Nicolas Apchié (Groupe ADP) : « l’IT joue un grand rôle dans notre décarbonation »
Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance
Le groupe ADP (ex-Aéroports de Paris) s’est engagé dans une démarche de neutralité carbone d’ici 2030 et de 0 émission nette en 2050. L’IT y jouera un grand rôle. Nicolas Apchié, directeur infrastructures et opérations IT du Groupe ADP, explique la stratégie numérique du groupe aéroportuaire.
Pouvez-vous nous présenter le groupe ADP ?
Auparavant nommé Aéroports de Paris, le groupe ADP est une société anonyme possédée pour la moitié par l’État. Nous exploitons bien sûr les aéroports parisiens (Orly, Roissy et Le Bourget) mais aussi les aérodromes d’aviation générale dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Paris (Issy-Les-Moulineaux, Saint-Cyr-l’Ecole, Lognes, Pontoise…) destinés à l’aviation privée. Outre des participations dans des sociétés aéroportuaires, nous avons en exploitation directe 28 aéroports dans le monde (dont les trois parisiens).
Notre rôle est d’exploiter et d’imaginer des aéroports de manière responsable à travers le monde. Nous accueillons les passagers à raison de 160 millions de passages par an.
Nous générons un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros grâce à nos 22 270 collaborateurs.
Le groupe ADP s’internationalise de plus en plus. Quelles en sont les conséquences ?
Nous essayons autant que possible d’avoir des démarches communes, de rapprocher nos pratiques, ne serait-ce que pour faciliter les consolidations financières. Cependant, il n’y a pas une seule IT. Chaque site aéroportuaire a de grandes spécificités d’exploitation qui justifient des SI spécifiques. A l’heure actuelle, nous assurons l’harmonisation des SI et mettons en place des connexions sécurisées.
Bien sûr, le SI aide le groupe à construire, gouverner et opérer nos plates-formes. La DSI doit notamment garantir la cohérence et l’évolution du SI pour répondre aux enjeux stratégiques du groupe.
Du Disruptiv’Summit à l’IT Night
Nicolas Apchié faisait partie du Comité de Pilotage du Disruptiv’Summit des 14 et 15 mars 2023.
David Krieff, DSI du groupe ADP, est membre du jury de l’IT Night et sera donc amené à juger des projets présentés aux Trophées de cette soirée. Plus d’informations sur l’IT Night.
Quand on évoque le SI d’une plate-forme aéroportuaire, de quoi parle-t-on exactement ?
Le sujet est très vaste ! Pour commencer, nous servons les métiers du transport aérien (gestion des aéronefs et des services aux aéronefs, accès des compagnies aériennes aux ressources partagées comme le téléaffichage…). Nous assurons aussi les infrastructures pour les échanges de données avec la navigation aérienne, la gestion des services de sécurité (pompiers, SMUR…).
Nous avons également un important patrimoine immobilier et des architectes, pour assurer les métiers de la conception à la maintenance, et nous opérons l’IT qui leur est nécessaire (BIM, GMAO…). Le bon fonctionnement de l’ensemble et l’optimisation des données permettent la fluidité de la gestion des services de nettoyage, de restauration… Et puis il s’agit de gérer la location de surfaces de bureaux, de commerces… ainsi que les parkings.
A cela s’ajoutent les fonctions classiques de toute entreprise comme l’ERP (SAP en l’occurrence) ou les outils de GRH.
Côté digital, nous assurons des services B2C aux passagers (géolocalisation de services, sites web…) Nous travaillons actuellement sur une marketplace, sous la marque Extime, qui permettra de commander à l’avance les produits que l’on souhaite récupérer en duty free.
Pour faire tout cela, quelle est votre architecture IT ?
Notre stratégie de gestion de l’information tient compte du caractère international de notre activité, avec une sensibilité liée à l’extraterritorialité de certaines lois. De ce fait, nous recourons au cloud des hyperscalers (Microsoft Azure par exemple) pour le B2C mais, pour les systèmes sensibles, aéroportuaires notamment, les stratégies sont différentes. Nous travaillons actuellement à intégrer un nouveau prestataire de cloud de confiance. Notre architecture hybride est orchestrée principalement avec VMware.
Notre instance SAP est aujourd’hui hybride. Nous utilisons actuellement un ECC 6 et réfléchissons à nos processus internes avant d’éventuellement entamer une migration vers un ERP modernisé. Dans la GRH et d’autres fonctions supports, nous utilisons un certain nombre de SaaS.
Alors que nous avons été quasiment à l’arrêt durant deux ans à cause de la crise sanitaire Covid-19, nous sommes en train de reconstruire notre architecture pour réussir notre décarbonation.
[Video] ADP : une DSI au service de métiers multiples et très variés
Nicolas Apchié était présent au Disruptiv’Summit des 14 et 15 mars 2023 à Deauville. A cette occasion, il est revenu en vidéo sur ADP et l’organisation de sa DSI. Parmi les grands défis du moment sur lesquels il s’exprime : la décarbonation, la convergence IT/OT, le post-Covid, les Jeux Olympiques Paris 2024…
C’est à dire ?
L’IT joue un grand rôle dans notre décarbonation. Nos objectifs, c’est la neutralité carbone d’ici 2030 et atteindre le 0 émission nette en 2050. Notre programme stratégique Pionneer 2025 est orienté décarbonation avec un fort accent porté sur l’IT.
Vous avez à gérer de nombreux équipements. Où en êtes-vous sur la convergence OT/IT ?
C’est un sujet d’actualité. Nous avons une démarche de convergence des métiers avec la mise en place de communautés d’experts homologues côté IT et côté OT, pour partager les bonnes pratiques. Depuis plusieurs années, nous avons déjà réalisé des travaux communs en cybersécurité.
Nous voulons générer du foisonnement entre professionnels et faire converger les bonnes pratiques, voire même faire converger certains outils.
Les initiatives de convergence apparaissent aussi bien sur les sujets comme les tris-bagages ou la gestion des parkings. Et nous avons également des capteurs de bruits dont nous devons utiliser les données pour assurer un reporting aux collectivités locales.
En fait, toutes les OT sont déjà largement connectées avec l’IT
Comment se structure votre patrimoine data et quels usages en faites-vous ?
Nous manipulons de nombreuses données partagées avec les compagnies aériennes ou les acteurs aéroportuaires. Nous avons donc des données de trafic mais aussi des données sur notre écosystème (temps d’attente aux points de contrôle, gestion de la chaîne aéroportuaire…). Nous avons beaucoup d’initiatives sur l’optimisation du temps de trajet des passagers dans nos locaux.
Nous menons des travaux sur la gouvernance de la Data interne, ainsi que sur des plateformes d’échanges avec nos partenaires (commerces…), sur des analyses de taux de retard, etc. Nous avons pour cela de très nombreux outils.
Il y a bientôt la coupe du monde de rugby et ensuite les Jeux Olympiques Paris 2024. Qu’est-ce que cela implique pour vous ?
La coupe du monde de rugby est un défi qui, finalement, est comparable, sur le volume et la typologie de passagers, avec des grands événements sportifs récurrents. Les Jeux Olympiques restent un événement exceptionnel, qui va apporter un afflux de passagers à Paris avec beaucoup de matériel : les athlètes ou les médias par exemple. Ces passagers vont ensuite tous repartir en même temps, à l’issue de la cérémonie de clôture. Nous analysons dès maintenant les éléments de transports et de logistique entre les aéroports et les villages d’athlètes avec l’arrivée des chevaux, des perches, des vélos, des canoës… La distribution de bagages hors formats en très grand nombre va être un vrai sujet, comme les sujets d’aéroport déporté !
Nous avons à consacrer des ressources IT à toutes les évolutions nécessaires de l’aéroport, le tout en décarbonné…
La pénurie des talents IT est-elle un sujet pour vous ?
C’est une complexité pour tout le monde en ce moment. Notre structure de salaire n’est pas a priori très attractive mais nous avons su nous renouveler pour séduire les talents. Notre marque employeur bénéficie d’une solide réputation.
Nous avons aussi une chance : la très grande variété d’activités et de projets, avec beaucoup d’innovations, par exemple la création d’un réseau 4G/5G privé.
Même s’il nous manque des profils, le recrutement va tout de même un peu mieux.
Quels défis avez-vous à relever ?
D’abord, il nous faut réussir notre transformation vers le cloud hybride et continuer d’accompagner nos métiers dans la décarbonation de notre industrie en respectant les principes fondamentaux, en cyber-résilience par exemple.
Bien sûr, nous devons aussi intégrer les nouvelles technologies comme par exemple les jumeaux numériques pour nous aider dans la maintenance des bâtiments.
Enfin, comme je l’évoquais, la convergence IT/OT reste un de nos sujets.
Podcast - ADP en route vers le zéro carbone grâce au numérique
Directeur infrastructures et opérations IT du Groupe Aéroports de Paris, Nicolas Apchié explique comment le numérique sert un objectif de décarbonation totale des activités de son groupe : neutralité carbone en 2030, zéro émissions nettes en 2050. Et, pour commencer, il revient sur l’immense variété de métiers et donc d’outils numériques nécessaires pour faire fonctionner un aéroport international.