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Olivier Lamirault (EM-Normandie) : « mon rêve, c’est un étudiant, une formation »

Par Bertrand Lemaire | Le | Formation

L’Ecole de Management de Normandie (EM-Normandie) a développé de nombreux outils digitaux dont l’un pour certifier les compétences des étudiants. Le numérique permet un enseignement omnicanal, pouvant être présentiel ou distanciel à la demande, et une forte individualisation. Olivier Lamirault, Directeur Innovation & Technologies Educatives, nous explique la stratégie développée et les outils déployés.

Olivier Lamirault est Directeur Innovation & Technologies Educatives, Ecole de Management Normandie. - © EM Normandie
Olivier Lamirault est Directeur Innovation & Technologies Educatives, Ecole de Management Normandie. - © EM Normandie

Pouvez-vous nous présenter l’Ecole de Management de Normandie ?

L’EM-Normandie dispose de ses deux campus historiques, Le havre et Caen, mais aussi de campus à Paris, Dubaï, Oxford et Dublin en plus de son campus virtuel. En tout, nous avons environ 7000 étudiants en formation initiale. En plus, nous proposons quelques dispositifs d’e-learning pour des co-formations avec des écoles d’ingénieur et, au sein d’EMN Compétences, pour de la formation continue. Nous sommes, enfin, en train de relancer EMN Executive pour le MBA.

Vous n’êtes pas DSI mais « Directeur Innovation & Technologies Educatives ». Quel est votre périmètre ?

Je m’occupe de la transformation numérique de l’EM-Normandie et de l’innovation pédagogique. Mon objectif est de couvrir les besoins d’un côté des enseignants, les accompagnant pour intégrer les edTechs dans leurs pratiques, de l’autre des étudiants Pour accompagner les dispositifs de l’Ecole comme le Parcours Carrières pour maximiser leur employabilité.

Nous avons bien sûr un DSI, plus exactement un Directeur de la Transformation Digitale, Alexandre Franche, qui, lui, s’occupe du SI de gestion, y compris l’ERP de gestion de la scolarité.

Quels sont les grands choix d’architecture de votre SI ?

Tout est dans le cloud excepté quelques logiciels liés à l’ingénierie pédagogique.

Nous avons tellement besoin de solutions inter-campus et il existe tant de risques en matière de cybersécurité qu’il est impossible de faire un autre choix à moins d’avoir d’importantes équipes dédiées à la cybersécurité et à l’infrastructure. 

Avec la crise sanitaire Covid-19, vous aviez mis en avant le développement du distanciel. Où en êtes-vous dans l’équilibre distanciel/présentiel ?

Aujourd’hui, nous sommes capables de mettre le curseur entre distanciel et présentiel où nous voulons quand nous le voulons. La crise sanitaire a effectivement été un accélérateur. Nous n’avons pas gardé le même niveau de distanciel mais nous sommes équipés pour rebasculer si nécessaire.

Intervenants et étudiants peuvent indifféremment être présents ou à distance en pouvant être vu et entendu comme intervenir. Nous avons équipé nos salles de systèmes en audio et vidéo de qualité pour y parvenir. De ce fait, nous pouvons avoir des formations inter-campus avec des étudiants sur plusieurs campus et un enseignant sur un seul ou même chez lui.

Depuis la fin de la crise sanitaire, tout n’est plus en distanciel mais, s’il y a une grève de métro, un événement météo ou toute autre chose, nous pouvons instantanément basculer en distanciel n’importe quel campus. Nous avons eu le cas début janvier avec la neige. Cette capacité d’enseignement hybride facilite aussi l’enseignement à l’international ou pour les étudiants malades. C’est inclusif, pratique et confortable.

Dans le cadre de la formation de formateurs, nous avons mis en place un accompagnement permanent aux intervenants avec des modules pédagogiques dédiés. Chaque année, nous proposons 500 heures de formation aux enseignants.

Vous avez mis en place un outil de certification des compétences, Ward.2. De quoi s’agit-il exactement ?

Notre but est de mettre en adéquation parfaite les compétences de nos étudiants avec les besoins des entreprises. Les compétences acquises par les étudiants sont contrôlées, validées et publiées dans la blockchain. Elles constitueront leur portefeuille de compétences mobilisables pour répondre à des offres d’emploi, de stage ou d’alternance.

Par ailleurs, nous récupérons de la date auprès de plates-formes externes comme les job-boards, Linkedin et autres. Après analyse, nous pouvons tirer des conclusions sur les évolutions des offres et connaître en temps réel les compétences recherchées par les entreprises. Les étudiants peuvent ainsi suivre les tendances et construire leurs propositions en générant ce que l’on appelle des Skill Pass, c’est à dire un CV augmenté. Ils peuvent générer autant de Skill Pass qu’ils le souhaitent.

Il s’agit pour eux de constituer un porte-feuille de compétences construit selon leurs objectifs professionnels. L’Ecole garantit que les compétences extraites du portefeuille de compétence de l’étudiant sont dans la blockchain et permet quelques saisies où l’étudiant peut exprimer des points complémentaires pour alimenter ses SKILL Pass. Toutes les données sur les compétences sont stockées dans notre entrepôt de données et grâce à nos algorithmes d’IA nous permettons aux étudiants, d’offrir le meilleur d’eux-mêmes aux entreprises

Mais, comme nous engageons l’image de l’école, l’auto-évaluation est exclue. Nous garantissons un niveau d’information sur chaque élément du porte-feuille de compétences.

Le parcours de carrière de chaque étudiant est renseigné grâce aux données de scolarité dans l’ERP, y compris les projets associatifs menés, les stages réalisés et les formations suivies. Les éléments du porte-feuille de compétences suivent un workflow de validation avant d’être publiés.

Tous nos outils produisent de la data, parfois redondante. Pour la collecter et l’exploiter, nous avons donc construit un datahub. Ce sont notre entrepôt de données, notre datahub et nos algorithmes qui permettent à l’application Ward.2 de fonctionner.

De plus en plus, les données dont nous disposons font l’objet de traitements en IA.

Grâce à cet outil et aux données collectées sur Linkedin ou les job-boards, nous avons toute la data nécessaire pour repérer une éventuelle inadéquation entre l’offre diplômante et la demande des entreprises. Nous pouvons alors adapter notre offre. Notre objectif est d’automatiser au maximum cette collecte de données et les traitements appliqués.

Avez-vous mis en place d’autres services digitaux ?

Oui, en effet. Nous avons une synchronisation entre notre ERP, Microsoft Teams et la plate-forme de formation. Les emplois du temps des étudiants sont systématiquement reliés à la diffusion des cours et aux contenus pédagogiques.

De plus, désormais, tous les cours sont systématiquement enregistrés et proposés ensuite en replay. Cette possibilité est notamment intéressante pour les étudiants en décalage horaire, en situation de handicap, malades ou, simplement, ayant raté un cours pour une raison quelconque, sans oublier les révisions. Ce replay implique la création de 20 To de données par an. Nous proposons aussi de la transcription automatique avec des polices de caractères modifiables pour s’adapter aux dyslexiques et autres « dys ».

Par ailleurs, nous avons une plate-forme de formation en SaaS, Moodle, enrichie en fonctionnalités que nous développons et de fonctionnalités proposées par des éditeurs tiers. Nous concevons et produisons également en interne des jeux sérieux pour renforcer les apprentissages et engager les étudiants. Par exemple, notre gamification va utiliser les technologies de tous les jours comme l’impression 3D, les puces RFID ou encore la réalité virtuelle pour faire prendre toute la mesure de leur importance aux étudiants.

Quels sont vos projets actuels ?

Il s’agit d’intégrer l’IA à tous les étages ! Par exemple, nous formons les enseignants à l’utilisation de l’IAG pour contribuer à créer leurs cours. C’est incroyable de voir tout ce qui est sorti en quelques mois. Aujourd’hui, on peut faire en trente minutes des choses qui prenaient, avant, des semaines, par exemple pour traduire et localiser des cours.

Ce qui est vrai pour nous l’est bien sûr pour les autres écoles et, de ce fait, la concurrence est devenue totalement mondiale.

Quels sont vos grands défis pour les mois à venir ?

Mon rêve, c’est un étudiant, une formation. Aujourd’hui, un programme unique n’a plus vraiment de sens. Sur la quantité d’étudiants à former, avant, on ne savait pas faire autrement qu’une formation unique. Mais, aujourd’hui, on est capable de créer un chemin unique pour un étudiant unique selon ses contraintes propres, ses difficultés personnelles, etc. pour, au final, obtenir un diplôme certifiant les compétences nécessaires. Nous avançons dans ce sens là même si cela ne sera pas achevé dans les mois qui viennent.

Par ailleurs, nous développons l’analytics pour mieux suivre les étudiants. La data nous sert à améliorer le suivi pédagogique des étudiants et à renforcer la qualité de nos apprentissages.

Enfin, il est nécessaire que le corps enseignant s’interroge sur sa place et sur l’évolution de son rôle face à la généralisation de l’IA et de l’IAG.