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Hugues de Maussion (Geopost) : « nous voulons savoir tout ce qui se passe à un instant t »


Geopost (anciennement Dpdgroup) est une branche colis express de La Poste. Les données de tracking sont au coeur de son SI. Hugues de Maussion, CIO de Geopost, explique ici la refonte en cours de l’IT du groupe et comment l’IA vient s’y insérer, notamment avec les développements opérés avec Illuin Technology.

Hugues de Maussion est CIO de Geopost. - © Républik IT / B.L.
Hugues de Maussion est CIO de Geopost. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est Geopost (anciennement Dpdgroup) aujourd’hui ?

Geopost est l’une des branches de La Poste, spécialisée en messagerie express de colis express (moins de 30 kg). Nous disposons du premier réseau de livraison routière en Europe. Nous avons une forte volonté de décarbonation des livraisons, par exemple en recourant à des véhicules électriques.

Nous sommes présents dans une cinquantaine de pays, partout dans le monde (peu en Amérique du Nord, parfois au travers de partenariats ou de filiales minoritaires) avec 55 000 collaborateurs. Nous transportons 2,1 milliards de colis par an et nous générons ainsi 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Comment se caractérise l’IT de Geopost ?

La croissance de Geopost a beaucoup reposé sur des acquisitions successives. De ce fait, nous étions dans une organisation très décentralisée. Nous sommes passés, ces dernières années, à un modèle fédérateur. Au niveau groupe, nous n’avons pas d’ERP en tant que tel, juste un système de consolidation.

Dans tous les cas, tous nos systèmes doivent respecter les « Géostandards », des règles d’interopérabilité entre pays (par exemple : protocoles d’échanges, étiquette colis, etc.). Le respect de ces standards fait qu’un colis brésilien peut être trié en Allemagne.

Une très grande partie de l’IT est gérée en indépendance par chaque pays mais nous avons créé des outils groupes dont la place s’accroît au fil du temps. Si une entité doit renouveler un outil, le premier réflexe est de regarder les outils groupes. En Argentine, nous avons créé une filiale, DPD Argentina, ex nihilo en 2023 et celle-ci fonctionne avec l’ensemble des outils du groupe.

Outre les Géostandards, nous avons créé un backbone de données. Celui-ci fédère tous les systèmes de tracking des colis de tous les pays en temps réel. Il s’agit d’un outil maison créé à base de briques open-sources (Cassandra, Kubernetes…). Le sujet de la collecte de données en temps réel n’est donc plus un problème.

C’est sur la base de ce backbone que vont venir se brancher une série de modules portant des tâches métiers comme le suivi digital des colis, le calculateur carbone, etc. Nous avons commencé par la partie difficile, le backbone, avant de travailler sur les cas d’usage. En développant les modules supportant ces cas d’usage, nous n’avons plus à nous préoccuper de la qualité ou de la disponibilité des données : ces sujets sont gérés par le backbone et c’est un acquis. Le backbone inclut de plus en plus de données au-delà du tracking de colis : les tournées, les données d’IoT (suivi des camions…), relation clients…

Nous voulons savoir tout ce qui se passe à un instant t partout dans notre chaîne de distribution et ce backbone nous le permet.

De ce fait, quelle est la place de la data chez Geopost et quelles données traitez-vous ?

La place de la data est centrale, bien sûr. Au-delà des données corporate classiques, nous disposons des données de tracking des colis, des tournées, etc. Chaque colis a sa propre vie.

Notre enjeu, aujourd’hui, est de croiser ces données pour en tirer des enseignements, par exemple sur les comportements. Il s’agit de trouver les causes racines des problèmes rencontrés.

Notre priorité est d’optimiser les livraisons entre les agences, les entrepôts et les grands clients. Le dernier kilomètre, entre l’agence et le destinataire, est un autre sujet.

Notre force est notre réseau routier pour traiter ce transport longue distance. Parfois, il peut être pertinent de rajouter une étape pour optimiser les liaisons et baisser le kilométrage total parcouru par l’ensemble de nos camions en mutualisant du transport avec plus de colis.

Recourez-vous à de l’IA et, si oui, pour quels cas d’usages ?

Oui, bien sûr. Il y a deux grandes familles de projets en matière d’IA, familles qui sont poreuses entre elles.

D’abord, nous avons la data science. Il s’agit de traiter de nombreuses données pour optimiser nos processus. L’exemple typique est l’optimisation des liaisons.

Et puis, évidemment, il y a ce qui relève de l’IA générative. Il s’agit de traitements d’informations et d’interactions avec un nombre de cas d’usage spectaculaire. Un exemple est le service client augmenté avec de l’IAG (chatbot, self-care…). Le chatbot classique est progressivement remplacé par des chatbots basés sur l’IAG.

Pourquoi avez-vous eu recours à Illuin Technology ?

Je connais Illuin Technology depuis des années. Au départ, cette société nous fournissait des ingénieurs pour développer des solutions propres à façon. Nous avons développé avec eux notre propre chatbot à base d’IA, d’abord pour Chronopost, aujourd’hui au niveau Geopost. Il est hébergé en mode IaaS. Nous avons conclu un accord sur la propriété intellectuelle pour qu’Illuin Technology passe en logique produit, avec commercialisation, ce qui était au départ un développement spécifique fait pour nous. La course à la technologie devient telle que nous ne pouvions plus rester seul dans notre coin.

Mais nous maintenons notre force de n’avoir aucune dépendance vis-à-vis de grands acteurs transnationaux. Nous avons un partenariat entre cette start-up et notre grande entreprise qui nous apporte une entière satisfaction tous les deux, une vraie relation de confiance.

Nous poursuivons aujourd’hui avec des démonstrateurs sur d’autres cas d’usage : l’analyse de mails multisujets, le Voic2Text interactif, le traitement d’images (par exemple l’analyse de photos « preuves de livraisons »), l’OCR nouvelle génération (avec reconnaissance des données Text2Data), générer des réponses claires aux questions de clients à partir d’une base documentaire (via le RAG)… Nous travaillons aussi sur des réponses automatisées aux questionnaires réglementaires à partir des documents internes. Nous cherchons aussi à disposer de rapports d’analyse du suivi colis en langage clair (Où sont les incidents ? Quelle en sont les causes ?).

Parmis tous ces démonstrateurs, lesquels vont être effectivement déployés à l’échelle ? Nous verrons bien. Il y a aussi bien d’autres cas d’usage possibles (y compris la génération de code…).

Nous avons un grand enthousiasme dans nos équipes au sujet de ces technologies. C’est l’avantage de travailler dans une entreprise de build ! Nos équipes travaillent vraiment sur les technologies.

Quels sont vos autres grands projets du moment ?

Le plus important dans nos tâches, c’est le déploiement des solutions harmonisées groupe.

Notre modèle culturel évolue avec une attitude plus prescriptive du groupe envers les filiales, notamment en lien avec la conformité réglementaire.

Et puis nous avons surtout la multiplication des cas d’usage de l’IAG.

Quels sont vos défis pour 2025 ?

Nous sommes passés de la décentralisation totale à une fédération. Nous avons de ce fait des devoirs nouveaux pour l’IT centrale. Nous devenons une IT métier avec des obligations telles que la disponibilité 24/7. Nous avons mis en place une large automatisation de l’IT avec du DevOps, des tests automatisés, etc. Plus aucune interruption de l’IT centrale n’est possible.

Nous avons aussi un défi culturel. Nous devons garder l’esprit entrepeneurial dans les pays sans que le groupe ne soit vu comme un empêcheur d’agir. Il nous faut donc ne pas être trop prescriptif pour garder l’esprit d’innovation et faciliter les rencontres de bonnes idées. Il s’agit, en fait, de garantir l’équilibre entre les exigences centrales (fiabilité, interopérabilité…) et l’innovation locale. « Faire » est un facteur essentiel de motivation de nos équipes.

Podcast - Quand Geopost créé sa propre IA avec Illuin Technology

Geopost est une des branches du groupe La Poste spécialisée dans le transport de petits colis, essentiellement à l’international. L’entreprise réalise environ 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires en transportant plus de deux milliards de colis par an. Hugues de Maussion, CIO de Geopost, revient ici sur le partenariat avec Illuin Technology pour créer des outils IA propres, en commençant par un chatbot évolué avant de poursuivre sur d’autres cas d’usage.