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Gianmaria Perancin (USF) : « les réorganisations de SAP ne sont pas anodines »


L’association des Utilisateurs de SAP Francophones (USF) réagit aux récentes réorganisations et actualités de l’éditeur SAP. Les modifications de la direction comme les évolutions des produits et de la stratégie sont accueillies positivement par Gianmaria Perancin, président de l’USF et du SUGEN (SAP User Groups Network).

Gianmaria Perancin est président de l’USF et du SUGEN. - © Républik IT / B.L.
Gianmaria Perancin est président de l’USF et du SUGEN. - © Républik IT / B.L.

Pourquoi vous êtes-vous inquiétés ces six derniers mois des évolutions au sein de SAP et pourquoi, aujourd’hui, êtes-vous soulagés ?

En septembre 2024, SAP a annoncé trois départs majeurs au Comité Exécutif : CRO, CMO et CTO (pour ce dernier, le motif invoqué était un manquement aux clauses éthiques). Or il manquait déjà un COO central. Le CEO, Christian Klein, assurait les fonctions manquantes par intérim et il était donc partout. Or qui trop embrasse mal étreint. De plus, une série de départs comme celle-là pouvait cacher un problème profond. Nous étions donc très inquiets. Avec les récentes nominations, nous sommes soulagés.

Chez SAP, les membres du ComEx sont nommés par un Conseil de Surveillance. Auparavant, le CEO était un « primus inter pares » au sein du ComEx. Désormais, il est « président du ComEx », ce qui change de fait sa position vis-à-vis de ses collègues.

Nous nous réjouissons de la prolongation du mandat de Thomas Saueressig qui a donc donné entière satisfaction au Conseil de Surveillance. Thomas Saueressig est responsable « customer service and delivery », c’est à dire des services, des outils et de tout le support nécessaire pour accélérer la transition des clients SAP vers le cloud. Son travail pour faire en sorte que les clients trouvent de réels bénéfices dans l’utilisation des solutions SAP a donc autant servi l’éditeur que ses clients. Le SUGEN (SAP User Groups Network, le réseau des dirigeants de clubs utilisateurs SAP dans le monde) comme l’USF sont très satisfaits de la qualité de leur relation avec lui.

Un autre motif de grande satisfaction est l’arrivée au ComEx de Sébastian Steinhauser comme COO. Il s’agissait là d’un désir des clubs utilisateurs. C’est lui qui porte depuis plusieurs années la stratégie de croissance de SAP, autant croissance organique que croissance externe.

La création d’un « ComEx élargi » nous satisfait également.

Qu’apporte cette création d’un « ComEx élargi » ?

Les membres de ce « ComEx élargi » agissent par délégation du CEO et sont nommés par lui, pas par le Conseil de Surveillance. Mais il se réunit avec le ComEx.

Côté commercial, le monde est de nouveau coupé en deux, avec deux co-directeurs exécutifs des ventes : Jan Gilg, un Allemand en charge des Amériques, et Emmanuel Raptopoulos, ancien DG de SAP Italie qui a connu une rapide progression, aujourd’hui en charge du reste du monde, de l’Europe à la Chine et à l’Australie.

Jusqu’à présent chargé de l’intelligence artificielle (Chief AI Officer), Philippe Herzig a été nommé CTO. C’est une marque supplémentaire que toute la technologie de SAP va de plus en plus se tourner vers l’IA. SAP veut développer la démarche par agents.

Et puis Michael Ameling, responsable SAP BTP (Business Transform Platform), entre dans ce ComEx élargi. Cela démontre que l’éditeur entend donner à cette offre une dimension stratégique. Le principe actuel est le « clean core » : aucun développement spécifique et mise en œuvre de tous les enrichissements liés à des process spécifiques dans BTP, c’est à dire une plateforme low code.

Toutes ces réorganisations de SAP ne sont pas anodines. Elles placent les focus du SAP de demain.

Vous vous êtes réjouis, par communiqué, des bons résultats de SAP mais est-ce réellement une bonne nouvelle pour les clients qui paient ?

Beaucoup de clients signent sur les nouvelles offres. Donc, même si le prix peut paraître élevé, c’est la valeur métier qui est en face qui est importante. Par contre, notre problématique est plus sur l’agilité, l’adaptation au bon montant, pour le bon service, au bon moment… avec, certes, une capacité à accroître le recours à SAP mais aussi à le diminuer.

Notons une différence de modèle entre Microsoft et SAP qui peut inquiéter. Microsoft Copilot est payé au forfait par utilisateur nommé. Mais l’IA de SAP, Joule, est payée à l’usage. Il y a donc un risque de voir une dérive des coûts en lien avec une surconsommation par les utilisateurs.

Où en est-on des grandes migrations vers S/4 ou le Cloud ?

Le cloud rencontre un vrai succès : de plus en plus de clients y migrent. Mais y basculer SAP est tout sauf une promenade de santé. Beaucoup basculeront donc tard. Et il y a le cas particulier du secteur public qui ne peut pas basculer avant de disposer d’un cloud SecNumCloud. Cela signifie que le projet ne pourra pas démarrer avant 2026. Mais, peut-être, des annonces auront lieu bientôt.

Je suis beaucoup plus inquiet concernant la bascule ECC 6 vers S/4. Si vous disposez d’une ancienne version de ECC 6, la maintenance s’arrête cette année. Pour la dernière version, la maintenance s’arrêtera le 1er janvier 2028 et la maintenance étendue le 1er janvier 2030. Et toutes les entreprises n’ont pas encore démarré.

Un autre sujet du moment et qui sera d’ailleurs au coeur de notre Club du 1er juillet, c’est la facturation électronique obligatoire. Comment abordez-vous le sujet, étant donné que pour S/4 il n’y a pas de problème ?

Au sein de la Commission Finances, nous avons un groupe de travail dédié à la facturation électronique obligatoire. Il est piloté par Bruno Bertona, trésorier adjoint de l’USF, et Frédéric Wittmann, référent fonctionnel SAP finances et comptabilité chez EDF.

Pour l’heure, nous n’avons pas de réelle nouveauté depuis l’interview d’Orlando Appell, directeur des opérations de SAP France, accordé à Républik IT. Pour ECC, la situation n’est pas toujours extrêmement claire, notamment sur la licence du module supplémentaire dédié. Sera-t-elle mondiale, pour toutes les télétransmissions dans tous les pays, ou non ? En Espagne, face à une situation similaire, les adaptations nécessaires de SAP n’étaient arrivées que quelques semaines avant l’échéance légale. Et c’est donc plus le calendrier qui nous inquiète. Un chef d’entreprise avisé pourrait être tenté d’opter d’entrée de jeu pour un produit tiers.

Mais, contrairement à ce qu’Orlando Appell avait indiqué en 2023, à savoir que SAP ne mettrait pas en œuvre de PDP, SAP apparaît depuis le début de l’année dans la liste des candidats PDP de la DGFiP.

(NDLR : Cette interview a été réalisée avant la diffusion du communiqué de SAP sur ce sujet.)

Pourquoi considérez-vous l’émergence de Business Data Cloud, présenté ici par Républik Achats, comme importante ?

Business Data Cloud est une offre de SAP issue de son alliance avec Databriks. Cette offre repose sur quatre piliers : la sémantique dans Datasphere, la visualisation dans Analytics Cloud, le décisionnel BW dans le cloud et enfin le data management avec Databricks, qui est un partenaire et non pas un rachat. A terme, il est attendu que Datasphere absorbe BW.

Business Data Cloud est une plateforme globale de gestion de toutes les données de l’entreprise, pas seulement celles issues de SAP. A partir de là, l’IA Joule pourra aisément interroger tout le patrimoine data de l’entreprise. Mais, de ce fait, va se poser la question de la dépendance à SAP. Et il faudra maîtriser les coûts de Joule dont la facturation est à l’usage. Il faut, encore une fois, peser dans la balance le bénéfice d’un produit intégré, la couverture fonctionnelle et le coût. Et veiller à disposer d’un produit adapté à ses besoins, pas forcément un produit extrêmement riche, lourd, complexe et cher.


En savoir plus

PDP (Plateforme de Dématérialisation Partenaire)

La Convention USF des 35 ans de l’association

La prochaine Convention de l’USF aura lieu à Lyon les 8 et 9 octobre 2025. Comme toujours, les matinées du principal événement de l’écosystème SAP en France seront réservées aux plénières (autant sur des sujets purement SAP que sur de « l’ouverture d’esprit »), les après-midis aux ateliers de retours d’expérience.

Cette année, le fil rouge de la Convention sera : «  USF, 35 ans d’intelligence collective et de passion ». L’association fête en effet son trente-cinquième anniversaire en 2025.

Informations sur la Convention USF.

Concepts clés et définitions : #PDP (Plateforme de Dématérialisation Partenaire)