Les filiales du groupe Bouygues s’échangent des données avec un hub
Par Bertrand Lemaire | Le | Cas d’usage
Groupe de services diversifié, Bouygues vient de mettre en œuvre la solution Corporate Data Hub de Dawex qui permettra les échanges de données entre ses filiales. Témoignage de Franck Moine, directeur innovation du groupe Bouygues.
Pouvez-vous nous présenter le groupe Bouygues ?
Le groupe Bouygues comprend Bouygues Construction (bâtiment et travaux publics), Bouygues Immobilier (promotion immobilière), Colas (construction d’infrastructures de transport), Groupe TF1 (médias), Bouygues Télécom (télécommunications) et Equans (énergie et services).
Présents dans plus de 80 pays, nous réalisons un chiffre d’affaires consolidé de 44,3 milliards d’euros pour 973 millions d’euros de résultat net part du groupe grâce à nos plus de 200 000 collaborateurs.
Comment est organisé le numérique au niveau du groupe ?
Le groupe Bouygues a un fonctionnement décentralisé dans lequel chaque filiale a son autonomie. Les six métiers du Groupe partagent une culture commune et un même socle de valeurs.
Nous avons créé une communauté IT puis une communauté data/IA réunissant tous les collaborateurs du groupe concernés par ces métiers.
L’un des objectifs poursuivis, dans le cadre de la guerre des talents, était d’éviter que des talents rares, comme les data scientists par exemple, quittent le groupe lorsqu’ils voulaient changer d’environnement professionnel : ils pouvaient constater qu’il y avait des défis à relever dans d’autres filiales. Dans le même ordre d’idées, nous avons mis en place des projets 10 % pour les data scientists : ceux-ci peuvent travailler sur des problèmes d’une autre filiale soumis à la communauté, des problèmes transverses ou des problèmes sociétaux comme la réduction des gaz à effet de serre grâce à la data. Une problématique peut ainsi être traitée par des contributions de plusieurs collaborateurs issus de plusieurs filiales. Comme nous disons : « nous sommes plus forts ensemble »… Il n’est pas toujours évident de faire travailler ensemble des collaborateurs de filiales différentes mais, sur la data, il y a des possibilités de bien échanger et partager.
Au sein de leur communauté, les Chief Data Officers peuvent échanger sur leurs initiatives. Nous cultivons ainsi leur sentiment d’appartenance au groupe au-delà de leur appartenance à une filiale donnée. Parfois, de bonnes idées peuvent être réutilisées dans des contextes très différents. Je pense notamment à une solution de computer vision utilisée chez TF1 pour compter le temps de parole des politiques qui a été réutilisée chez Colas pour traiter de l’état des routes grâce à des caméras embarquées sur des autobus.
D’une manière générale, si les choix technologiques sont réalisés de manière indépendante entre filiales, chacune ayant la maîtrise de son propre budget, nous cherchons à favoriser des choix communs.
Vous avez mis en place un outil pour échanger des données entre filiales mais quelles données avez-vous à échanger ?
C’est à travers l’échange de données que l’on peut créer de la valeur. Nous le savons sur le principe mais sans connaître a priori quels échanges sont pertinents. Il faut donc d’abord créer la capacité à échanger avant de savoir quoi échanger précisément.
Nous avons trois filiales dans le BTP qui peuvent échanger sur des problématiques telles que le BIM (Building information modeling, modélisation des informations sur le bâtiment). Nous avons pu constater que des sujets autour du foncier traités par Bouygues Immobilier pouvaient intéresser Bouygues Construction et Colas. Mais la donnée peut avoir eu un coût de production et il est alors juste que les utilisateurs secondaires contribuent à ce coût puisqu’ils économisent le travail nécessaire pour créer le jeu de données. La solution que nous avons choisie permet de valoriser la mise à disposition de données et aussi de limiter les destinataires possibles.
Nous avons de premiers cas d’usages mais nous ne savons pas encore quels autres échanges pourraient, ensuite, être pertinents. Nous devons rendre les échanges faciles de manière à ce que, par défaut, une mise à disposition des données aux autres entités du groupe devienne naturelle. Le premier cas d’usage sera déployé d’ici quelques semaines.
Quelle solution avez-vous choisie et pourquoi ?
Dans un premier temps, nous avons eu une phase de cadrage qui a duré jusqu’en juillet 2023. il s’agissait de définir pourquoi nous allions mettre en place un datahub en communiquant auprès des DSI, des directeurs achats, etc. La mise en place du datahub permet aussi, au-delà d’échanges internes, de mutualiser les achats de données externes. Concernant les données internes au groupe, l’objectif est d’éviter de répéter le lourd travail de collecte et de contrôle qualité de la data quand il peut n’être fait qu’une fois et mutualisé.
La solution ne devait pas être limitée à une logique d’open-data. Il fallait pouvoir sécuriser les échanges ainsi que pouvoir les tracer et les valoriser. Cette sécurisation juridique et financière est même l’inverse de l’open-data.
Nous avons commencé à préparer un appel d’offres. Nous connaissions déjà Dawex et nous avons mené une négociation directe pour adopter Corporate Data Hub de Dawex car nous étions en confiance. Surtout, nous ne voyions pas d’autres acteurs capables de répondre de la même façon à notre besoin.
Côté mise en œuvre, nous avons opté pour une solution SaaS mais avec notre propre bulle (tenant) hébergée actuellement sur Microsoft Azure. Mais cet hébergement est possible également, demain, sur GCP, AWS…
Comment envisagez-vous la suite ?
D’abord, il faut mettre effectivement en œuvre ! Corporate Data Hub de Dawex a la capacité de se connecter par API à de nombreux systèmes. Mais notre gros sujet sera l’acculturation des responsables du groupe sur l’intérêt de partager des données.
Le cas où un jeu de données créé par une filiale est mis à disposition d’une autre ou de plusieurs filiales est un cas simple. Des cas plus compliqués peuvent être envisagés comme des échanges entre plusieurs filiales pour créer un seul jeu de données. Le jumeau numérique des bâtiments, issu du BIM, se nourrit de données d’origines diverses. Actuellement, pour prendre un exemple, nous avons compté que des descriptifs de portes peuvent être ressaisis jusqu’à sept fois ! Le datahub va donc permettre un formidable gain de temps.
L’étape suivante sera la mise en place d’un catalogue unique de données avec une uniformisation de la mise en forme.
Nos indicateurs de succès du projet seront évidemment le nombre d’échanges et le nombre de cas d’usage. L’objectif de la mise en œuvre de Corporate Data Hub de Dawex, c’est avant tout de faciliter les échanges de datasets en évitant de perdre du temps sur des détails techniques.
Cela dit, certains sujets ne peuvent pas donner lieu à des échanges de données sans limite, par exemple les données de ressources humaines. Bien entendu, la conformité réglementaire est incontournable, y compris les futures réglementations, et la plate-forme rend aisé la mise en conformité avec la RGPD, le Data Act, etc.