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Matthieu Olivier (La Poste) : « 2024 doit être l’année de l’industrialisation de l’IAG »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Le groupe La Poste vient de se doter d’un directeur à l’intelligence artificielle générative, fonction confiée à Matthieu Olivier. Celui-ci nous explique la raison d’être de cette création de poste et la stratégie de l’entreprise publique en la matière.

Matthieu Olivier est le tout nouveau directeur IAG du groupe La Poste. - © Républik IT / B.L.
Matthieu Olivier est le tout nouveau directeur IAG du groupe La Poste. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous présenter le groupe La Poste aujourd’hui ?

La Poste est un groupe multi-activités qui a réalisé un chiffre d’affaires de 35,4 milliards d’euros en 2022 et emploie 238 000 collaborateurs dont 184 000 en France. 44 % de l’activité du groupe se fait à l’international via Geopost et la CNP (Brésil, Italie…). Ses deux principaux moteurs de croissance sont le colis et la banque-assurance.

La Poste est organisée en quatre branches d’activité : la branche Service-Courrier-Colis, Geopost qui porte les activités de colis express à l’international, la Banque Postale avec sa filiale CNP assurances et, enfin, la branche Grand Public et Numérique qui comprend les bureaux de poste et les activités numériques portées par Docaposte.

Vous venez d’être nommé directeur à l’intelligence artificielle générative (DIAG) du groupe La Poste. A qui êtes-vous rattaché ?

Je suis rattaché à Pierre-Etienne Bardin, le chief data officer du groupe La Poste, qui porte l’ensemble de la transformation data du groupe et anime la communauté des CDO du groupe, au sein des différentes branches.

Auparavant, j’étais d’ailleurs CDO de La Banque Postale où j’ai été remplacé par Frédéric Germain.

Pourquoi le groupe La Poste a-t-il créé cette fonction ?

Depuis 2016, La Poste investit dans sa transformation par la donnée.

2023 a été l’année de l’émergence de l’Intelligence Artificielle Générative (IAG)partout dans le monde et aussi au sein de La Poste où beaucoup de métiers ont lancé des initiatives, dont La Poste GPT annoncé lors de l’édition 2023 de Vivatech.

2024 doit être l’année de l’industrialisation et du passage à l’échelle. Nous avons donc besoin d’animer ce foisonnement créatif, de faire converger certaines initiatives et de construire des briques communes à l’ensemble du groupe pour accélérer et permettre aux branches de se concentrer sur leur métier et leurs axes de créations de valeurs.

Sans oublier que, quel que soit le niveau de « buzz », nous devons nous assurer que les projets sont toujours éthiques et citoyens, conformes aux exigences du futur RIA ou AI Act. Depuis plus de deux ans, nous avons mis en place une charte pour une IA de confiance qui pose les principes d’un usage éthique de l’IA. Ces engagements sont suivis par un Comité pour une IA de confiance qui se réunit deux fois par an. Nous disposons ainsi d’une grille d’analyse au travers de laquelle tous les projets concrets d’IA génératives sont évalués. Pour être en cohérence avec ces pratiques, ChatGPT et Bard, par exemple, sont bloqués sur nos ordinateurs professionnels.

Quelle est aujourd’hui la place réelle de l’IAG au sein de La Poste ?

En tant qu’entreprise technologique, La Poste s’intéresse de très près aux applications de l’IA générative. Comme mentionné, nous avons lancé diverses expérimentations en matière d’IAG : en utilisant Microsoft Copilot par exemple, mais aussi avec nos propres outils. Nous testons en interne des LLM (large langage model) open-source et de l’IAG sur divers cas d’usage métier : auprès de commerciaux, dans l’analyse d’appels d’offres, dans la relation clients…

Nous avons un objectif de déploiement en production avant l’été de certaines de ces expérimentations. Nous envisageons de présenter à VivaTech un démonstrateur de La Poste GPT, un outil destiné à termes à tous nos collaborateurs pour les aider dans leur travail quotidien.

La Poste a récemment ouvert une école dédiée à la data et à l’IA. La création de la fonction de directeur IAG est-elle reliée à cette initiative ?

C’est un ensemble de décisions complémentaires. La Poste a décidé dès 2016 d’engager une transformation de son modèle d’organisation par la donnée. L’intelligence artificielle est utilisée depuis près de 10 ans.

Aujourd’hui, le groupe compte plus de 500 experts en IA, en particulier au sein de filiales telles que Probayes, Open Value, ou Isoskele …

Dans un contexte de forte tension sur les métiers de la data et l’IA, l’Ecole créée par le groupe en 2023 est là pour favoriser la reconversion de postiers vers ces nouveaux métiers (data analysts…) et attirer de nouveaux profils par l’alternance.

Quels sont vos projets pour 2024 ?

Notre priorité va au développement de La Poste GPT. Nous y travaillons avec une approche architecturale modulaire. En matière d’hébergement, nous adapterons nos choix en fonction du risque associé à chaque type de données. Le cloud public ordinaire est parfois envisageable. Nous pourrons aussi, dès disponibilité, utiliser le cloud public certifié SecNumCloud de Numspot. Les usages les plus sensibles seront nécessairement exploités en interne ou dans des environnement SecNumCloud. Nous avons un haut niveau d’exigence sur le cadre d’utilisation de nos données internes et celles de nos clients.

Les premiers usages concernent nos commerciaux et nos collaborateurs de terrain (dans le réseau des bureaux de poste) pour les aider à naviguer dans la masse considérable d’information dont ils doivent tenir compte quotidiennement.

Quels sont les défis que vous avez à relever ?

En premier, l’enjeu est d’accompagner les équipes pour que les collaborateurs voient ces outils comme une aide, une assistance dans leur métier et non une concurrence. Nous menons les expérimentations de manière précautionneuse dans une zone délimitée, en périmètre et en temps, pour bien apprendre à travailler avec ces outils.

Le deuxième sujet est financier ! Effectivement, les tests et les projets IAG ne sont pas gratuits d’où le besoin de coordonner l’ensemble des initiatives.

Pour finir, parce que nous sommes engagés dans la réduction de l’empreinte environnementale, l’IA économe, et plus particulièrement l’IAG frugale, sera un sujet à venir pour épargner les ressources techniques autant que les budgets.

Podcast - 2024, l’année du passage à l’échelle de l’IAG à La Poste

Bénéficiant d’une création de poste originale dans les grandes organisations, Matthieu Olivier vient d’être nommé directeur IAG (intelligence artificielle générative) du groupe La Poste. Il rappelle d’abord ce qu’est La Poste, groupe multi-activité de 35 milliards d’euros de chiffre d’affaires avec une filiale numérique, Docaposte, et une transformation numérique et data en cours. Il explique ensuite la situation de l’IA et de l’IAG à La Poste et la raison d’être de la création d’un poste de directeur IAG. Insistant sur la dimension éthique, il rappelle que l’IA et l’IAG doivent, au sein de La Poste, respecter la politique RSE du groupe.

(Cet article a été revu par la direction de la communication de La Poste.)

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