécialisée, dans le monde entier, dans le « paiement fléché », il revient sur les conséquences en matières de ressources humaines des grands chantiers IT liés au programme stratégique Beyond. Celui-ci doit aboutir à un plus que doublement de l’activité d’Edenred. Le groupe recrute 800 experts techniques par an dans le monde et a donc créé un centre de compétence dédié à ce recrutement. Par ailleurs, le développement des compétences déjà embauchées est évidemment également une priorité.

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