Benoît Rouppert (MeilleurTaux) : « nos données, c’est toute la vie de nos clients ! »
Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance
Depuis sa création centrée sur le courtage de prêts immobiliers, MeilleurTaux s’est beaucoup développé et a étendu ses offres. Benoît Rouppert, directeur data et IA chez MeilleurTaux, revient sur les conséquences en matière de données.
Pouvez-vous nous présenter MeilleurTaux ?
MeilleurTaux a été créé au début des années 2000 pour réaliser du courtage de prêts immobiliers. Au fur et à mesure des années, notre activité s’est étendue au courtage de prêts à la consommation, au rachat de crédit, à l’assurance… Nous réalisons aussi de la vente B2B vers les courtiers d’assurance et de la gestion d’assurance (notamment l’assurance emprunteur). Associé aux courtages, nous avons bien sûr des services de comparaison (d’où le nom « MeilleurTaux »). Nous distribuons aussi des produits financiers.
Nous avons aussi des comparateurs de contrats d’énergie, d’offres télécoms…
D’une manière générale, nous proposons à nos clients de pouvoir identifier et choisir le bon produit au juste prix pour chaque dépense récurrente.
Aujourd’hui, MeilleurTaux réalise un chiffre d’affaires d’environ 200 millions d’euros grâce à ses 2500 collaborateurs.
Comment sont organisées les fonctions data et IT ?
La data est séparée de l’IT. Mais les deux sont rattachées au DG et la collaboration est évidemment très forte car les outils data sont au sein du SI.
Ce qui relève des bases de données, du CRM… est sous la responsabilité de l’IT. A l’inverse, la data platform et la BI, qui permettent une vision 360° de la data groupe, sont sous la responsabilité du département data.
La data platform est sur le cloud Google Cloud Platform. Le contrat est géré par l’IT mais les data scientists, data analysts et data ingénieurs sont autonomes sur le produit. Nous avons des logiques DataOps et MLOps.
Quelles sont les données que vous gérez ?
Les datas que nous gérons sont des données brutes enrichies par des traitements comme du scoring calculé par des process métier. Ces scorings permettent de contacter les bons clients au bon moment et de recommander les bons produits.
La data sur nos clients est, à la base, très riche. En effet, les sujets pour lesquels nos clients viennent nous voir sont très structurants. De ce fait, nous avons une très grande connaissance très détaillée de nos clients. Nous avons des relevés de compte bancaires, des bulletins de salaire, etc. Nos données, c’est toute la vie de nos clients ! L’optimisation des offres se fait sur l’ensemble de cette connaissance. Notre mission est d’éviter que soit vendu n’importe quoi à n’importe qui. Nous devons faire en sorte que le produit qui va être proposé correspond au besoin et à la capacité financière de chaque client.
L’étendue de notre connaissance client nous oblige à beaucoup de respect vis-à-vis de ces données.
Nous avons aussi beaucoup de données sur les partenaires. Grâce aux données, nous pouvons avoir une belle relation. Si on rompt la confiance, on perd le partenaire. Quand nous distribuons un produit d’un partenaire, cela doit être intéressant pour nous, bien sûr, mais aussi pour le partenaire. De ce point de vue, la situation n’est jamais figée : selon la situation économique, les relations peuvent varier.
Retrouvez Benoît Rouppert à la Nuit de la Data et de l’IA
Benoît Rouppert est membre du jury des Trophées de la Nuit de la Data et de l’IA. Il a donc assisté aux présentations des candidats le 15 janvier 2025 et interviendra à la cérémonie le 3 février 2025 au Théâtre de la Madeleine.
Du coup, quelles précautions prenez-vous autour de ces données ?
La question se pose lorsque les attaquants nous ciblent mais aussi lorsqu’ils ciblent nos utilisateurs.
Toutes les grandes entreprises sont attaquées, y compris les entreprises de technologies. Lutter contre les cyber-menaces est un travail continu. Le département data n’est pas isolé dans son coin à ce sujet : nous suivons les règles de cybersécurité du groupe avec audits, tests d’intrusion, etc.
Concernant les utilisateurs, nous veillons à les accompagner. Il faut former, sensibiliser… pour éviter, par exemple, qu’un utilisateur confie son identifiant lors d’une demande par hameçonnage. Régulièrement, les utilisateurs doivent suivre des formations auto-administrées en ligne. Mais un accident peut bien sûr toujours arriver. L’objectif est de le détecter le plus vite possible pour en minimiser l’impact.
Bien entendu, notre DPO s’assurer du strict respect de la réglementation (RGPD, IA Act…). Un problème pourrait être, par exemple, d’un usage inapproprié de l’IA. Pour éviter une telle situation, le DPO est systématiquement dans la boucle lorsque nous mettons en place un nouvel outil ou un nouveau traitement.
Sans qu’il ne s’agisse d’une attaque sur nos systèmes, un de nos problèmes (au même titre que les banques) est quand un pirate usurpe notre marque pour obtenir des données auprès de nos clients ou de nos prospects. Au travers, par exemple, d’interventions dans la presse, nous essayons d’éduquer le public. Nous essayons aussi de faire évoluer la réglementation (par exemple pour interdire le masquage du numéro).
Un problème récent est l’arrivée de l’IA pour réaliser des fraudes, notamment par deepfake : faux documents, fausses vidéos pour valider les faux documents… Comment faites-vous ?
Nous menons de vraies réflexions autour de ce sujet. Nous recevons bien sûr beaucoup de documents et nous cherchons à détecter la fraude depuis toujours. Et, en effet, avec l’IAG, il est devenu facile de faire des documents dont la fausseté est délicate à détecter. Détecter de telles fraudes est un enjeu.
La meilleure approche en la matière est sans doute de faire en sorte qu’il n’y ait rien à frauder, par exemple en nous appuyant sur FranceConnect (identification), sur l’Open Banking (collecte directe de données bancaires)… Bref, il s’agit d’accéder en direct à l’information de référence avec l’autorisation de la personne concernée au lieu de demander une copie.
Au delà de la fraude, l’IA est-elle un sujet pour vous ?
Bien sûr. Elle nous sert dans de nombreux endroits.
Nous recevons beaucoup de documents mais des documents constituent des informations non-structurées. Pour transformer les données non-structurées en données structurées, dans nos bases de données, nous recourons à l’IA. Une telle approche permet de prendre en charge les dossiers en accélérant les traitements, y compris en réalisant des pré-tris. Le client dépose en ligne des documents pour son dossier et, quand il a le conseiller au téléphone, le dossier a été pré-renseigné et pré-analysé. Le conseiller est surtout important dans les cas limites, surtout quand les règles changent.
L’IA peut aussi aider à trouver la meilleure solution possible dans les cas complexes. Nous sommes sur des services très engageants, qui vont avoir un impact important sur la vie de nos clients, et la présence humaine est toujours importante.
Techniquement, nous utilisons la plateforme GCP avec VertexAI et Gemini. Nous avons aussi accès à OpenAI/Azure.
Quels sont vos défis en 2025 ?
En vingt-cinq ans, nous avons beaucoup diversifié nos activités. En quinze ans, nous avons réalisé une quinzaine d’acquisitions avec, bien sûr, une quinzaine de SI à intégrer. Aujourd’hui, il est crucial de cultiver la cohérence globale. Un client MeilleurTaux doit être vu comme un client de notre offre globale, par un client du crédit immobilier ou d’autre chose. Nous devons donc disposer d’une vision 360° pour lui proposer ce qu’il faut quand il faut. 2025 sera l’année de cette vision globale dans une entreprise unique.
Concernant l’IA, il s’agit d’améliorer autant le service aux clients que nos relations avec nos partenaires car nos concurrents ne vont pas nous attendre. L’IA va être de plus en plus indispensable pour répondre à la multiplication des documents demandés et la complexité croissante de notre métier.
Podcast - Le respect de la data personnelle au coeur de l’activité de MeilleurTaux
MeilleurTaux a, pour réaliser ses missions, l’obligation de collecter un très grand nombre de données très sensibles. Benoît Rouppert, directeur data et IA chez MeilleurTaux, explique ici les enjeux associés et comment l’entreprise protège ces données. Parmi les soucis qui ne relèvent pas de la cybersécurité, l’usurpation de la marque par des hameçonneurs n’est pas le moindre.