Sandrine Ledru (OPmobility) : « le full cloud n’est pas nécessairement la meilleure voie »
Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance
Plastic Omnium a recentré ses activités sur la mobilité et s’est renommé récemment OPmobility. Sandrine Ledru, Group Chief Digital and Information Officer de OPmobility, explique comment l’IT évolue avec l’évolution du groupe.
Pouvez-vous nous présenter OPmobility issu du recentrage de Plastic Omnium ?
Créé en 1946, Plastic Omnium fabriquait du plastique pour tous types d’usages, du bouchon de stylo bille à de la pharmacie. Aujourd’hui, toutes les activités de OPmobility sont autour de la mobilité.
Ces dernières années, nous nous sommes appuyés sur nos activités historiques - les systèmes de stockage d’énergie et de dépollution et les pièces extérieures de carrosserie - pour opérer une stratégie de diversification technologique dans l’éclairage, l’électrique batterie et hydrogène et le logiciel.
Au-delà des clients constructeurs automobile traditionnels, OPmobility augmente depuis quelques années la part de nouveaux venus dans l’électrique et élargit son portefeuille client à la mobilité lourde et commerciale.
OPmobility dispose aujourd’hui de 152 usines et 40 centres de recherche & développement avec plus de 43 000 collaborateurs dans 28 pays dans le monde entier. Notre chiffre d’affaires est supérieur à onze milliards d’euros.
Vous êtes Group Chief Digital and Information Officer. Qu’est-ce que cela signifie et quelle est l’organisation IT d’OPmobility ?
Le poste de Group Chief Digital and Information Officer a été créé le 1er février 2023 avec mon arrivée. Historiquement, le CIO rapportait au CFO. Maintenant, je suis directement en lien avec la directrice générale déléguée, Félicie Burelle, qui a voulu repositionner la fonction dans le cadre de la transformation de l’entreprise.
Dans ce cadre, le CDO et son équipe ont rejoint la fonction « Digital & IS ». Mettre la data en dehors de l’IT est tout de même source de complications à mon avis.
En tant que CDIO, j’ai donc la responsabilité des IT Operations (Run), des projets (Build), du data office et du digital. L’ensemble de ces fonctions vise à traiter l’IT interne. Mes équipes comportent 500 personnes dans 18 pays. La division en charge de l’informatique embarquée dans les véhicules, qui opère pour nos clients et non pas pour notre propre entreprise, est bien séparée.
Notre logique est « glocale ». Notre gouvernance est centralisée mais il y a une présence locale pour des opérations au plus près des métiers. Il existait auparavant une DSI par grande activité.
Avec une nouvelle gouvernance, nous avons mis en place début 2024 un grand programme de transformation digitale du groupe. Cette gouvernance associe métiers et IT pour développer une vision de l’IT de chaque métier qui soit commune. Les investissements digitaux sont donc décidés en commun.
Retrouvez Sandrine Ledru à l’IT Night
Sandrine Ledru, CDIO de OPmobility, est membre du jury des Trophées de l’IT Night. Elle assistera donc aux présentations des candidats le 30 avril 2024 et à la cérémonie le 27 mai 2024.
Qu’implique sur l’IT un changement de nom comme le passage de Plastic Omnium à OPmobility ?
Il y a plusieurs étapes. Tout d’abord, il y a ce qui est visible : les e-mails, les sites web, etc. Il a ainsi fallu avertir nos clients, fournisseurs et partenaires pour qu’ils nous ajoutent en white list.
Et puis il y a ce qui est moins visible, ce qui va jusqu’aux modèles d’étiquettes et d’emballage, avec du travail pour l’IT à chaque niveau. Le travail de mise à jour se poursuit, des systèmes de paie à la facturation.
Nous avons fait évoluer le logo qui marque le fait que nous conservons nos racines, très solides.
Quels sont vos grands choix IT ?
Nous avons des systèmes robustes (PLM, ERP SAP, EDI…) qui communiquent avec notre centaine de clients dans le monde, parfois avec des obligations de temps réel. Nos enjeux, aujourd’hui, sont d’une part la modernisation, d’autre part la transversalité.
Auparavant, chaque activité avait ses propres outils. Avec la nouvelle gouvernance, nous tendons à une harmonisation, l’idée étant, autant que possible, de réaliser des projets communs. Par exemple, nous menons un projet de PLM commun au niveau groupe pour accroître à la fois notre efficacité et notre intégration interne.
Comme nous sommes équipementiers pour le secteur automobile et, au-delà, désormais pour la mobilité en général, nous devons nous adapter à l’accélération des processus dans ce secteur.
Quels sont vos grands projets ?
Le premier, c’est donc le PLM groupe.
Un autre domaine est l’industrie 4.0 avec des objectifs de neutralité carbone grâce aux remontées de données de nos usines. La data constitue un point commun évident entre l’industrie 4.0 et le PLM.
Je ne vais pas être très originale en citant comme autre domaine de projets la cybersécurité ! Nous menons actuellement une vingtaine de projets en matière de cybersécurité. Nous sommes dans un secteur où les attaques dites « en supply-chain » sont fréquentes. Il s’agit pour un attaquant visant un groupe d’attaquer l’un de ses fournisseurs moins protégés.
Et côté infrastructures ?
Nous disposons toujours de beaucoup d’infrastructures on premise parce que notre stratégie n’était pas orientée vers le cloud externe. Mais, aujourd’hui, nous avons une vraie approche cloud en bénéficiant de l’expérience accumulée par nos pairs. Cela reste malgré tout une approche hybride. Je pense en effet que le full cloud n’est pas nécessairement la meilleure voie.
Côté SaaS, nous gagnons des upgrades permanents, l’absence d’entretien d’une infrastructure, etc. Mais nous devons rester vigilent vis-à-vis d’une dépendance que nous créerions à l’égard d’un fournisseur. Il faut être conscient de ce qui apporte réellement de la valeur. Bref, il faut réfléchir et ne pas forcément suivre les phénomènes de mode. Par exemple, pour des systèmes de pilotage en usine, le cloud est impossible car il nous faut des temps de réponse incompatibles.
Vos informatiques, industrielle et de gestion, sont-elles reliées et harmonisées ?
Comme certaines activités sont issues de rachats, il n’existe pas une vérité unique dans le groupe à ce sujet. Dans la majorité des cas, IT et OT travaillent ensemble. Dans notre usine américaine, la plus avancée en matière d’industrie 4.0, ce travail commun est quotidien. Mais il n’y a pas d’interrogation sur le principe ou la cible. La question est d’autant plus importante que notre modernisation avance. Par exemple, la mise en place d’un réseau commun fait partie des projets.
L’IA et notamment l’IAG constituent-elles des sujets pour vous ?
Evidemment, depuis longtemps, et pas seulement pour de l’IAG. Ainsi, notre groupe dispose depuis des années de data scientists tant côté IT que métiers. Nous avons de nombreux usages, déjà anciens, du machine learning. Par exemple, l’IA est utilisée pour la détection, par analyse de vidéos, de défauts dans les pièces fabriquées.
L’IAG va, elle, changer notre façon de travailler. Nous sommes en train de regarder les cas d’usages pertinents. Il y a des apports indéniables à de nombreux métiers : synthèses, traductions, etc. La vraie question est plutôt de savoir sur quels cas d’usages l’IAG va être effectivement disruptive.
Mais, bien entendu, il faut aussi se poser la question des enjeux sur l’agilité, sur la transversalité, sur la performance…
Pour terminer, quels sont vos grands défis pour 2024 ?
Le premier est la transformation organisationnelle avec la mutualisation et l’approche One Team.
Bien entendu, nous avons aussi des questions autour des talents. Nous devons renforcer notre capacité à former des équipes autant au niveau local que pour des grands projets comme l’industrie 4.0. Même si les installations se télépilotent de plus en plus, des équipes locales demeurent nécessaires.
Nous avons mis en place un plan de formation de deux ans grâce à notre Digital Academy. Nous commençons par former les équipes IT avant de former les métiers à des thématiques comme la data puis l’ITIL. Ensuite, nous passerons plus facilement aux méthodes agiles partout.
Enfin, nous avons à finaliser notre feuille de route technologique pour répondre aux besoins métiers. Nous devons décider de ce que nous allons acheter sur étagère ou en SaaS ou bien de ce que nous allons fabriquer nous-mêmes.
Podcast - La réorganisation de l’IT chez OPmobility (ex-Plastic Omnium)
Sandrine Ledru est CDIO de OPmobility (ex-Plastic Omnium). Elle présente ici son entreprise, équipementier de premier rang et premier plan. Sa nomination s’est traduite par un changement de gouvernance et d’organisation des fonctions IT avec, notamment création d’un département consacré à la data. Celle-ci est fondamentale dans les projets autour de l’intelligence artificielle.
Article revu par l’entreprise.