Julie Pozzi (Air France-KLM) : « l’IAG est la cerise sur le gâteau de nos nombreux usages de l’IA »
Par Bertrand Lemaire | Le | Cas d’usage
Air France-KLM a des usages nombreux et anciens de l’IA. Mais l’IAG est plus récente. Le groupe en a récemment présenté quelques usages.
L’intelligence artificielle (IA) a une histoire déjà ancienne dans le secteur aérien. En effet, les besoins d’optimisation sont nombreux, complexes et à de multiples niveaux. Citant des études de l’IATA, de McKinsey et de Bloomberg, Julie Pozzi, head of operations research, data science et data strategy d’Air France-KLM, a ainsi mentionné plusieurs estimations des bénéfices de l’IA pour l’ensemble du secteur aérien dans le monde sur une seule année : « trois milliards de dollars d’économie en maintenance prédictive, 12 % d’économie sur le carburant et 10 % d’augmentation de revenus en ventes de billets ». Elle s’exprimait lors d’une présentation de plusieurs projets d’IAG au sein du groupe Air France-KLM, le 29 mai 2024. En effet, l’IAG (intelligence artificielle générative) est, elle, d’un usage nettement plus récent.
Si l’usage de l’IA est ancien, il n’a pas cessé de croître depuis les origines. Ainsi, Air France a créé une équipe de recherche opérationnelle dès 1958 pour réaliser une optimisation algorithmique de l’activité. La combinatoire des variables business est en effet très importante : quelle liaison, quel avion, quel équipage, etc. La BI est apparue dans le groupe dès 2001 et l’optimisation algorithmique du revenu en 2008. Les moteurs de recommandation pour les clients ont débuté en 2013. En 2015, le groupe a mis en place un programme de Big Data, de la maintenance prédictive et un customer datahub. « La maintenance prédictive a été rendue possible avec l’arrivée des ‘avions bavards’, le premier ayant été l’A380 » s’est souvenu Julie Pozzi. Le concept d’‘avions bavards’ renvoie bien sûr aux avions transmettant une grande quantité de données sur leur fonctionnement et les incidents. Le programme IA actuel a été lancé en 2017. Côté organisation, 2022 a été l’année de mise en place de la Data Factory et 2023 celui du Group Data & AI Office. Julie Pozzi a souligné : « la data et l’IA, c’est tout sauf nouveau chez Air France-KLM mais il y a une nette accélération et amplification ces dernières années ».
De l’IA partout et à tous les niveaux
De l’IA, Air France-KLM en utilise sur tout le parcours client et tout le processus opérationnel : optimisation de la définition des vols, recommandations de destinations, optimisation de l’offre à bord, planification des ressources aéroportuaires, écopilotage (aide aux pilotes pour réduire la consommation de carburant), prédiction de retards et de leurs impacts… « Tout ce que l’on charge dans les avions est optimisé : eau dans les toilettes, plateaux repas, carburant, etc. car, outre l’éventuel gâchis et coût induit, tout ce qui est emporté est du poids » a noté Julie Pozzi.
La démarche IA a cependant été progressive. D’abord, le groupe a géré ses données. Puis est venu le temps de l’analyse descriptive et du diagnostic. Ensuite est venue l’analyse prédictive et prescriptive. Enfin seulement arrive l’IAG. Air France-KLM utilise des outils du marché mais cultive une certaine indépendance vis-à-vis des fournisseurs. Pour Julie Pozzi, « l’IAG est la cerise sur le gâteau de nos nombreux usages de l’IA ». Pour en développer les usages et acculturer les collaborateurs, Air France-KLM avait ouvert un accès à ChatGPT en environnement sécurisé. Et le groupe a également mis en place un hackathon pour identifier des cas d’usage pertinents, un comité d’éthique veillant quant à lui à l’innocuité de ces usages. Cependant, comme Julie Pozzi l’a mentionné, il ne faut jamais oublier que « l’IAG fonctionne par prédiction de la succession de mots et il faut donc sensibiliser les collaborateurs à ses limites. » Trop souvent, des gens mal informés ont en effet un sentiment d’outil magique. Il faut donc leur rappeler les réalités, comme les fameuses hallucinations. Parmi les limites posées aujourd’hui, l’IAG n’a jamais le dernier mot dans une relation client, précisément à cause des hallucinations, et il y a donc toujours un contrôle voire une intermédiation humaine.
80 projets en cours, quatre exemples mis en avant
Air France-KLM a ainsi mis en route 80 cas d’usage de l’IAG. Mais beaucoup sont encore de simples expérimentations. Quatre, qui atteignent le stade de pilotes, ont été présentés. Le premier se nomme Talia. Il s’agit d’un « ChatGPT interne » en environnement sécurisé clos sans transmission externe de données. Talia peut notamment être utilisé dans l’aide à la rédaction, la recherche d’information dans une documentation, etc. Pamelia est une solution permettant aux agents en poste en aéroports d’obtenir des réponses rédigées issues de nombreuses sources (référentiels, recueils de procédures…) afin de renseigner au plus vite des clients rencontrant une difficulté. Actuellement en test, Pamelia sera déployé à Roissy-Charles-De-Gaulle en 2025.
Charlie désigne un outil destiné aux équipes de maintenance. A partir de la description d’une pièce dans un modèle d’avion donné, Charlie retrouve la référence exacte qui va permettre de commander la pièce au plus vite. L’objectif est notamment d’accélérer des réparations simples d’incidents empêchant un décollage (l’exemple donné en présentation est un casier à bagages qui ferme mal à cause d’une serrure cassée). Une telle solution fait baisser le niveau de stress des techniciens qui subissent la pression de la nécessité du décollage imminent. Enfin, Fox analyse les verbatims clients (avec prise en compte de l’ironie) et produit une synthèse claire avec remontée de signaux faibles.
L’IA sur Républik Data & IA
Républik Data & IA aura lieu les 24 et 25 juin 2024 à l’Hôtel Royal Barrière, à Deauville.
Il s’agit de deux jours d’intelligence collective autour de la Data et de l’intelligence artificielle au travers d’ateliers confidentiels et de plénières… sans oublier des surprises.
Plusieurs ateliers seront consacrés aux thèmes de l’IA/IAG, notamment la matinée du 25 juin avec les ateliers 5 et 6. L’Atelier 5 portera ainsi sur le thème : « IAG : quel socle méthodologique et technologique pour déployer tout son potentiel ? » avec le témoignage de Ilias Charki, Global Head Of Data & Analytics de Louis Vuitton. Quant à lui, l’atelier 6 portera sur « IAG : quels sont les cas d’usage les plus probants ? » avec le témoignage de Marielle Chrisment, Directrice d’Etalab (DINUM) et l’expertise d’Equancy et d’AI Builders.