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Didier Tisseyre (Dirisi) : «  la Dirisi est dans tout le cycle de vie de l’IT »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Le général de corps aérien Didier Tisseyre, directeur central de la Dirisi (Direction Interarmées des réseaux d’infrastructure et des SI de la Défense), explique ici ses missions et sa stratégie au sein du Ministère des Armées.

Le général de corps aérien Didier Tisseyre est directeur central de la Dirisi. - © Républik IT / B.L.
Le général de corps aérien Didier Tisseyre est directeur central de la Dirisi. - © Républik IT / B.L.

Quel est le rôle de la Dirisi (Direction Interarmées des réseaux d’infrastructure et des SI de la Défense) ?

La Dirisi est un service de soutien inter-armées au même titre que le service du commissariat des armées (achat et approvisionnement, NDLR) ou le service de santé, pour prendre deux exemples bien connus. Nous sommes rattachés au chef d’état-major des armées (CEMA) et nous fournissons les ressources informatiques et les services nécessaires au fonctionnement quotidien des forces. Si le coeur de notre mission est constitué des opérations, notre périmètre couvre bien tout le Ministère des Armées. Nous assurons donc un appui à toutes les fonctions stratégiques, de la protection du territoire à la dissuasion nucléaire.

Nous assurons la mise en œuvre de moyens de communication, tels que les réseaux satellitaires à très haut débit. Pour cela, nous disposons de moyens en propre mais nous pouvons aussi recourir à des moyens complémentaires obtenus après des appels d’offres auprès, par exemple, d’opérateurs télécoms. La gestion contractuelle relative à ces moyens complémentaires, y compris la phase achats, est entre nos mains. Nous sommes l’acteur principal pour l’acquisition des moyens IT du ministère en dehors de l’armement (l’informatique embarquée dans les systèmes d’armes est gérée par la DGA comme accessoire à ces systèmes d’armes, NDLR).

Les moyens de communication du Ministère comme les réseaux informatiques sont donc mutualisés avec des niveaux de sécurité, notamment de chiffrement, différents selon la classification des informations qui y transitent : non-protégé, non-protégé sensible (avec données personnelles), diffusion restreinte, secret… éventuellement avec des mentions spéciales (comme le « spécial France » qui n’est pas transmis à nos alliés de l’OTAN).

Nous avons trois obligations majeures : la permanence 7/7 24/24, la résilience et la réactivité.

Nous participons à la conception, à la mise en œuvre, à l’exploitation, au maintien en conditions opérationnelles et à l’évolution des infrastructures sur lesquelles vont venir se déployer les SI métiers. Nous disposons de quatre datacenters (Rennes, Bordeaux, Toulon et Suresnes) de 25 000 m² en tout. Nous y effectuons de manière exclusive l’infogérance des SI classifiés « secret » sur des infrastructures particulières. Mais nous y hébergeons également la messagerie commune et les serveurs des SI métiers ordinaires. Comme nous hébergeons les données du service de santé, nous avons l’habilitation « hébergeur de données de santé ».

Nous intervenons sur le déploiement des infrastructures au Ministère. Il existe ainsi 150 000 postes sur nos réseaux, sans oublier les dizaines de milliers d’équipements actifs réseaux acquis par la Dirisi. La Dirisi conçoit et déploie des applicatifs en mode DevSecOps.

De ce fait, la Dirisi est dans tout le cycle de vie de l’IT.

Comment vous positionnez-vous par rapport à la DGNum (Direction générale du numérique) et à l’AND (Agence du numérique de défense) ?

La DIRISI est maître d’ouvrage du socle numérique du ministère et en assure l’exploitation. Nous travaillons bien évidemment en lien avec l’AND qui a un rôle de maîtrise d’ouvrage délégué des briques du socles.

La Dirisi dispose de 7000 collaborateurs dont 60 % de militaires (qui sont disponibles en tous lieux et tous temps) et 40 % de civils (pour des compétences pointues mais avec une moindre mobilité). Pour comparaison, l’AND dispose entre 300 et 400 personnes.

La DGNum, c’est une cinquantaine de personnes. Elle a un rôle de « DSI groupe ». Elle définit la politique et la stratégie de nos SI et décline notamment pour notre ministère la stratégie numérique inter-ministérielle. Il existe en plus 17 DSI métiers (une par armée, etc.), une « DSI socle » à la Dirisi et la DSI du ComCyber (Commandement de la cyberdéfense).

Suivez-vous les principes de la politique cloud de l’État ?

Vous avez compris que nous avons une palette très large de systèmes, du non-protégé au secret. Selon les besoins, au sein du Ministère des Armées, nous pouvons recourir à du cloud privé avec agrément SecNumCloud (impératif pour le « diffusion restreinte »). Mais nous pouvons aussi, pour certains systèmes, recourir au cloud public. Le cloud, pour nous, c’est avant tout l’allocation dynamique des ressources.

Nous sommes en train d’acquérir les compétences pour opérer du cloud privé en appliquant cette approche au « diffusion restreinte » et nous mettons en place une offre de cloud privé non-classifié pour d’autres services de l’État. Nous incitons à une bascule vers le cloud afin de décommissionner les anciennes infrastructures.

Historiquement, nous suivions la logique d’un système pour une fonction. L’approche cloud permet de rassembler les services et les systèmes. Nous continuons, finalement, à appliquer les principes de la guerre du Maréchal Foch : la concentration des efforts, l’économie des moyens et garder au maximum l’initiative en préservant la liberté de manœuvre.

Nous pouvons imaginer que des entreprises françaises s’associent à des GAFAM pour nous offrir des services sans que nous subissions les effets de réglementations telles que le Cloud Act. Nous pourrions héberger certains systèmes peu sensibles dans de tels clouds publics, par exemple la gestion du vestiaire (acquisition, stockage et délivrance des tenues…). Il faut admettre que les entreprises françaises ont du mal à rattraper les GAFAM et, dans certains cas, recourir à leurs services peut ne pas poser de problème. De même, une coupure du service de quelques heures ne pose là pas de problème particulier.

A l’inverse, pour le classifié, la permanence du service est essentielle.

Dans les 7000 collaborateurs dont vous disposez, 40 % sont des civils. Comment les recrutez-vous ?

Effectivement, nous employons 60 % de militaires, 30 % de fonctionnaires civils et 10 % d’agents contractuels. Nous avons 18 % de femmes (25 % des civils).

Directement, la Dirisi ne recrute pas ! Nous participons, cependant, à identifier les recrues. Ce sont les DRH des armées et la DRH centrale du Ministère qui recrutent et mettent à la disposition de la Dirisi les personnels. Nous sommes évidemment tenus par les grilles de rémunération. Pour les civils, elles sont fixées par la Dinum. Je pense qu’il faudrait compenser les limites posées par d’autres avantages telles que des formations nombreuses.

Cependant, ce n’est pas l’argent la principale motivation des collaborateurs qui nous rejoignent. D’abord, la première motivation est bien sûr la réalisation de missions d’intérêt national. Ensuite, nous proposons des parcours technologiques et des environnements techniques très riches. Dans les deux cas, c’est séducteur.

Ajoutons que la Dirisi ne recrute pas seulement des informaticiens mais aussi des acheteurs, des logisticiens, des spécialistes RH, etc. Entre 15 et 20 % de nos personnels ne sont pas IT.

Le recrutement est un enjeu dont nous ne sommes pas les maîtres. Si nous attirons les candidats, le recrutement sera effectué par les DRH. A nous, simplement, de faire en sorte que le parcours de carrière proposé soit attractif. 400 militaires et autant de civils devraient être embauchés en 2023 tant dans le cadre de notre croissance que pour répondre au renouvellement naturel des effectifs.

Quels sont les défis que vous aurez à relever dans les prochains mois et années ?

Les ressources humaines, bien entendu, constituent un défi important.

Il nous faut également alléger la dette technique du socle numérique en modernisant nos systèmes et aussi en préparant l’avenir (cloud, big data…).

Nous devons cultiver notre capacité d’agilité selon la variété des besoins. En cas de conflit, il nous faut bien sûr être capable de déplacer nos données dans des zones à l’abri. Nous devons être capables de nous réarticuler dynamiquement en fonction de la conflictualité.

Enfin, il nous faut toujours être capables de faire face à une conflictualité multi-milieux multi-champs (M2MC - milieu : terrestre, maritime, aérien, extra-atmosphérique, cyber, champ informationnel, électromagnétique).

Podcast - Recruter les talents dont la Dirisi a besoin

Le général de corps d’armée Didier Tisseyre est directeur central de la Dirisi (Direction Interarmées des réseaux d’infrastructure et des SI de la Défense). Il explique ici ce qu’est la Dirisi et détaille ses missions. Il détaille le processus de recrutement de cette organisation et comment il séduit les candidats potentiels.

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