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Mehdi Houas (Talents du Numérique) : « promouvoir les métiers du numérique est d’intérêt général »

Par Bertrand Lemaire | Le | Formation

L’association Talents du Numérique organise « La semaine du numérique et des sciences informatiques », du 4 au 9 décembre 2023. Mehdi Houas, président de l’association Talents du Numérique, explique la raison d’être de cette manifestation.

Président-fondateur de Talan, Mehdi Houas préside l’association Talents du Numérique.  - © Irène de Rosen / Talan
Président-fondateur de Talan, Mehdi Houas préside l’association Talents du Numérique. - © Irène de Rosen / Talan

Pouvez-vous nous présenter l’association « Talents du Numérique » que vous présidez ?

Nous sommes probablement la seule association à rassembler à la fois le monde de l’entreprise et le monde académique. Nous avons ainsi, parmi nos membres, plus 70 écoles et universités et, via leurs organisations Numeum et Cigref, nous représentons plus de 2800 entreprises.

Nous les fédérons autour de la promotion des métiers du numérique qui sont, comme vous le savez, en situation de grande pénurie. Notre but est d’influer sur tout l’écosystème pour que les organisations académiques puissent former les talents dont ont besoin les entreprises tout en respectant les contraintes liées à la responsabilité sociétale de l’entreprise (diversité, inclusion, parité des genres…). Aujourd’hui, nous nous consacrons surtout aux profils de type Bac+5 mais, de plus en plus, nous nous intéressons aux profils de type Bac+2/3.

Nous nous adressons non seulement aux entreprises et aux organisations académiques mais aussi au grand public. Il faut en effet montrer nos métiers, séduire ceux qui seraient susceptibles de nous rejoindre (des lycéens voire collégiens jusqu’aux seniors en reconversion) tout en démontant les mythes et a priori. Promouvoir les métiers du numérique est d’intérêt général, ce n’est pas l’affaire d’un seul secteur. En effet, le numérique est une révolution transverse qui concerne tout le monde, au quotidien, et pas seulement les spécialistes.

La présidence de l’association est tournante entre ses deux collèges avec un mandat de deux ans. A la fin de mon propre mandat, c’est donc une ou un représentant du monde académique qui me succédera.

Du 4 au 9 décembre 2023, vous organisez « La semaine du numérique et des sciences informatiques ». De quoi s’agit-il et quels sont les objectifs poursuivis ?

Il s’agit d’une semaine pour instaurer un dialogue avec les lycéens et les autres publics que nous visons afin de les mettre en contact avec d’une part les professionnels qui peuvent faire découvrir la réalité de nos métiers, d’autres part les formations qui peuvent les y préparer. Quand je parle de montrer les métiers, il s’agit aussi de les démystifier.

L’an dernier, pour la première édition d’une telle manifestation, nous avions organisé une seule journée. Cela s’est révélé très insuffisant voire frustrant. Nous passons donc cette année à une semaine.

Durant cette semaine, nous allons multiplier les événements et les déplacements en lycées. La liste des événements est publiée sur le site dédié. A ce jour, nous en avons plus d’une centaine partout en France, y compris dans les DOM-TOM. Notre marraine, Elisabeth Moreno, sera d’ailleurs en Guadeloupe à cette occasion.

Face à la pénurie de talents, quelle contribution une telle initiative peut-elle avoir ?

En se basant sur les estimations réalisées par la Dares et France Stratégie, nous anticipons des besoins en recrutement dans le numérique de l’ordre de 190 000 postes en ingénierie informatique, dont 115 000 créations d’emplois, ce d’ici 2030.

De nouveaux métiers vont apparaître dans le numérique tandis que d’autres métiers vont, eux, disparaître. Cela implique qu’il va falloir procéder à des reconversions. Et il faut que le corps académique soit en mesure de former les profils dont nous parlons, en formation initiale comme en reconversion.

Quels autres moyens mettez-vous en oeuvre ?

Talents du Numérique a évidemment une action en continu. La « semaine du numérique et des sciences informatiques » n’est qu’une sorte de point d’orgue. Nous menons un dialogue permanent avec les lycées, les universités, les écoles, les différents ministères concernés…

Notre objectif est d’intérêt général, pas d’intérêt sectoriel ou corporatiste, comme je l’ai déjà indiqué. Nous nous présentons donc comme Think Tank et pas comme lobby. Nous intervenons donc régulièrement dans les établissements académiques mais pas seulement. Nous créons des webinars de présentation. Nous intervenons sur les réseaux sociaux. C’est un travail de fourmis au quotidien.

L’initiative bénéficie du marrainage d’Elisabeth Moreno, présidente de Femmes@Numérique et ancienne ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes. Le recrutement de femmes et, déjà, la sensibilisation des jeunes filles dès le secondaire, sont-elles des solutions à la pénurie ? Comment procéder ?

Nous nous sommes réjouis de la création de l’enseignement de spécialité Numérique et sciences informatiques (NSI) dans le secondaire, que nous avions appelé de nos voeux. Mais il faut, peut-être, intervenir dès le collège voire, disent certains, dès le primaire. Il nous faut notamment sensibiliser les jeunes filles le plus tôt possible.

Chez Talan, dans notre filiale en Tunisie, nous avons 52 % de femmes. Dans les pays en voie de développement, le numérique est une filière d’émancipation pour les jeunes filles car c’est un domaine dans lequel vous êtes jugé sur vos résultats concrets. En Europe, les jeunes filles se dirigent plutôt vers les filières « molles » (écoles de commerce, droit, etc.).

A l’époque du Bac S, il y avait une parité presque parfaite et même une légère majorité de filles. Or nous constatons actuellement une désertion des filles pour les filières scientifiques. En 2021, 4,3 % des lycéens de terminal ont choisi l’enseignement de spécialité NSI. Mais, en terminal, il est nécessaire d’abandonner une dominante et il semble compliqué d’abandonner les mathématiques ou la physique, indispensables pour entrer dans de nombreuses formations supérieures. C’est donc l’informatique qui est le plus souvent sacrifiée.

Sur le plan de la mixité, c’est aujourd’hui catastrophique : les lycéennes de terminale représentaient seulement 13,7 % des effectifs de l’enseignement de spécialité NSI et 39,8 % des effectifs en mathématiques en 2021.

Autre problème : la massification des recrutements. Quand j’ai fait mes études d’ingénieur, il y a 40 ans, et aujourd’hui, il y a le même nombre d’étudiants dans mon ancienne école. Si vous allez à Harvard ou au MIT, les effectifs ont régulièrement doublé et, aujourd’hui par rapport à il y a quarante ans, on peut dire qu’il a décuplé. Mais toujours en gardant la qualité, ce qui est indispensable. Pire : jadis, les élèves sortant d’écoles d’ingénieurs restaient en France alors que, aujourd’hui, un nombre important part d’abord à l’étranger. Nous avons un manque d’attractivité de nos écoles, de nos entreprises et de notre pays.

La « semaine du numérique et des sciences informatiques » bénéficie aussi du patronage de Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications. Qu’attendez-vous du gouvernement ?

Avec le marrainage d’Elisabeth Moreno et le parrainage de Jean-Noël Barrot, nous voulons délivrer un double message fort. Il s’agit d’insister, d’un côté, sur l’égalité femmes/hommes, de l’autre sur l’importance du numérique dans notre société actuelle. Il faut augmenter la population formée au numérique, en particulier en s’appuyant sur le vivier des femmes, la moitié de la population générale.

Quelles actions allez-vous mener jusqu’au 4 décembre pour promouvoir « La semaine du numérique et des sciences informatiques » ?

Nous réalisons, demain 7 novembre le matin, notre événement de lancement pour commencer à communiquer sur « La semaine du numérique et des sciences informatiques », baptisé « Métiers du numérique et de l’informatique : donner l’envie aux nouvelles générations ! ». Il a lieu en distanciel, avec la participation d’Elisabeth Moreno, d’entreprises, d’étudiants et d’enseignants.

Nous allons continuer d’inciter les entreprises à créer et publier des événements sur notre site web. Et, symétriquement, nous allons promouvoir cette initiative et les événements qui y sont présents auprès du corps académique.


En savoir plus

- Découvrir l’association Talents du Numérique

- Site web de la « La semaine du numérique et des sciences informatiques », du 04 au 09 décembre 2023. 


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