Chronique - Métavers : ne jetez pas l’utile avec le sans intérêt
Par Bertrand Lemaire | Le | Applicatif métier
Le métavers a beaucoup excité l’imagination avant que le soufflé ne retombe. Mais il ne faut pas encore enterrer le concept, bien au contraire.
Il y a deux ou trois ans, le métavers a été un concept qui a beaucoup fait parler suite aux investissements annoncés par quelques grands noms, notamment Facebook (ou plus exactement Meta, sa maison-mère). Ce n’était pas la première fois. Puis le soufflé est de nouveau retombé. Le concept subit plutôt un certain désenchantement. Cela rappelle l’échec d’une précédente tentative, Second Life, l’univers virtuel 3D développé par Linden Lab à partir de 2003. Second Life a connu une chute lente brutalement accélérée au moment de la crise financière de 2008 mais demeure actuellement en ligne, oublié par la plupart d’entre nous.
Cependant, de tels univers 3D à objet essentiellement de loisirs et de communication sont loin d’être les seules acceptions des métavers. Et les formes les plus intéressantes ne sont pas destinées au grand public. En particulier, le métavers industriel développé par le constructeur automobile Renault s’avère très prometteur, offrant déjà ses premiers bénéfices nets comme l’a souligné Frédéric Vincent, directeur du système d’information de Renault, dans son interview sur Républik IT Le Média.
Le métavers doit être bien défini
D’abord, sans doute faut-il rappeler ce qu’est un métavers. En Français, il faut écrire « métavers » (premier e avec accent aigu et pas de e final) : méta-univers. En Anglais, le terme est « metaverse » (meta-universe, sans accent et avec e final). Il s’agit d’un univers virtuel parallèle au monde physique dans lequel des utilisateurs peuvent interagir d’une part entre eux, d’autre part avec leur environnement. D’une certaine manière, les jeux de rôles en ligne massivement multijoueurs (en anglais : massively multiplayer online role-playing game, MMORPG), parfois désignés sous l’abréviation JDRMM en français, peuvent être considérés comme des métavers. L’échec du concept de métavers, même auprès du grand public, est donc très discutable. Par contre, à de seules fins de communication ou d’interaction, l’échec de Second Life semble bien définitif. De la même façon, malgré de multiples tentatives par divers fournisseurs, les salons virtuels où l’on peut déambuler parmi des stands virtuels sous forme d’avatars semblent bien être des échecs.
Même si l’on peut accuser une technologie souvent très perfectible, le problème de base semble bien être l’absence d’intérêt couplé à une consommation de ressources (notamment de bande passante sur Internet mais aussi de puissance de calcul sur les terminaux) importante : il est beaucoup plus simple, rapide et pratique d’échanger en mode texte, par chat, éventuellement avec le renfort de la voix, avec une mise en relation de type réseau social classique. Au pire, lorsque le contact peut y gagner, une relation peut être menée en vidéoconférence. Les avatars se révèlent être des gênes dans l’humanité de la relation, notamment le langage non-verbal, la vraie limitation de la communication texte. Devoir déambuler dans un univers virtuel au lieu de simplement sauter de lien hypertexte en lien hypertexte est une perte de temps sans aucun bénéfice compensatoire. Réduire la consommation dans une approche de sobriété numérique et faciliter un contact aisé et rapide : voilà deux clous dans le cercueil du métavers de simple communication ou interaction. Le MMORPG apporte, lui, un plus évident : le jeu. D’où son succès.
Les usages intéressants sont professionnels
Restent les usages professionnels. Un métavers industriel, c’est en fait une série de jumeaux numériques connectés les uns aux autres et représentant le plus exactement possible une unité de production. Les jumeaux numériques assurent chacun une représentation suffisamment fidèle d’un dispositif (une machine-outil, une chaîne de production, un entrepôt…). On peut alors, pour commencer, utiliser le métavers pour représenter en temps réel la situation d’une manière adaptée à son suivi, avec, le cas échéant, déclenchement d’alertes : par exemple, un ouvrier adopte une position dangereuse, une pièce est mal positionnée dans une chaîne de production, etc.
Un tel métavers permet de réaliser des simulations : pour que les opérateurs puissent s’entraîner aux pratiques les plus performantes ou apprendre les procédures de sécurité d’une part mais aussi, d’autre part, pour que les ingénieurs puissent optimiser les procédures. Une fois les optimisations calculées et éprouvées virtuellement, l’entreprise peut les transcrire dans la réalité à moindre risque et sans avoir eu à mener des tests avec des objets physiques parfois très coûteux et compliqués à manipuler. Ces avantages ont été clairement explicités par Frédéric Vincent, directeur du système d’information de Renault, dans son interview sur Républik IT Le Média.