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Cornélia Findeisen (DINUM) : « vous pouvez faire carrière dans le numérique d’Etat »

Par Bertrand Lemaire | Le | Management

Cornélia Findeisen a été nommée durant l’été à la DINUM pour améliorer la gestion des ressources humaines de la filière numérique au sein de l’État. Elle revient ici en détail sur ses approches.

Cornélia Findeisen est cheffe du département « RH de la filière numérique de l’État » à la DINUM. - © DINUM
Cornélia Findeisen est cheffe du département « RH de la filière numérique de l’État » à la DINUM. - © DINUM

Qu’entend-on par « ressources humaines de la filière numérique de l’État » ?

Il s’agit de tous les agents de l’État, quelque soit leur statut, qui travaillent dans l’informatique et le numérique. Il peut s’agir de titulaires de catégories A/A+ ou B (techniciens) comme de contractuels. Chaque ministère gère indépendamment ses collaborateurs sur l’ensemble de la filière, des tâches de méthodologie ou de conception au développement en passant par les opérations. Ce qui manque, c’est donc une politique cohérente. La DINUM va donc jouer, sur cette filière, un rôle de DRH groupe.

Chaque ministère reste responsable. Depuis 2019, il existe une doctrine sur la rémunération des contractuels. Il s’agit d’aller au-delà et d’avoir des règles communes renforcées sur l’ensemble de la filière.

Au sein des ministères, on peut avoir jusqu’à plus de la moitié des effectifs qui sont contractuels, à la DINUM le taux est de l’ordre de 70 %. Jusqu’à récemment, la DINUM n’était pas identifiée par les titulaires pour y dérouler une partie de leur carrière. Rééquilibrer entre contractuels et titulaires est une question que l’on peut se poser mais, pour l’heure, l’essentiel est bien de disposer de talents.

Nous avons donc des enjeux de visibilité, de marque employeur. Il s’agit de faire savoir que vous pouvez faire carrière dans le numérique d’État : attirer des talents dans le numérique, d’où qu’ils viennent, faciliter l’accès aux métiers du service public, pour des agents titulaires, des contractuels et même des apprentis, c’est une priorité du ministre Stanislas Guerini.

Comment organisez-vous vos missions ?

Au sein du département « RH de la filière numérique de l’État » à la DINUM, il existe trois pôles.

Le premier concerne l’attractivité, la marque employeur.

Le deuxième traite le parcours, la mobilité et la fidélisation de nos talents. Il ne s’agit pas que ceux-ci se sentent enfermés dans un seul ministère, une seule fonction ou même la fonction publique. Ils doivent savoir qu’ils peuvent nous rejoindre un certain temps, partir dans le privé et revenir. Bien évidement, il ne faut pas qu’il y ait de concurrence entre ministères.

Enfin, nous allons mettre en place un Campus du Numérique Public. Il s’agit de former au numérique avec les spécificités du secteur public. Nous allons y agréger l’existant et des formations nouvelles destinées à tous les agents, autant aux exécutants qu’aux cadres dirigeants. Comme dans toutes les organisations de grandes tailles, publiques ou privées, former les cadres dirigeants est un enjeu important. On ne peut, nulle part, penser son métier sans penser numérique.

Faire des politiques publiques efficientes, cela suppose de réinventer notre action par le numérique, pas simplement digitaliser l’existant. Et c’est une nécessité aussi pour de grands défis tels que la révolution écologique.

Concrètement, quels sont vos projets ?

En premier lieu, bien sûr, la création du Campus Numérique Public est une priorité.

Ensuite, nous devons travailler notre attractivité, en particulier en développant notre marque employeur. Mais cela passe aussi par la mise à jour de la politique de rémunération des contractuels. Nous retravaillons et allons mettre à jour le référentiel des salaires pour tenir compte des évolutions du marché sans sortir du cadre général du secteur public. Il s’agit d’appliquer des salaires réalistes, attractifs mais non déraisonnables.

En dehors des salaires, quels sont vos leviers ?

Il y a un évident déficit de visibilité et de lisibilité. Il faut donc faire savoir que l’on peut faire de belles carrières dans le secteur public. Cela implique de dépoussiérer l’image de la filière plus que de dépoussiérer la réalité qui est déjà dynamique. S’il y a une chose sur lequel le secteur public doit progresser, c’est bien son propre marketing, en particulier son marketing en matière de ressources humaines.

Et sur certains métiers nouveaux (par exemple les coachs agiles), nous avons aussi besoin de profils non-technologiques. Il faut que nous le disions.

La féminisation est souvent vue comme un levier pour obtenir plus de talents. Quelle est la situation aujourd’hui ?

Selon la fondation Femmes@Numériques, public et privé confondus, la part des femmes dans le secteur du numérique est de 27 %, contre 46,8 % tous secteurs d’activité professionnels confondus. Sur ces 27 %, les trois-quarts occupent des fonctions dites de support : ressources humaines, administration, marketing et communication. Je suis, personnellement, comptée dans ces chiffres ! Dans les fonctions les plus techniques, la part de femmes descend sous les 15 %.

L’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’économie ont regardé la situation dans le secteur public. Les femmes y sont minoritaires dans les filières numériques : 25 % dans les ministères hors armées, 15 % aux armées et 35 % au sein des opérateurs. Elle est très variable d’un ministère à l’autre.

Et, malheureusement, comme l’a souligné la DGAFP en 2022, on constate dans les filières numériques publiques le même phénomène de plafond de verre que l’on observe dans d’autres filières de l’État : plus on monte dans la hiérarchie, moins il y a de femmes. Alors même qu’elles sont majoritaires dans les effectifs de la fonction publique d’État (54 %) et parmi les cadres (67 %), elles ne sont que 32 % aux postes d’encadrement supérieur et dirigeant.

Notre objectif est bien sûr que la situation change. Le problème est bien sûr à traiter pour aujourd’hui mais aussi pour demain, en anticipant. Par exemple, il s’agit de travailler sur l’orientation des femmes dès le collège. Et pour cela, je ne peux que souligner l’importance des rôles-modèles : il faut montrer les métiers exercés dès aujourd’hui par les femmes.

Pour combler les manques en talents, allez-vous inciter des agents à se réorienter de leur métier actuel vers le numérique ?

C’est un des rôles du Campus Numérique Public. Nous allons proposer des parcours de reconversion. Des propositions arriveront dans le courant de l’année prochaine, notamment pour les métiers les plus en tension et en direction d’agents exerçant aujourd’hui sur des métiers en déclin. La Poste l’a déjà fait avec des programmes de reconversion de facteurs vers des métiers du numérique. Grâce aux nombreuses écoles qui existent sur ce créneau, comme Simplon ou 42, nous savons aujourd’hui qu’on peut très bien avoir une carrière dans le numérique après quarante-cinq ans. C’est une deuxième carrière épanouissante.

Si ça marche dans le privé, cela sera évidemment vrai aussi dans le public. Au passage, on a pu constater que les promotions d’Ecole 42 très mixtes voire en parité avaient un meilleur niveau global.

Quels sont vos prochains défis ?

Le premier de nos défis est l’attractivité. Il nous faut résoudre ce souci au plus vite. Un stagiaire ou un apprenti pourront bien sûr nous rejoindre mais aussi être des ambassadeurs dans leurs écoles. Il s’agit pour nous, déjà, de faire découvrir nos métiers.

Ensuite, nous devons mener une véritable acculturation numérique de tous nos agents. Il est important que tous les acteurs du numérique soient bien intégrés dans les ministères, que chacun comprenne les enjeux des autres, métiers ou spécialistes du numérique. Cela joue considérablement sur l’attractivité.

Enfin, je crois essentiel de souligner et d’afficher clairement que l’État réalise du numérique à impact. Quand l’État réalise un projet numérique, c’est toujours pour résoudre un vrai problème de vrais gens ou pour d’autres objectifs d’intérêt général comme la transition écologique.


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