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Laurent Verhoest (Transdev) : « la data, pour créer de la valeur, doit être l’affaire de tous »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Dans un groupe décentralisé, la data est d’autant plus complexe à collecter et traiter comme en témoigne Laurent Verhoest, Group Chief Data & Technology Officer de Transdev.

Laurent Verhoest est le Group Chief Data & Technology Officer de Transdev - © Républik IT / B.L.
Laurent Verhoest est le Group Chief Data & Technology Officer de Transdev - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter Transdev ?

Transdev est un groupe privé opérateur de concessions de transports publics, toujours uniquement de personnes, en général par des délégations de services publics ou équivalent. Nos clients sont toujours des autorités organisatrices de transport (collectivités publiques en général).

Nous sommes présents dans 19 pays avec 100 000 collaborateurs. Notre chiffre d’affaires est d’environ huit milliards d’euros et est en forte croissance, notre cible étant à dix milliards d’ici quelques années. Nous transportons dix millions de passagers chaque jour en moyenne. Nous opérons dans sept zones principales : la France (environ 30 % de notre activité), les Etats-Unis (environ 30 % également), l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas, l’Australie et le Canada. En général, nos filiales locales sont à 100 %, les co-entreprises sont plus rares.

Nous sommes une entreprise qui intervient sur des concessions. Il existe une entité juridique par concession. Nous avons plusieurs niveaux dans notre organisation fédérale : la concession, parfois un territoire de type région, le pays (ou la zone géographique) et le monde. Notre prise de décision est très décentralisée, sur le principe de la subsidiarité.

Dans ce contexte, comment s’organise l’IT et quel est votre rôle ?

Je suis Group Chief Data & Technology Officer. Pour la partie data, j’ai un rôle de chief data officer classique. La partie « techno » renvoie en fait à l’architecture d’entreprise, pas à l’architecture technique IT. Je ne choisis pas les serveurs ! Même si je participe à des choix structurants.

La data est transverse, touche tout le monde. Les sujets data sont toujours rattachés à des processus d’entreprise. On traverse souvent plusieurs métiers, plusieurs couches applicatives, etc, ce qui fait un lien naturel avec l’architecture d’entreprise. Bien maîtriser cela est nécessaire pour comprendre la data, son niveau de qualité, comment elle est obtenue, etc.

Je suis rattaché à Stéphane Deux, qui est CIO et responsable pour l’IT, le digital, la data, la cybersécurité, … Lui-même est rattaché à Virginie Fernandes, Directrice Stratégie et Transformation Groupe et membre du Comité Exécutif.

Vous avez dit que votre groupe est très décentralisé. Quelles sont les conséquences sur l’architecture ?

Nos principes n’ont pas changé depuis l’interview de Stéphane Deux.

Nous avons des systèmes en propre, choisis et hébergés par nous. Certains sont choisis et fournis par le groupe, d’autres par les pays. Dans certains cas, certaines concessions ont des solutions propres.

Et nous avons les « biens de retour ». Ces systèmes sont liés à une concession. Ils sont fournis par le client avec le contrat. Par exemple, c’est souvent le cas de la billettique. Nous devons garder ces systèmes en conditions opérationnelles, parfois les faire évoluer, en fonction du contrat.

Cette double dimension est propre à notre secteur et ne change pas.

Vous avez lancé un programme de responsabilisation des data owners baptisé « Data Powered ». De quoi s’agit-il et pourquoi l’avoir lancé ?

Comme dans beaucoup d’entreprises, la data est identifiée, chez Transdev depuis plusieurs années, comme un axe stratégique de notre activité. L’objectif du programme est d’accroître notre maturité data pour aller vers le data driven. De la Data il y en a partout, tout le monde en a, tout le monde s’en occupe… et quand tout le monde s’en occupe, c’est que personne ne le fait vraiment. Il était donc important de rationaliser, d’acculturer, de faire partager les bonnes pratiques… Il arrivait que certains refaisaient à un endroit ce qui avait déjà été conçu ailleurs !

La data, pour créer de la valeur, doit être l’affaire de tous afin d’en faire un levier d’action. Par exemple, si je calcule un indicateur clé de performance (KPI), à quoi me sert cet indicateur ? Quelle action me permet-il de lancer ?

Ce programme data est aussi au service d’autres programmes stratégiques. Par exemple, la data est essentielle dans la mobilité électrique pour piloter efficacement les recharges et, de ce fait, la data est donc au cœur du programme de flottes de véhicules à zéro émission. La data est aussi une base essentielle de la maintenance prédictive. Et puis pour suivre nos objectifs en termes d’empreinte environnementale, il faut mesurer celle-ci, c’est à dire traiter de la data. Et on pourrait ainsi multiplier les exemples.

Concrètement, en quoi a consisté, dans votre groupe, ce programme ?

Déjà, nous avons créé le data office groupe que j’anime. Chaque pays a une déclinaison locale du programme « Data Powered » à l’échelle de ses propres moyens et besoins. Chaque pays dispose pour cela d’un data office propre et le data office groupe anime ce réseau. Le groupe étant décentralisé, il est par nature adapté au datamesh mais notre maturité en la matière reste encore faible.

Au niveau groupe, nous prenons en charge des sujets communs. Par exemple, nous avons créé un programme d’acculturation, en commun avec les plus grosses de nos filiales, qui comprend des modules d’e-learning, du serious game en ateliers présentiels, etc ; Le groupe package des offres qui sont ensuite proposées aux différents pays, chacun pouvant les adapter ou les traduire. Le groupe peut aussi intervenir pour former des formateurs dans les pays.

Le data office groupe accompagne aussi les fonctions centrales sur des sujets complexes comme le reporting environnemental et la CSRD. Cette directive entraîne un besoin de beaucoup de data pour du reporting. De ce fait, la conformité CSRD est un levier intéressant pour diffuser la culture data dans tout le groupe.

Quels sont actuellement vos grands projets ?

Notre grand sujet du moment, c’est justement la CSRD. Ce n’est pas un sujet forcément très technologique mais il y a beaucoup de questions de gouvernance et d’organisation, même si, dans certains cas marginaux, il va en effet falloir créer des outils de collecte de données qui nous manquent.

Un exemple de difficulté, ce sont les définitions. Quand on parle, dans le transport, de « kilomètre », parle-t-on du kilométrage parcouru par un véhicule, du kilométrage réalisé avec des passagers, du kilométrage vendu au client… ? Ce ne sont pas les mêmes chiffres !

La directive CSRD est très générique et de ce fait recense plus d’un millier d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs possibles, tous n’étant pas pertinent pour nous. Il s’agit de bien analyser nos risques et impacts avec les métiers afin de bien choisir les indicateurs faisant sens pour nos activités.

Le transport n’a pas la réputation d’un secteur séduisant. Comment attirez-vous les talents data ?

Le transport en général n’est en effet pas réputé pour être très séduisant, d’autant que nous sommes en général agrégés avec un mélange du transport de passagers, du fret, etc.  Or, nous, nous transportons des personnes et nous avons une raison d’être bien précise : permettre les déplacements de millions de personnes tous les jours, librement et en toute sécurité et c’est une grande motivation d’être au service de ce bien commun.

Les transports en commun contribuent de plus au combat contre le réchauffement climatique : notre vrai concurrent, c’est la voiture individuelle. Et puis il y a le défi de notre organisation qui n’est pas simple !

Alors, certes, nous ne sommes pas un site e-commerce (d’autant que, souvent, nous ne réalisons pas la billettique) mais notre raison d’être est tout de même une carte à jouer pour séduire les talents.

Et, pour terminer, quels sont vos grands défis ?

La CSRD a bien mis en lumière le besoin de mettre en œuvre des plateformes data par pays avec des définitions communes, une qualité connue, etc. D’ores et déjà, la France et les Etats-Unis ont réalisé une importante transformation en se dotant de data owners issus du métier.

Nous devons poursuivre cette transformation culturelle long terme autour de la data alors que notre culture d’entreprise est plutôt une culture opérationnelle du quotidien.

Podcast - Transdev : la difficulté du reporting CSRD dans un groupe décentralisé

Group Chief Data & Technology Officer de Transdev, Laurent Verhoest présente d’abord ce groupe puis revient sur la mise en œuvre du reporting d’empreinte environnementale. La directive CSRD impose une collecte de nombreuses données. Or Transdev est, par nature, un groupe très décentralisé. Le reporting acquiert de ce fait une certaine complexité qu’il faut savoir traiter.

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