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Open Source Monitor : le logiciel libre largement adopté en France

Par Bertrand Lemaire | Le | Applicatif métier

Présentée à l’Open CIO Summit et à l’Open Source Expérience, l’étude Open Source Monitor France a mesuré la place du logiciel libre en France.

L’Open Source Monitor a été publié à l’occasion de l’Open Source Experience et de l’Open CIO Summit. - © D.R.
L’Open Source Monitor a été publié à l’occasion de l’Open Source Experience et de l’Open CIO Summit. - © D.R.

Le 5 décembre 2023 à l’Open CIO Summit et le 6 décembre à l’Open Source Expérience, les résultats de l’étude Open Source Monitor France ont été révélés. Cette étude entend mesurer la place réelle et la perception de l’open-source et du logiciel libre en entreprises et en administrations. En effet, si des pans entiers de l’informatique reposent sur le logiciel libre, y compris l’Intelligence Artificielle Générative pour prendre un exemple récent, cette place fondamentale n’est pas toujours reconnue et, à l’inverse, d’autres domaines restent dominés par les logiciels commerciaux ou les SaaS propriétaires (comme Microsoft Office 365 ou Google Workspace). L’étude Open Source Monitor France a été commandée par le Conseil National du Logiciel Libre (CNLL), Numeum et Systematic Paris Region. Elle fait écho à une étude similaire menée en Allemagne par l’association Bitkom. Les commanditaires entendent, par la publication de cette étude, influer autant les directions achats pour qu’elles recourent au logiciel libre, que les instances gouvernementales et européennes afin « de prendre pleinement en compte les spécificités de notre filière dans l’élaboration de leurs politiques numériques et industrielles » selon la préface de l’étude.

Sans surprise, huit entreprises sur dix et neuf administrations sur dix reconnaissent utiliser des logiciels libres. Cette question indique en fait un niveau de conscience d’utiliser les logiciels libres. Un tiers des répondants déclare adapter le code à ses besoins propres, une des libertés fondamentales du logiciel libre. Deux tiers s’estiment ouverts à l’usage de logiciels libres, 12 % s’y déclarant hostiles. 9 répondants sur 10 jugent que le logiciel libre est un atout pour la souveraineté de la France. Dans leurs avis intégrés à l’étude, Gaël Blondelle, Chief Membership Officer de la Fondation Eclipse, et Thomas Vallot, Global Products, Solutions Marketing & Content Marketing Director d’OVHcloud, rappellent que le développement de l’open-source est un facteur essentiel pour une souveraineté informatique européenne, souveraineté vue comme un moyen de maîtrise du SI au-delà d’un chauvinisme mal placé. De plus, 80 % des répondants dans le secteur privé et 90 % dans le secteur public soulignent que le logiciel libre a un rôle d’accélérateur ou de facilitateur pour la transition énergétique et écologique.

Logiciel libre : de quoi parle-ton ?

Dans l’étude, le terme d’« Open source » / « logiciel libre » a été défini comme suit : « Le logiciel libre, ou logiciel Open Source, combine le droit d’auteur à une licence pour assurer aux utilisateurs la liberté d’exécuter le logiciel, de l’étudier, de le modifier et de partager le code et les modifications avec autrui. Il favorise la collaboration, l’innovation et l’agilité. »

Le logiciel n’est pas choisi parce qu’il est libre

Si les logiciels libres sont globalement reconnus, contribuent à la marque employeur, à la cybersécurité et à la maîtrise des coûts, les répondants soulignent qu’il existe des craintes en matière de stabilité, de disponibilité des compétences et, ce qui va avec, des manques en formations disponibles. Même si la population interrogée est plutôt marquée en faveur du logiciel libre, la licence n’est pas le premier critère de choix d’un produit mais le deuxième (91 % la juge importante). Le premier reste les fonctionnalités du produit (93 % les jugent importantes). Les certifications de cybersécurité constituent le troisième critère. Le partenaire intégrateur a un impact majeur dans le choix de la solution dans 80 % des cas.

Si 75 % des entreprises et 87 % des organisations publiques déclarent participer à des projets open-source. 50 % participent à des projets de la communauté, la moitié des entreprises et un tiers des organisations publiques souscrivent des contrats de maintenance auprès d’éditeurs open-source ou d’ESN. En cas de découverte de faille, l’information des experts habituels et de la communauté concernée sont les deux attitudes prioritaires à égalité (37 % des répondants dans les deux cas), suivies de l’information des utilisateurs du dit produit (36 %).

Une approche différente

Si les DSI sont parfois réticentes à choisir des applicatifs open-source, comme le mentionnait dans son interview https://www.republik-it.fr/decideurs-it/gouvernance/jean-claude-laroche-cigref-c-est-essentiel-que-communaute-open-source-et-entreprises-parlent.html Jean-Claude Laroche, président du Cigref et parrain de l’Open CIO Summit 2023, à cause de la nécessité d’intégrer et d’adapter les outils. Or, selon l’avis de Pierre Baudracco, DG de l’éditeur BlueMind, inclus dans l’étude, la force de l’open-source réside précisément dans la capacité à assembler des composants mutualisés pour construire une solution adaptée à un cas particulier. Et construire une solution intégrée est le rôle des éditeurs open-source, selon Pierre Baudracco, acteurs qui sont pourtant négligés par les DSI au profit d’ESN et autres intégrateurs.

En matière de gouvernance, le choix de l’open-source n’est généralement pas le fruit d’une stratégie explicite. Mais, comme le souligne l’étude, « le concept d’Open Source Program Office (OSPO) en tant qu’entité dédiée à la gestion globale de l’open source a gagné en popularité depuis le lancement de l’OSPO de la Commission européenne en 2020. » D’après l’enquête, l’existence d’un OSPO est anecdotique dans les entreprises de moins de 500 salariés mais concerne la moitié des entreprises entre 500 et 2000 salariés et les deux-tiers pour les plus de 2000 salariés. Bastien Guerry, chef de la mission logiciel libre de la DINUM, a, lui, rappelé le choix stratégique constant de l’administration française en faveur de l’open-source, gagnant d’année en année en maturité. Pour sa part, Aldric Feuillebois, Directeur Technologies de Docaposte, a expliqué cette appétence non seulement par le soucis de souveraineté mais aussi par l’absence de coûts de licences, ce qui facilite les tests, et par la plus grande maturité en termes de sécurité.


En savoir plus

Télécharger l’étude complète.

A propos de l’étude

L’étude Open Source Monitor a été réalisée par le cabinet Markess by Exaegis sur la commande conjointe du Conseil National du Logiciel Libre (CNLL), de Numeum et de Systematic Paris Region.

Elle est basée en premier lieu sur une enquête quantitative en ligne menée au cours des deuxième et troisième trimestres 2023 auprès de 608 organisations de plus de 20 employés dont 507 entreprises (63 de plus de 2000 employés) et 101 administrations avec une promotion au sein des organisations commanditaires et en dehors. Markess by Exaegis a précisé : « les réponses du secteur privé ont été pondérées sur la base des statistiques nationales afin d’assurer la représentativité de l’échantillon au regard de l’ensemble des entreprises de plus de 20 employés. Les réponses du secteur public ne sont pas pondérées, en l’absence de statistiques disponibles. » Les DSI en titre représentent environ la moitié des répondants (52 % dans les entreprises, 46 % dans les administrations), le solde étant constitué pour l’essentiel de subordonnés directs au DSI.

En deuxième lieu, des avis d’experts ont été intégrés de la part d’Alliance Libre, Bluemind, du Cigref, de la Direction interministérielle du numérique (DINUM), de Docaposte, d’Eclipse Foundation, d’OVHcloud, du PLOSS RA (Professionnels du Libre et de l’Open Source Software en Rhône-Alpes Auvergne), de Smile, de SoLibre, du TOSIT, et de Worteks.

En Allemagne, une étude Open Source Monitor similaire en méthodologie a été menée en 2019, 2021 et 2023 par Bitkom, une association professionnelle fédérale du numérique et des télécoms. L’objectif est de réaliser une étude comparée européenne en 2024.