Le multicloud, une réalité universelle encore immature en entreprises
Par Bertrand Lemaire | Le | Cloud
La réunion du CPI-B2B du 16 novembre 2022 a été consacrée au multicloud. Si cette approche concerne toutes les entreprises, la maturité nécessaire à une saine maîtrise tant technique que financière n’est pas toujours présente. Pourtant, les outils nécessaires existent.
« 100 % des entreprises (au-delà de la TPE) sont multiclouds si on considère aussi bien le SaaS que le IaaS et le PaaS » a tranché d’entrée de jeu Serge Baccou, vice-président Cloud chez Capgemini Invent, lors de la réunion du Club de la Presse Informatique B2B (CPI-B2B) du 16 novembre 2022 consacrée au multicloud. En effet, il existe dans toutes les entreprises au moins un SaaS de bureautique collaborative et quelques autres services, au minimum de stockage de fichiers. L’approche la plus fréquente reste ce qui est appelé « hybride cloud », c’est à dire un mix de clouds publics et de cloud privé/on premise. Pour Noham Medyouni, CTO ambassador chez Dell Technologies, le véritable défi est donc de faire travailler ensemble ces différentes infrastructures, avec des données produites partout (notamment en mode edge) et consommées partout. Mais, si cette approche hybride et multicloud permet de cumuler les avantages et de compenser les inconvénients des uns et des autres, il en résulte un certain désordre et un grand manque (du moins actuellement en entreprises) de maîtrise du résultat, tant sur le plan technique que financier.
Serge Baccou a confirmé l’évidence : « les clients expriment systématiquement des inquiétudes sur la souveraineté et la maîtrise de leurs données ». Parmi les tâches confiées à des cabinets tels que Capgemini Invent, il y a donc souvent un benchmark des solutions du marché, y compris des clouds souverains (Outscale, OVH, Scaleway…). Concrètement, en fonction des contraintes (sensibilité des données, réglementation…) et des optimisations possibles, la plupart des entreprises hébergent différents îlots de leur SI chez tel ou tel prestataire. « Mais le cloud lui-même n’est plus un débat » a réaffirmé Noham Medyouni. Cependant, les infrastructures en propre ayant tout de même de sérieux avantages en termes de maîtrise, l’approche hybride permet de déborder dans le cloud juste en cas de besoin, pour obtenir les avantages recherchés en scalabilité et agilité. Pour Noham Medyouni, la maturité d’un client vis-à-vis du cloud se constate aussi à l’organisation de la DSI, lorsque l’architecte d’infrastructures voit ses compétences étendues au cloud.
Les participants au CPI-B2B du 16 novembre 2022
De gauche à droite :
- Noham Medyouni, CTO ambassador chez Dell Technologies ;
- Marie Pinon, responsable avant-vente Entreprise chez Intel ;
- Yacine Kheddache, specialist solution architect manager chez Red Hat ;
- José Diz (animateur)
- Philippe Wojcik directeur Cloud chez Oracle France ;
- Tony Fanni, senior channel system engineer SEMEA chez Cohesity ;
- Serge Baccou, vice-président Cloud chez Capgemini Invent.
Covid : cloud année zéro
« Notre métier est d’apporter la même agilité et la même maîtrise des infrastructures dans le cloud public, le cloud privé et les autres infrastructures » a relevé Yacine Kheddache, specialist solution architect manager chez Red Hat. En effet, l’une des manières d’éviter la dépendance vis-à-vis d’un fournisseur de cloud donné et de garantir la réversibilité est d’utiliser une plate-forme commune chez tous ses fournisseurs (en optant pour leur offre IaaS et pas PaaS), de préférence open-source, Red Hat proposant à cette fin Open Shift. Mais, indubitablement, le cloud est un choix aujourd’hui allant de soi, même dans les PME. En effet, beaucoup d’entreprises, surtout les plus petites, ont été traumatisées par le Covid. Le développement brutal du travail ubiquitaire a, de fait, entraîné bien des difficultés d’accès aux données et aux applications on premise.
Mais la pluralité des plates-formes techniques entraîne une difficulté majeure : la supervision tant technique que financière. Du coup, les infrastructures « définies par logiciel » (SDx, software defined x) peuvent perdre leurs avantages. Pour Noham Medyouni, « quand on n’a pas de stratégie, on se retrouve bien sûr avec une supervision par plate-forme mais les outils existent, notamment en comptant sur l’open-source ». Ces outils relèvent de la CMP (Cloud Management Platform) mais aussi du SAM (Software Asset Management), le SAM ne se limitant plus aux licences on premise mais intégrant désormais aussi le calcul et le suivi des crédits cloud.
Supervision unifiée et FinOps, des besoins et des outils plus qu’une réalité
Si les outils nécessaires existent, leur usage laisse donc à désirer. Clairement, le manque de maturité des entreprises en la matière demeure dramatique. Au delà du seul cloud public, une bonne supervision des infrastructures définies par logiciel (SDx) doit permettre d’orienter les tâches vers les ressources les plus pertinentes à un instant t. « Intel participe à la création de logiciels tirant partie des possibilités offertes par les processeurs récents » a observé Marie Pinon, responsable avant-vente Entreprise chez Intel. Orienter les flux de calculs vers des CPU ou des GPU de tel ou tel type de façon pertinente n’est pas simple. Serge Baccou a estimé pour sa part : « réaliser cela chez soi est très compliqué, ne serait-ce, même, que pour acquérir les différents types de processeurs et, ensuite, optimiser le PUE [Power Usage Effectiveness, rapport puissance électrique de calcul / puissance électrique totale, NDLR]. Il vaut donc mieux recourir aux spécialistes, notamment les hyperscalers. »
Au delà de la supervision au niveau technique, il demeure nécessaire de superviser sur le plan financier. Or la facturation adressée par un cloud provider compte vite des millions de lignes. La DSI n’a pas les compétences pour analyser de telles factures et la DAF n’a pas les compétences techniques pour les comprendre. Il est donc nécessaire de mêler les expertises dans le cadre d’une approche FinOps. Des outils tels que ceux édités par Apptio permettent d’optimiser les coûts des recours au cloud même si les outils eux-mêmes ne suffisent pas et que l’expertise reste nécessaire. Certaines entreprises mandatent des cabinets tels que Capgemini Invent pour optimiser leurs coûts cloud et les rémunèrent en fonction de l’atteinte des objectifs. Si Serge Baccou revendique être en mesure de réduire les factures d’un facteur vingt dans certains cas, Yacine Kheddache rappelle qu’il suffit parfois de systématiser l’extinction des ressources inutilisées pour réaliser des gains très importants. Serge Baccou a enfin pointé : « ce n’est pas possible d’obtenir une consolidation des factures sans outils appropriés, aussi bien sur la facture financière que sur la facture environnementale, ce dernier point étant de plus en plus un attendu des entreprises. »