Open-source : une réponse de souveraineté, de flexibilité et d’innovation pour les DSI
Par Bertrand Lemaire | Le | Infrastructure & service
L’OpenCIO Summit aura lieu à Paris le 5 décembre 2023, la veille de l’Open Source Experience et en lien avec ce salon organisé par le pôle de compétitivité Systematic. Président de l’OpenCIO Summit 2023 et Group Chief Revenue & Offers Officer du Groupe Smile, Jean-Charles Bordes détaille ici les enjeux de cette manifestation et, au-delà, du marché de l’open-source.
Vous présidez l’édition 2023 de l’OpenCIO Summit qui aura lieu à Paris le 5 décembre 2023. De quoi s’agit-il exactement ?
L’OpenCIO Summit est le rendez-vous annuel des DSI pour traiter de l’open-source, en termes de bilan comme de tendances. Il est organisé en partenariat avec le pôle de compétitivité Systematic Paris-Région et en lien avec le salon Open Source Experience qui débutera le lendemain. L’OpenCIO Summit est un lieu de réflexion et d’échanges porté par les DSI pour les DSI.
Les participants y trouvent donc des retours d’expériences sur des projets, des expertises sur les tendances, des tables rondes avec des DSI et des experts… Nous allons notamment avoir cette année une restitution de l’étude « Open Source Monitor 2023 : la place de l’Open Source dans les grandes entreprises Française » pilotée par le syndicat patronal Numeum et le pôle de compétitivité Systematic. Au delà de juste écouter des contributions, nous voulons surtout un lieu d’échanges et de partages.
Parmi les thèmes actuels, citons la contribution de l’open-source à la souveraineté numérique et ce que signifie ce terme de « souveraineté numérique ». L’informatique quantique, l’intelligence artificielle (notamment l’intelligence artificielle générative)… sont aussi des sujets d’actualité dans l’écosystème de l’open-source.
A la fin de l’OpenCIO Summit, un un cocktail dînatoire permet de poursuivre les échanges de manière plus informelle en plus de, simplement, passer un bon moment ensemble.
Véronique Torner a créé cet événement et l’a porté depuis sa naissance. Elle a récemment été élue présidente de Numeum. Pourquoi avoir accepté de reprendre le flambeau ?
Je travaille dans le monde de l’open-source depuis plus de dix ans et j’ai des convictions fortes à son sujet. Je suis certain que l’open-source permet aux entreprises de se constituer des actifs technologiques et business. Et je sais que l’open-source est avant tout un état d’esprit de partage, de travail en commun pour faire toujours mieux.
Reprendre la présidence de l’OpenCIO Summit répond à mes convictions. Et j’ai la volonté d’en renforcer le caractère exclusif et exceptionnel tout en demeurant totalement partenaire du salon Open Source Experience dont l’OpenCIO Summit est, finalement, un « before » destiné aux DSI.
Aujourd’hui, l’open-source est très présent dans les infrastructures. Où en est-on sur les applicatifs, de la bureautique aux applicatifs métiers ?
Effectivement, côté infrastructures, la question ne se pose plus : l’open-source est partout. Mais on trouve aussi beaucoup d’open-source dans des domaines comme la data, l’intelligence artificielle, l’informatique embarquée et l’IoT… Même les solutions propriétaires se basent le plus souvent sur des briques open-sources.
Les applications web sont également souvent à base d’open-source avec des outils comme Drupal ou le framework Symphony (qui est utilisé par plus de 200 000 développeurs dans le monde). Certains sites d’e-commerce avaient basculé vers des solutions SaaS propriétaires mais, actuellement, on voit un retour du SaaS propriétaire vers l’open-source pour des raisons autant de coût que de souveraineté, notamment de souveraineté des données. Avec des outils open-sources hébergés de manière maîtrisée, on n’a plus à s’inquiéter de sujets comme la localisation ou les transferts de données.
Utiliser l’open-source permet aux entreprises de se constituer un vrai capital applicatif. Dans des domaines comme les intranets ou la logistique par exemple, quand la technique doit s’adapter au métier et que l’inverse est impossible, les applicatifs métiers sont de plus en plus souvent développés spécifiquement à base de briques open-source. Thales a nommé un référent unique pour une une cinquantaine d’applications open-source avec la volonté de mieux développer et valoriser ce patrimoine. Parfois, même, des entreprises normalement utilisatrices en arrivent à revendre de la prestation technologique en utilisant les outils ainsi mis en place.
En matière de mutualisation des développements grâce à l’open-source, l’Adullact a fait progresser les choses dans les collectivités territoriales. Mais, dans les entreprises privées, où en est-on ?
Certaines entreprises reversent leurs travaux à la communauté mais il faut reconnaître que cela reste assez faible. Le Tosit (« The Open Source I Trust »), une association qui regroupe des entreprises telles que Carrefour, EDF, Orange, la SNCF, la MAIF… a justement l’ambition de faire bouger les choses en la matière.
Finalement, est-ce que les entreprises ont recours au logiciel libre uniquement « parce que c’est moins cher » face à l’inflation injustifiable des tarifs des éditeurs de logiciels ou de SaaS propriétaires ?
Certes, l’opportunisme économique est un facteur certain mais je constate aussi une certaine conviction. Il faut reconnaître que le marketing des solutions SaaS est plus fort que celui de l’open-source et qu’il est aussi plus compréhensible par les métiers. Donc, oui, le calcul économique est un facteur déclenchant, même si la première année le coût de l’open-source sera en général plus élevé et le gain s’opérant sur les années suivantes. Mais d’autres facteurs jouent aussi : la flexibilité, la souveraineté…
Et les promoteurs de l’open-source ont appris à dépasser le discours idéologique et technique en appuyant sur des arguments comme la flexibilité, la souveraineté, la maîtrise, le coût… Avec l’open-source, j’héberge où je veux, je transfère ce que je veux…
Enfin, il y a toujours une part d’innovation grâce à l’open-source mais encore faut-il que les entreprises s’approprient cette innovation sans l’abandonner à ses prestataires. Par exemple, la MAIF a développé un outil open-source pour automatiser des traitements de demandes clients, chose qui aurait été impossible, dans leur contexte, avec des outils propriétaires.
Le logiciel libre repose sur des communautés et sur les contributions des membres de celles-ci. N’est-ce pas là où le bât blesse côté entreprises utilisatrices ?
La question est complexe. Oui, les entreprises contribuent via les développements opérés pour elles. Dans les entreprises elles-mêmes, cela dépend beaucoup de la culture des équipes de développement.
On a pu le constater sur des lancements d’innovations, souvent avant des solutions propriétaires, comme dans l’intelligence artificielle générative.
Mais il faut reconnaître que ces contributions demeurent insuffisantes. Il y a plusieurs raisons à cela : le coût en ressources humaines, bien sûr, mais c’est surtout une question de culture et, parfois, une volonté de conserver pour soi les avantages compétitifs développés.
N’oublions pas que les grands acteurs de la Tech, tels que Meta ou Amazon ont massivement contribué à l’Open Source. Facebook a mis en Open Source des outils d’IA et, en 2020, 15 % du code de Facebook a été apporté par des contributeurs externes. Google a lancé GO, un langage OS, et co-développé Angular (l’une des technologies front les plus populaire au monde). Amazon contribue activement aux technologies de Search in site en Open Source également. Ce sont des signes forts et très positif pour l’Open Source.
Ce serait formidable que ces pratiques se développent largement dans tous les secteurs et toutes les tailles d’entreprises. Et peut-être même que nos institutions ont un rôle à jouer pour soutenir ces initiatives des entreprises.
Donc, oui, il faut travailler à développer la culture du partage dans les entreprises. C’est aussi un des rôles d’un pôle de compétitivité comme Systematic. Mais la culture open-source est, symétriquement, un argument de recrutement de développeurs. Ce point sera abordé dans la restitution sur l’OpenCIO Summit de l’étude menée par Numeum et Systematic.
Quels sont les défis actuels de l’écosystème open-source ?
Bien évidemment, le premier demeure de continuer à faire vivre les communautés. Il s’agit de maintenir et de garantir la qualité des logiciels produits comme les compétences nécessaires à leur maintenance et leur évolution.
Nous avons aussi à toujours rassurer les entreprises sur la cybersécurité. Dans les communautés open-source, il y a toujours un grand nombre de développeurs pour développer des patchs rapidement en cas de soucis mais les éditeurs propriétaires mettent en avant, dans leur marketing, leurs équipes dédiées.
Enfin, il nous faut toujours continuer à croître pour encore mieux accompagner l’innovation en entreprises.
En savoir plus
- La page consacrée à l’OpenCIO Summit sur le site de l’Open Source Expérience.