Olivier Hoberdon (DSI, Bouygues SA) : « l’IT contribue à la baisse de notre empreinte carbone »
Par Bertrand Lemaire | Le | Green it
D’ici 2030, le groupe Bouygues a l’objectif de réduire la totalité de son empreinte environnementale de 30 %, objectif auquel l’IT doit contribuer.
Bien sûr, lorsque l’on cite le groupe Bouygues, on pense en premier à la construction et à la promotion immobilière. A ces deux branches s’ajoutent le spécialiste des routes et autres infrastructures de transports Colas, le groupe TF1 et, enfin, Bouygues Telecom. Au niveau du Groupe entier, l’empreinte carbone a été estimée à 16 millions de tonnes de CO² par an. Fin 2020, Bouygues a annoncé un objectif : d’ici à 2030, cette empreinte devra être réduite de 30 % à 50 % selon les Métiers sur les scopes 1, 2 et 3a. Même si 90 % de cette empreinte sont liés aux activités de la construction (notamment le béton et les enrobés), 5 % est en lien avec le numérique. Et l’IT doit donc contribuer à cette réduction.
L’empreinte CO² relève de trois catégories d’impacts : les émissions directes, indirectes et externalisées. Les datacenters internes et les applicatifs on premise constituent des émissions indirectes. Mais, dans l’IT, les émissions externalisées sont particulièrement importantes puisqu’elles intègrent, par exemple, le recours au cloud. La prise en compte des émissions externalisées est relativement récente dans les calculs effectués par les entreprises. « Il est aujourd’hui impossible de se délester de son empreinte carbone en confiant ses activités polluantes à des tiers » insiste Olivier Hoberdon, DSI de Bouygues SA, la holding du Groupe. Il ajoute : « nulle entreprise ne pourra se passer d’IT mais nous avons tous besoin de prendre en compte l’impact environnemental du numérique qui concerne surtout l’eau et les ressources en minerais liées à la fabrication des matériels. »
Chaque activité a un plan adapté de réduction de son empreinte environnementale
Selon les activités, la part de l’impact environnemental du numérique dans l’empreinte carbone globale est évidemment très variable. Si elle est moindre dans la construction, elle est évidemment bien plus importante chez TF1 ou Bouygues Telecom. « Chaque activité a donc son propre plan » note Olivier Hoberdon. En lien avec cette Stratégie Climat, le plan de réduction d’ici 2030, chaque DSI des métiers a nommé un interlocuteur au sein de sa DSI pour travailler en binôme avec la direction RSE de son activité. Il faut évidemment réconcilier transition numérique et transition écologique. Dans un certain nombre de cas, le développement du numérique, qui accroît l’empreinte environnementale numérique, permet de réduire l’empreinte environnementale globale. Par exemple, l’adoption du télétravail ou des vidéoconférences permet de réduire fortement les déplacements. Olivier Hoberdon remarque : « avec la crise sanitaire Covid-19, les freins psychologiques ont été levés mais, pour l’instant, nous n’avons pas encore mesuré l’impact global dans ce développement des relations numériques. »
Tout plan d’amélioration de l’empreinte environnementale doit bien sûr comporter les trois temps classiques d’une stratégie : comprendre, mesurer, agir. Comprendre car c’est la meilleure façon d’agir. C’est le point de départ de toute démarche. Mesurer sert autant à définir la situation de départ qu’à définir les leviers d’actions et contrôler l’évolution, la réussite ou l’échec, de l’état du Système d’Information. Enfin, une fois les mécanismes et les métriques définis, les actions pourront être décidées et mises en œuvre. Pour que le plan d’action soit effectivement réalisé et les objectifs assignés atteints, il est indispensable que la stratégie soit soutenue à un haut niveau dans l’entreprise. Olivier Hoberdon relève : « au sein du groupe Bouygues, la stratégie RSE est une des priorités de la Direction Générale. »
Comprendre et faire comprendre
Pour comprendre, et faire comprendre à chacun, le Groupe a mis en place des ateliers de compréhension. Ces ateliers « La fresque du Climat » et « la fresque numérique » sont animés par 200 collaborateurs volontaires, La DSI a participé à ces ateliers. « Il s’agit de réaliser des échanges plutôt ludiques, surtout pas moralisateurs, qui se révèlent très efficaces pour comprendre les implications environnementales de tel ou tel usage » décrit Olivier Hoberdon. Par exemple, le simple fait de disposer d’un smartphone implique que ce smartphone ait été produit avec des minerais extraits, que des usines d’électronique aient fabriqué les semi-conducteurs, que les terminaux aient été transportés sur des milliers de kilomètres, etc.
Pour Olivier Hoberdon, « ces ateliers, en partant de l’usage, permettent de bien comprendre les impacts et, ainsi, de définir des actions précises qui seront bien acceptées, par exemple de prolonger l’usage des smartphones à trois ans minimum ». Et, une fois les équipements utilisateurs réformés pour un usage interne, ils peuvent tout de même encore connaître une seconde vie. « Bouygues a, depuis plusieurs années, un partenariat avec deux entreprises aidées, ATF Gaïa et Olinn, auxquelles ont été livrés 21 000 matériels informatiques qui ont été réemployés à plus de 70 % en 2021 » se réjouit Olivier Hoberdon. Celui-ci est cependant conscient que « la croissance verte n’existe pas et la sobriété ne veut pas dire abstinence. » Le choix des services et des matériels tient de plus en plus compte de leur impact environnemental : c’est une clause standard dans les appels d’offres publics et qui va prendre de l’ampleur dans les demandes des entreprises privées.
Une stratégie d’achats IT adaptée aux objectifs RSE
Concrètement, le choix de prolonger les usages des matériels implique cependant que le matériel puisse être effectivement utilisé malgré les évolutions technologiques du marché. Lors de l’achat, Bouygues privilégie des modèles permettant un usage suffisamment performant durant au moins quatre ans et qu’il pourra, en plus, connaître une réelle deuxième vie. Comme le Cigref (Club Informatique des Grandes Entreprises Françaises) l’a récemment dénoncé, un facteur essentiel d’obsolescence des terminaux relève des choix d’éditeurs de logiciels avec le cas emblématique de Windows 11 qui exige, pour son installation, des ordinateurs relativement récents. Pour Olivier Hoberdon, « utiliser des logiciels, notamment des systèmes d’exploitation, qui ne sont plus maintenus constitue évidemment un problème de sécurité. Il y a donc un équilibre à avoir entre sécurité et durée de vie des équipements et donc sobriété ».
La data aussi constitue un chantier d’éco-responsabilité. A la grande époque de l’émergence du Big Data, le discours ambiant était de conserver la moindre donnée, même si on ne savait pas à quoi elle pouvait bien servir. Depuis, la tendance s’est inversée au travers de la gouvernance de la donnée. Cela permet d’introduire de la sobriété. Réaliser le ménage dans les données inutiles ou obsolètes devient la règle. La première raison est réglementaire : une donnée ne doit pas être gardée éternellement sans une très bonne raison au regard du RGPD. Et la deuxième est liée à la responsabilité environnementale. « Une donnée inutile est un déchet » tranche Olivier Hoberdon. Ainsi le versioning des documents dans les outils Microsoft Office 365 est limité à vingt versions tout comme la taille des espaces collaboratifs individuels. Au-delà de la contrainte c’est aussi l’occasion d’affirmer ou de réaffirmer les bons usages des outils (usage collaboratif). De même, la messagerie purge tout message de plus de vingt-quatre mois. Certaines informations doivent pourtant être conservées… « Si tel est le cas (par exemple en lien avec un contrat, un appel d’offres…), l’information n’a rien à faire dans la messagerie et doit être classée et stockée de façon appropriée dans des espaces dédiés » rétorque Olivier Hoberdon.