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Armelle Degenève (AIFE) : « en 2024, toutes les entreprises utiliseront nos produits »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

Les chantiers ne manquent pas pour l’AIFE (Agence pour l’Informatique Financière de l’État) ! L’opérateur, notamment, de Chorus (la gestion budgétaire et comptable de l’État français utilisant l’ERP de SAP), de Chorus-Pro, de PISTE et de PLACE reste l’un des plus grands clients de SAP dans le monde. Sa directrice, Armelle Degenève, fait un point sur les projets en cours, notamment sur la migration SAP ECC 6 vers SAP S/4Hana. Elle revient également sur le défi de la facturation électronique obligatoire pour toutes les entreprises.

Armelle Degenève (AIFE) : « en 2024, toutes les entreprises utiliseront nos produits »
Armelle Degenève (AIFE) : « en 2024, toutes les entreprises utiliseront nos produits »

Qu’est-ce que l’AIFE (Agence pour l’Informatique Financière de l’État) que vous dirigez ?

Agence publique, nous sommes un service à compétence nationale (SCN) rattaché directement au ministre des Comptes Publics. Nous avons pour missions de fournir une offre de produits et de services numériques pour répondre aux besoins de l’État et de la sphère publique (collectivités, établissements publics…) dans le domaine financier.

Nous avons, de ce fait, plusieurs grandes sphères d’activité et une offre composée d’un certain nombre de produits ou services.

Historiquement, notre premier domaine a été budgétaire et comptable. L’AIFE a en effet été créée pour Chorus. Cette implémentation de SAP ERP ECC 6 permet d’exécuter le budget et de produire les comptes de l’État. Aujourd’hui, Chorus a plusieurs modules. Chorus Cœur est donc basé sur l’ERP SAP. Chorus Cœur est uniquement utilisé par les administrations d’État et compte 23 000 utilisateurs.

A cela s’ajoute Chorus Formulaires, des développements Java permettant à de nombreux utilisateurs ministériels de transmettre des données au Cœur sans y accéder directement, Chorus ODA pour l’analyse des achats et Chorus CAN pour la comptabilité analytique sont deux outils décisionnels basés respectivement sur SAP et Board. Nous avons également Chorus DT (déplacements temporaires) pour la gestion des  déplacements temporaires, également à base SAP.

Depuis 2012, Chorus permet la fiabilité, la traçabilité et l’auditabilité des comptes publics, par la Cour des Comptes. Ce SI permet d’accroître la transparence budgétaire et la production d’indicateurs de performance permettant une meilleure analyse de la gestion publique par le Parlement.

Votre premier domaine est donc budgétaire et comptable. Quels sont les autres domaines de l’AIFE ?

Nous avons aussi un domaine commande publique et facturation électronique avec deux produits majeurs actuellement.

Le premier est PLACE. Il s’agit de la plate-forme de dématérialisation des marchés publics de l’État et de gestion des relations avec ses fournisseurs (appels d’offres de marchés publics, dépôt des soumissionnements aux appels d’offres, notifications, etc.), sous l’égide de la direction des achats de l’Etat.

Et, bien entendu, nous nous occupons de Chorus Pro. Ce produit s’adresse à toute la sphère publique, en incluant donc les établissements publics, les collectivités locales… Il sert à la dématérialisation des échanges entre la sphère publique et ses fournisseurs, en particulier la facturation adressée au secteur public. Son déploiement s’est opéré de 2017 à 2020. A ce jour, 130 000 structures publiques l’utilisent pour gérer les relations avec 850 000 fournisseurs actifs en 2022 (au moins une facture sur les douze derniers mois). Chorus Pro a traité 74 millions de factures en 2022, 281 millions en cumulé depuis 2017. En termes de factures, 37 % proviennent du portail Chorus Pro (saisie manuelle), 49 % par EDI et 14 % par API au travers du logiciel de facturation du fournisseur concerné. Mais, si on compte par fournisseur, les chiffres sont très différents : 97 % des entreprises utilisent le portail. Le boulanger qui vend son pain à une cantine scolaire ne va pas utiliser l’EDI ! L’EDI concerne donc de très grandes entreprises envoyant une volumétrie importante de factures, comme EDF par exemple. (Nous avons traité de ce sujet dans cette autre interview, NDLR)

Deux chantiers importants sont en cours. Le premier, porté par la direction des affaires juridiques du ministère de l’Economie et des Finances, concerne la simplification autour de la publicité des marchés et le traitement de bout en bout des procédures de passation des consultations [phase préliminaire de l’achat public, NDLR] via un service unique d’accès, quelle que soit la structure publique à l’origine de l’offre, Etat à travers PLACE, collectivités ou établissements publics à travers leurs propres plateformes de dématérialisation.. Il s’agit en fait de créer un socle d’interopérabilité commun à la commande publique, accessible depuis l’ensemble des plates-formes de marchés publics.

Le second, c’est évidemment la construction du portail public pour la facturation électronique obligatoire (Nous avons traité de ce sujet dans cette autre interview, NDLR). L’AIFE construit le portail public avec notamment la fonction annuaire, le concentrateur et la plate-forme d’émission et de réception, qui co-existera avec l’offre privée (plate-forme de dématérialisation partenaire)  dans le cadre du dispositif dit « en Y », en étroite articulation avec la DGFiP.

Avez-vous encore un autre domaine ?

Un dernier, en effet : l’intermédiation des services publics et l’innovation. Celui-ci sous-tend les autres et inclut la problématique de la cybersécurité. Ce domaine inclut tout d’abord PISTE, un outil d’API management, et une plate-forme RPA multi-technologique.

En général, nous avons d’abord développé pour nos propres besoins. Puis nous avons ouvert à d’autres qui pouvaient en avoir besoin avant d’adapter l’outil. Pour PISTE, par exemple, il y a aujourd’hui une dizaine d’entités d’État qui y publient leurs API et ce système traite entre 20 et 30 millions d’appels par jour. De même, la plate-forme RPA visait tout d’abord à gérer la supervision de Chorus. Puis cet outil a été utilisé pour d’autres types de supervisions dans d’autres structures.

Comment faites-vous pour les infrastructures ?

Chorus et Chorus Pro sont hébergés sur des datacenters ministériels, sur des machines virtuelles. Le site principal est situé en région parisienne et nous avons un site de secours dans le sud-ouest pour le PRA.

PLACE est hébergé sur OVHcloud.Les nouvelles applications et PISTE vont être hébergées sur un cloud qualifié SecNumCloud chez OVHcloud. La cloudification est prévue dès la conception de chaque système.

Le Green-IT et la sobriété numérique sont-ils des sujets importants pour l’AIFE ?

Bien entendu ! Il est impossible qu’il en soit autrement.

Quand nous choisissons un hébergement, interne ou externe, l’impact environnemental fait partie des critères importants, notamment le PUE (Power Usage Effectiveness).

De même, quand nous remplaçons ou acquérons du matériel, les aspects de Green-IT sont inclus dans les critères de l’appel d’offres comme la réponse aux besoins, le prix, la sécurité, etc.

Grâce à la solution de Cast, nous pouvons aussi mesurer la performance énergétique du code développé dans les nouvelles applications ou les évolutions.

Enfin, nous formons bien sûr nos agents aux bonnes pratiques. De telles formations aux enjeux et meilleures pratiques feront d’ailleurs partie des formations obligatoires en 2023.

Comme la plupart des clients SAP ECC 6, vous avez à migrer vers S/4. Comment envisagez-vous ce chantier ?

Actuellement, nous avons en effet, pour Chorus, un SAP ECC 6 sur base de données Oracle. Demain, Chorus utilisera un SAP S/4Hana.

En 2019, nous avons réalisé une première étude d’impact. La question posée était : doit-on rester sous SAP ? Le choix de conserver l’ERP de SAP en adoptant la nouvelle version a été validé aux niveaux ministériel et interministériel à l’automne 2021. La deuxième question était de savoir s’il fallait profiter de la migration technique pour refondre les processus. Là, nous avons répondu par la négative. Nous avons choisi de dissocier la migration technique et l’évolution fonctionnelle afin d’éviter des blocages de l’une sur l’autre. Mais la migration technique prend malgré tout en compte des améliorations en ergonomie (grâce à l’interface Fiori) et en réactivité (grâce à la base de données en mémoire Hana).

La migration suit trois axes : l’amélioration de l’ergonomie grâce à Fiori, l’amélioration de la performance avec Hana et l’amélioration de l’accompagnement des utilisateurs grâce à une nouvelle solution d’aide en ligne interactive et de formation avec SAP Enable Now.

En 2022, nous avons conduit de nombreux ateliers avec les utilisateurs pour travailler sur l’ergonomie et la cinématique des transactions courantes. Il s’agissait de définir les évolutions voulues par les utilisateurs. Dans le même temps, nous avons fait évoluer les infrastructures et travaillé sur la formation. Nous avons aussi tenu à conserver une grande transparence sur l’avancée du projet tant vis-à-vis des utilisateurs que des instances de gouvernance.

Toujours en 2022, nous avons réalisé les travaux préparatoires pour faciliter la migration. Nous avons notamment nettoyé tout ce qui pouvait l’être (paramétrages inutiles, données obsolètes…) et travaillé sur l’archivage des données et sur leur consultation ultérieure. Il s’agit notamment de pouvoir analyser des données sur plusieurs années pour répondre à des questions telles que : combien l’État a dépensé sur une politique publique ou pour ses dépenses de fonctionnement sur dix ans ?

Nous avons également acquis et configuré les serveurs IBM Power 9 pour héberger le futur S/4Hana. Enfin, nous avons créé une ligne de développement pour mettre en place les futurs outils.

En 2023, nous allons lancer la conception du nouveau Chorus, la conduite du changement et l’intégration à l’ensemble des autres outils. La mise en production est prévue pour la mi-2024. Il ne faut en effet pas que la bascule s’opère durant les travaux de fin d’exercice et il vaut mieux que cela ait lieu avant les Jeux Olympiques pour éviter les incidents de paiements durant cet événement international. De plus, cela interviendra quasiment au même moment que la mise en place de la facturation électronique obligatoire

Vous avez ainsi de quoi vous occuper mais avez-vous d’autres défis à relever ?

Aujourd’hui, nous avons 1,1 million d’utilisateurs pour nos systèmes, demain 4 millions. En 2024, toutes les entreprises utiliseront nos produits ! C’est en effet notre tout premier défi.

Un autre défi qui me tient à cœur est la féminisation dans l’IT. Celle-ci est très faible en général mais, à l’AIFE, nous avons progressé de 2,2 points en 2022, passant de 28,9 % en 2021 à 31,1 % en 2022. Sur 22 recrutements en 2022, 14 étaient des femmes, ce malgré la concurrence très rude sur le marché des talents. Nous allons continuer à agir en travaillant sur notre attractivité.

Nous pouvons compter sur trois leviers pour inciter les experts à rejoindre le secteur public : la quête de sens, la satisfaction de constater l’impact de son action ainsi que le besoin de flexibilité et d’autonomie. A partir du moment où l’on part du principe que ces trois axes sont porteurs, on peut favoriser une plus grande féminisation. Ces leviers montrent que l’IT n’est pas un monde de geeks. Et, plus généralement au-delà de la seule féminisation, nous diversifions nos recrutements, y compris avec des profils issus de reconversions.

Podcast - Armelle Degenève (AIFE) : « avec S/4Hana, nous améliorerons l’ergonomie de Chorus »

Armelle Degenève revient ici sur les missions, les services et les produits de l’AIFE (Agence pour l’Informatique Financière de l’État). Elle explique ensuite les enjeux de la migration de Chorus de SAP ECC 6 vers S/4Hana au-delà de la simple évolution technologique.


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