Le Cigref veut un numérique durable, responsable et de confiance
Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance
Le Cigref a tenu son Assemblée Générale le 12 octobre 2022. La clôture publique s’est faite en présence du ministre Jean-Noël Barrot.
Comme tous les ans, le Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises) a organisé une clôture publique à son Assemblée Générale, le 12 octobre 2022. Cette association des plus grands comptes publics et privés français accueillait cette année le nouveau Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, Jean-Noël Barrot. Sur le thème « Le numérique que nous voulons », cette cérémonie a certes été l’occasion d’un bilan des activités de l’association mais surtout l’opportunité de marteler les sujets qui comptent aujourd’hui pour les DSI des plus grands comptes.
Dès son allocution initiale, Jean-Claude Laroche, président du Cigref et DSI d’Enedis, a rappelé que les DSI ont besoin de développer un numérique durable, responsable et de confiance. Ces trois mots clés ont été déclinés au fil de la soirée par les divers intervenants. Et, dans son discours de conclusion, Jean-Claude Laroche a insisté sur ce qui distinguait la notion de « numérique de confiance » de « numérique souverain » : les DSI, souvent de grands groupes internationaux ou transnationaux, n’ont que faire d’un concept qui relève de l’État. Ce n’est pas leur sujet. Leur sujet est bien de disposer d’outils capables d’abriter le SI et surtout les précieuses données des entreprises sans que leur confidentialité et leur sécurité ne soient remis en cause.
Les DSI au centre d’un écosystème
Il a aussi, pour terminer, voulu revenir sur un sujet qui est aujourd’hui très présent dans l’actualité économique européenne : l’inflation. Celle-ci vient percuter les projets numériques autant sur les matériels qui restent nécessaires (ou sur les prestations Cloud qui en sont issues comme nous le mentionnions il y a quelques jours ici même) que sur les rémunérations. Or les budgets numériques demeurent contraints voire sont parfois menacés face aux difficultés générales des entreprises. Les projets numériques sont, de ce fait, en danger et la transformation numérique des entreprises comme des administrations est, par conséquent, elle-même menacée.
La soirée a aussi été l’occasion de rappeler combien les DSI doivent être conscients d’être au centre d’un écosystème. Le Cigref a ainsi accueilli le collectif Convergences Numériques auquel il participe avec d’autres organisations telles que le syndicat de fournisseurs informatiques Numeum, l’association France Datacenter, etc. Pour influer sur la réglementation et les régulations comme sur les fournisseurs, l’action du Cigref se doit d’être a minima européenne. La soirée a donc été aussi l’occasion d’accueillir les représentants des partenaires du Cigref, associations homologues d’autres pays européens : Voice (Allemagne), CIO Platform (Pays-Bas) et Beltug (Belgique).
Le gouvernement et les entreprises côte-à-côte
L’Assemblée Générale publique du Cigref a également accueilli le nouveau ministre Jean-Noël Barrot, d’une part pour une allocution en plénière, d’autre part pour un point presse en compagnie de Jean-Claude Laroche. Les différents sujets développés au fil de la soirée ont été largement repris par le ministre qui a voulu insisté sur sa convergence de vue avec les entreprises présentes et a rappelé un certain nombre d’initiatives gouvernementales. Ainsi, face à la pénurie de compétences numériques, le ministre a rappelé l’existence d’un plan de formation de 400 000 spécialistes IT de tous niveaux. En conférence de presse, il a ajouté le besoin de féminiser largement les fonctions numériques. Mais il a averti : « l’État ne réussira pas seul ». Pour lui, les entreprises doivent s’impliquer, notamment au travers de l’alternance, afin de garantir la qualité de la formation.
Côté numérique responsable, le ministre a aussi insisté sur le désir du gouvernement de voir réduire la consommation électrique du numérique de 10 % sur les deux prochaines années dans le cadre plus général de l’objectif de neutralité carbone globale en 2050. Enfin, il n’a, en tant que représentant de la puissance publique, pas hésité à utiliser le terme de « souveraineté ». Celle-ci se doit d’être commerciale, vis-à-vis de fournisseurs transnationaux (en particulier pour le Cloud), mais aussi technologique et sans oublier la nécessité de la cybersécurité, autrement dit de la défense de nos intérêts nationaux. En conférence de presse, il a indiqué que l’examen du récent décret du président américain pour rassurer les Européens était toujours en cours par les instances appropriées (ANSSI, CNIL, etc.) et qu’il ne pouvait, lui, se prononcer pour l’heure sur le sujet. La souveraineté numérique européenne se doit également de concerner le matériel et, selon le ministre, l’Europe en est bien consciente et travaille sur le sujet. Une usine de Global Foundry d’une valeur de six milliards d’euros va être construite à Grenoble et devrait permettre d’éviter de nouvelles pénuries de composants.
Pour Jean-Noël Barrot, un levier important du « cloud de confiance » réclamé par les entreprises est la certification SecNumCloud même si le gouvernement est parfaitement conscient de la lourdeur de la démarche, qui peut durer jusqu’à deux ans. Un fonds dédié est prévu pour aider les petits hébergeurs à se certifier. Le ministre a, enfin, annoncé la prochaine transcription en droit national d’importantes directives européennes, la DSA (Digital Services Act) et la DMA (Digital Markets Act). Pour Jean-Noël Barrot, « on a souvent reproché à l’Europe et à ses règles sur la concurrence d’empêcher la naissance de champions européens mais, dans le numérique, sa politique est plutôt anti-trust et permet de rouvrir des marchés pour des acteurs européens entrants. »