Grégoire Chataignon (EECS) : « pour recruter en cybersécurité, il faut élargir le vivier »
Par Bertrand Lemaire | Le | Formation
L’Ecole Européenne de Cybersécurité se positionne sur un créneau des opérateurs techniques comme l’explique son directeur, Grégoire Chataignon, en veillant à rendre disponibles des profils moins formatés mais plus efficaces.
Pouvez-vous nous présenter l’EECS (Ecole Européenne de Cybersécurité) ?
L’EECS est une école privée créée en 2021. Nous appartenons au groupe de l’EEIE (Ecole Européenne en Intelligence Economique) créée en 2006 pour proposer des masters 2 en intelligence économique. Le groupe dispose aussi de l’EESP (Ecole Européenne de la Sécurité Privée) qui forme des profils sans bac à la sécurité physique (gardiens, secouristes…).
En quoi consiste le cursus que vous proposez ?
Notre formation dure deux ans. Les candidats peuvent s’inscrire via ParcourSup ou, ce qui est préférable, directement auprès de l’école. Nous avons déposé notre titre de niveau V (Bac+2) auprès du RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) avec l’intitulé « opérateur en cybersécurité ». Le RNCP nous fait dépendre de la tutelle du Ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et non pas de celle du Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse.
Un BTS (Brevet de Technicien Supérieur) est une formation diplômante en continuité du bac avec 40 % de formation générale. A l’inverse, chez nous, 1000 heures de formation, ce sont 1000 heures de technique dont 200 sur les cyber-attaques, 200 sur le réseau, etc. Nous ajoutons un peu d’Anglais et d’expression française.
Pour former des opérateurs en cybersécurité, cela suppose de passer par des métiers intermédiaires : gestionnaire de parc informatique, technicien support, help-desk, techniciens systèmes et réseaux, administrateurs systèmes et réseaux, contributeurs à des audits, pentesteur, adjoint RSSI…
En sortant de notre formation, l’élève est apte à intervenir en niveaux 1 et 2 en SOC.
Quels sont les profils de vos élèves ?
A peu près la moitié de bacheliers, de 16 à 53 ans, avec environ un quart en réorientation et un quart en reconversion. Ce dernier quart va sans doute, sur les prochaines promotions, s’accroître car nous collaborons efficacement avec Pôle Emploi à ce sujet.
Les pré-requis, ce sont d’abord un niveau de base général de type bac (en reconversion, l’expérience professionnelle peut compter pour avoir une équivalence), le plus important étant bien sûr une appétence en informatique. Enfin, il faut un minimum d’Anglais. L’entretien préalable à l’entrée dans l’école dure normalement une heure et demi.
Je ne peux pas le vérifier (je n’en ai pas le droit en tant qu’organisme de formation) mais j’explique aussi en entretien qu’il est nécessaire d’avoir un casier judiciaire vierge. Un employeur va en effet leur confier, à la sortie, la prunelle de ses yeux (fichiers clients, etc.).
Dans les profils un peu atypiques, une ancienne assistante maternelle, un ancien ambulancier, un ancien agent immobilier… ont tous trouvé sans difficulté un poste en sortie d’école, même s’ils étaient chômeurs de longue durée auparavant. Nous avons aussi des étudiants d’écoles d’ingénieurs qui en ont marre de la théorie.
La première promotion avait 11 élèves, la deuxième 24. Nous n’irons pas au-delà de 25 pour garder la qualité de la formation. Pour recruter ces candidats, nous avons reçu 300 candidatures.
Sous quel statut sont inscrits les élèves ?
Pour l’instant, tous sont alternants. Parmi les organisations les accueillant, nous avons la DIRISI (Ministère des Armées), le Ministère de la Transition Ecologique, des mairies, le Château de Versailles, des SSII (des grandes généralistes comme des acteurs de niches)… Mais il est possible de réaliser la formation en formation initiale. Dans ce cas, l’élève a automatiquement deux tiers de temps libre. C’est donc un format approprié pour des athlètes de haut-niveau ou des doubles-cursus.
Qu’en est-il de l’insertion professionnelle des diplômés ?
Pour l’instant, nous n’avons pas de promotion diplômée. Cela dit, nous savons que les alternants sont souvent embauchés. Dans la première promotion, cependant, nous avons neuf dixièmes des élèves qui veulent poursuivre leurs études. Certaines écoles d’ingénieurs nous ont approchés pour combler un manque en admissions parallèles. Mais, normalement, l’école est conçue pour former des techniciens en cybersécurité opérationnels pour des SOC.
Quelles sont les prochaines évolutions de l’EECS ?
Déjà, nous allons lancer le recrutement de notre troisième promotion avec une cible à 25-30 élèves, pas plus, sans doute avec plus de profils en reconversions. Nous les aidons à trouver une alternance dans 80 % des cas. Mais nous ne la leur garantissons pas. En effet, il s’agit d’un contrat de travail qui implique la création d’une relation de confiance recruteur-recruté sur laquelle nous n’avons pas prise. Notre aide est très conséquente et passe notamment par des ateliers CV/entretiens, du jobdating, du coaching…
Pôle Emploi nous a demandé une expérimentation de mise en place d’un POEI (Préparation Opérationnelle à l’Emploi Individuelle). Il s’agit d’un module de 315 heures, en plus de la formation déjà décrite, pour préparer les élèves à mieux séduire les entreprises.
Nous réfléchissons à une formation type licence professionnelle, à ouvrir une deuxième classe… D’autres écoles se sont d’ailleurs rapprochées de nous pour former au même titre RNCP 34975.
Quels défis voyez-vous pour la formation en cybersécurité ?
Il y a bien sûr des défis techniques, organisationnels, en ressources humaines… Le secteur de la cybersécurité se plaint de ne pas pouvoir recruter mais recrute toujours dans le même vivier limité ! Il faut élargir ce vivier. Il n’y a pas de crise des vocations en cybersécurité mais de crise de l’éclosion des vocations. Il faut aider les personnes intéressées à entrer dans le secteur. En particulier des femmes, que nous accueillons, nous, volontiers.
Les entreprises veulent des collaborateurs tout de suite opérationnels. Mais il faut bien les former ! Nous proposons une alternance dès le départ du cursus. Avec 300 candidatures pour 30 places, si plus d’entreprises permettaient à ces vocations d’éclore en les recrutant en alternance, nous pourrions facilement ouvrir des classes supplémentaires.