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Sophie Heller (BNP Paribas) : « il y a encore beaucoup à gagner avec l’IA »


BNP Paribas poursuit la présentation de ses cas d’usage en matière d’IA en démontrant les apports des déploiements.

Sophie Heller est COO du pôle Commercial, Personal Banking & Services de BNP Paribas. - © Républik IT / B.L.
Sophie Heller est COO du pôle Commercial, Personal Banking & Services de BNP Paribas. - © Républik IT / B.L.

Poursuivant la présentation à la presse de ses cas d’usages en matière d’IA, BNP Paribas a ainsi détaillé des projets au sein de la Banque Commerciale France, d’HelloBank ! Et de BNP Paribas Fortis (en Belgique). Le groupe bancaire, investisseur précoce au capital de la scale-up, est un utilisateur récurrent des technologies de Mistral.ai, toujours déployées sur les infrastructures propres du groupe afin de garantir la sécurité et la confidentialité des données. Pour Sophie Heller, Chief Operating Officer du pôle Commercial, Personal Banking & Services de BNP Paribas, le recours à l’IA permet d’améliorer l’expérience client et l’expérience collaborateur ainsi que de servir les intérêts propres business de la banque. BNP Paribas veut être le compagnon du quotidien de ses clients, bien sûr en lien avec les services financiers mais pas seulement (mobilité, amélioration de l’habitat…). Et l’IA a un rôle évident pour cela.

Par exemple, le scoring classique a été remplacé par de l’IA en de multiples endroits. Pour le marketing, l’appétence d’un profil de clients à un produit est remplacée par une IA tenant compte d’une pluralité de scores, en contextualisant et en personnalisant la démarche. La banque peut ainsi proposer un meilleur mix de produits, à chaque fois au bon moment et par le bon canal. « Nous pensons qu’il y a encore beaucoup à gagner avec l’IA » a déclaré Sophie Heller. La principale difficulté réside dans une richesse des possibilités. Pour Sophie Heller, « il ne faut pas se disperser malgré le grand nombre de possibilités ». Les exemples donnés ci-après font ainsi systématiquement l’objet d’une analyse de coûts et de bénéfices avant que la banque ne décide de les déployer. Le bénéfice peut ne pas être directement financier (par exemple : un gain en satisfaction client). Et le suivi d’indicateurs clés de performance (KPI) permet d’orienter la décision sur la généralisation ou pas d’un projet.

Réduire le temps de souscription d’un crédit immobilier

Sébastien Perrigault, directeur du domaine financement des particuliers de la Banque Commerciale en France de BNP Paribas, a présenté l’usage de l’IA pour améliorer l’expérience clients sur la souscription d’un crédit immobilier. « Le crédit immobilier est l’offre la plus engageante, en lien avec l’oeuvre d’une vie » a relevé Sébastien Perrigault. Et, côté banque, c’est un des processus les plus lourds. L’enjeu, c’est avant tout de réduire le coût du crédit, donc le niveau de risque.

Sébastien Perrigault est Directeur du domaine financement des particuliers en France de BNP Paribas. - © Républik IT / B.L.
Sébastien Perrigault est Directeur du domaine financement des particuliers en France de BNP Paribas. - © Républik IT / B.L.

D’ici juin 2025, BNP Paribas compte passer le délai de la procédure entre la première offre et la souscription finale de 12 à 6 jours. Et d’ici janvier 2026, ce délai devrait pouvoir être réduit à trois jours pour les dossiers les plus simples (environ 20 %). Le processus de souscription rencontre un certain nombre d’étapes qui sont autant de difficultés. D’abord, la gestion des documents : beaucoup sont requis et le conseiller peut commettre des erreurs en les insérant dans le système. Ensuite, le conseiller doit contrôler la cohérence des données et documents afin d’éviter les fraudes et les erreurs. L’IA, en l’occurrence un développement interne en intelligence document processing (IDP), analyse les documents (pour l’instant : bulletins de salaire, avis d’imposition et avis de taxe foncière) et aide le conseiller à relever les erreurs. Après l’OCR, l’IA exploite les données et les soumet à un moteur de règles pour contrôler la cohérence. Le principal gain de temps est lié à la réduction des échanges entre front et back-office.

Le projet a d’abord été testé sous forme de démonstrateur puis de pilote avant d’être passé à l’échelle en un an. Aucun modèle n’est acquis à l’extérieur et il faut environ trois mois pour créer un modèle d’exploitation d’un document. Dans 80 % des cas, l’IA traite correctement les dossiers sans erreur (la mauvaise qualité des documents est la principale source d’erreur). Une validation directe peut être opérée dans 60 % des cas. L’outil est totalement intégré à l’espace de travail numérique du conseiller qui peut, de lui-même, constater le gain de temps (environ 30 minutes par dossier). Ce temps gagné peut être réinvesti en tâches à valeur ajoutée comme du conseil personnalisé.

Un chat de deuxième génération

La banque en ligne du groupe BNP Paribas, HelloBank !, réalise 200 000 interactions clients par mois selon divers canaux : mail, téléphone, chat… Le chat représente déjà un quart des sollicitations et est en forte croissance. Bertrand Cizeau, directeur d’HelloBank ! France, a présenté l’évolution du chat en s’appuyant sur l’IA. En effet, HelloBank ! disposait d’un chat, Helloïz, doté d’un bot classique connecté à un moteur de recherche dans une base de connaissance. Helloïz 1 reposait donc sur un arbre de questions pour préciser le problème puis délivrer une réponse factuelle « froide ». En cas de situation bloquée, Helloïz 1 renvoie vers un conseiller humain. De plus, Helloïz 1 ne liait pas les différentes interrogations successives, obligeant le client à reformuler tout le contexte à chaque question.

Bertrand Cizeau est directeur d’HelloBank ! France. - © Républik IT / B.L.
Bertrand Cizeau est directeur d’HelloBank ! France. - © Républik IT / B.L.

A l’inverse, Helloïz 2 repose sur une IAG. Sa réponse est beaucoup plus contextualisée et enrichie. Par exemple, la réponse à « j’ai perdu ma carte bancaire, que dois-je faire ? » commence par un sentiment : « je suis désolée d’apprendre que vous avez perdu votre carte bancaire… » Le chat entame un dialogue itératif avec le client avec préservation du contexte. Bertrand Cizeau a expliqué : « Helloïz 2 a été testé depuis septembre 2024 sur une centaine de clients ambassadeurs puis sur des clients collaborateurs plus nombreux. Nous allons progressivement le déployer par tranches de 200 000 clients. Ce déploiement progressif vise, d’une part, à vérifier que tout se passe bien et, d’autre part, à réaliser des optimisations techniques afin de réduire la consommation des ressources. » Pour l’instant, Helloïz 2 est limité dans son champ d’action et ne peut pas tenir compte des transactions d’un client. Par exemple, impossible de lui demander si on a bien été crédité de tel chèque. « L’intégration du transactionnel se fera au travers d’un développement mutualisé au niveau groupe » a indiqué Bertrand Cizeau.

Un assistant IA pour des super-conseillers

Fortis est l’enseigne belge de BNP Paribas. Ses 10 000 collaborateurs servent quatre millions de clients. Anthony Belpaire, responsable IA de BNP Paribas Fortis, a présenté l’usage de l’IA générative pour « augmenter » les conseillers. « L’IA est évidemment déjà beaucoup utilisée, par exemple pour router correctement des e-mails » a-t-il relevé. Un assistant IAG a été installé auprès de 8000 collaborateurs à ce jour (à terme, tous seront concernés) pour analyser, synthétiser voire traduire en quelques secondes de grandes quantités de documents. L’IAG est également utilisée pour créer des scripts de tests au niveau du développement logiciel. Troisième usage de l’IAG : l’assistance à la rédaction de documents.

Selon Anthony Belpaire, « le gain detemps peut être d’un facteur 10 entre avec et sans IA ! L’IAG permet l’amélioration des services, notamment pour fournir une réponse plus adaptée en moins de temps, ce qui accroît la satisfaction client ». Mais, chez Fortis, la correction humaine reste pour l’heure systématique. « C’est une aide, pas un remplaçant » a insisté Anthony Belpaire. Précaution supplémentaire : l’IA ne peut se baser que sur une base de connaissance définie. De la sorte, les hallucinations ne sont plus censées se produire.