Vivan Mai (RATP Dev) : « tous les jours, il y a de la transformation digitale ! »

Pouvez-vous nous présenter RATP Dev ?

Vivan Mai : RATP Dev est une filiale du groupe RATP, spécialiste des réseaux de rail urbain à grande capacité et troisième opérateur mondial de transports publics. Dans le monde entier, nos 25 000 collaborateurs conçoivent, exploitent, maintiennent et modernisent des réseaux de métro automatique, de train régional, de tramway, de bus, et de bien d’autres moyens de transport.

Nous avons construit notre expertise sur le réseau de Paris, dense et constamment modernisé. Depuis 120 ans, nous gérons des projets complexes pour améliorer l’expérience voyageurs, et nous contribuons à l’organisation de grands événements sportifs ou culturels.

Grâce à cette expertise, nous opérons aujourd’hui dans plus de cent villes dans 16 pays sur 5 continents - de Lyon à Bayonne, du Caire à Johannesbourg, de Riyad à Sydney, de Florence à Casablanca et dans tous les Etats-Unis… Nous leur apportons des solutions sur mesure, adaptées à leurs enjeux environnementaux, sociaux, de croissance ou d’attractivité.

Quels sont vos rôles ?

Vivan Mai : Je suis Directeur Architecture des Systèmes d’Information de RATP Dev. Je conçois les offres SI/Digital, et à chaque gain d’appel d’offres, j’accompagne la nouvelle filiale dans la mise en place de son SI. Je cadre et guide les projets SI tout au long de son cycle de vie : conception, architecture, réalisation, transformation et parfois la scission en fin de contrat. Je m’occupe également du SI transverse. Ces SI comprennent bien sûr une Digital Workplace.

Slim Tlili : Je suis Responsable Digital Workplace & Change de RATP Dev. Au sein des équipes de Vivan Mai, je suis donc en charge d’une part de la Digital Workplace, d’autre part de l’accompagnement au changement autour de ces outils.

Quels ont vos choix en matière d’outils collaboratifs et bureautiques ?

Slim Tlili : Au départ, nous avons Microsoft Office 365 avec SharePoint, PowerApps, Teams… Comme plateforme intranet, nous utilisons LumApps, qui est un outil du marché déployé dans toutes les entités du groupe RATP mais chaque fois avec un pilotage spécifique. Tous les outils du quotidien y sont reliés pour faciliter la vie du collaborateur.

Par ailleurs, avec les équipes Marketing & Services Clients, dans l’objectif de tendre vers un modèle « d’employé augmenté », nous avons mis en œuvre le projet Wizme. A partir d’un cas d’usage remonté par nos équipes Innovation, nous avons sélectionné une solution du marché, Blink, pour les travailleurs en première ligne - notamment les agents en station. En effet, nos agents de terrain n’ont pas nécessairement un accès aux outils collaboratifs Microsoft. Nous avons testé ce cas d’usage sur notre implantation au Caire avant de la déployer plus largement aux Etats-Unis, sur les premières stations du Grand Paris (Orly, Ligne 15) et à Lyon…

Blink permet de diffuser un flux d’information (y compris des notes de service avec lecture obligatoire) et offre un espace de chat entre collaborateurs (pour éviter des canaux annexes comme Whatsapp), l’accès à de la documentation, de la communication par groupes (y compris pour l’entreprise entière)… Blink est une application pour terminal mobile pouvant être installée sur le smartphone personnel ou professionnel.

Les retours que nous avons reçus sont très positifs : un tel outil est très utile pour renforcer le sentiment d’appartenance des collaborateurs de terrain et briser la frontière qui peut parfois exister entre ceux-ci et les personnels tertiaires ou les managers.

Dans les difficultés récurrentes en matière de digital workplace, il y a la gestion des identités. Comment gérez-vous ce sujet ?

Vivan Mai : D’un point de vue technique, nous utilisons l’active directory (Entra ID) comme IAM (y compris pour Blink) car c’est inclus dans les licences Microsoft Office 365. Comme nous croyons en une gestion SI frugale et pragmatique, nous cherchons à optimiser ces coûts. Nous travaillons aussi avec notre maison-mère (qui utilise la solution Okta) sur un projet de fédération d’identités et d’annuaires pour améliorer l’expérience de travail collective.

Nous avons un processus d’onboarding qui part de la plateforme de recrutement, Cegid HR Talent Acquisition (anciennement Cegid Digital Recruiters). Une fois le candidat retenu, il bascule dans le SIRH puis dans l’outil de paie comme « source unique de vérité ». Nous avons un projet pour optimiser la création de comptes dans l’active directory. En parallèle de notre projet DataHub RH, nous utilisons aujourd’hui un développement Power Apps pour déclencher le processus de création, mais beaucoup de manœuvres sont encore manuelles (rattacher au bon groupe, avec les bonnes licences…). Pour mieux automatiser, nous voudrions passer par un référentiel RH unique. C’est la première fois que nous envisageons ce « core model » au niveau de RATP Dev plutôt que d’adopter une logique par filiale.

L’avantage des outils de low-code comme Power Apps, c’est que cela permet de vérifier la validité du processus et du cas d’usage avant, le cas échéant, de changer d’outil.

Slim Tlili : Nous construisons notre core-model RATP Dev de digital workplace qui pourra être déployé dans chaque nouvelle filiale.

Par ailleurs, nous travaillons à la création d’une communauté de « champions » du digital workplace au sein de chacune de nos filiales dans un objectif de renforcer l’adoption des outils.

Vous utilisez beaucoup de produits Microsoft. Quelles sont vos relations avec cet acteur dominant et recherchez-vous des alternatives ?

Vivan Mai : La relation avec Microsoft est gérée par le groupe RATP qui vient de négocier un contrat global de cinq ans pour toutes les entités.

L’empreinte environnementale est un sujet important pour votre groupe. Comment la minimisez-vous en matière de terminaux ?

Vivan Mai : Nous maximisons la durée d’usage des terminaux (au moins cinq ans). Le recyclage est assuré avec un circuit géré au niveau du groupe RATP. Quand nous gagnons ou reprenons un contrat de concession, nous avons à gérer le parc de terminaux. Pour une durée par exemple de 10 ans, nous essayons de ne renouveler qu’une seule fois au milieu.

La limite de tout cela, c’est bien sûr de garder de bonnes conditions de travail. De plus, nous avons des obligations en matière de cybersécurité. Nous n’avons plus aucun Windows 7, encore très peu de Windows 10 dans certaines de nos filiales les plus récemment acquises, mais l’essentiel du parc est déjà sous Windows 11.

L’absence de mise à jour sur certains terminaux industriels n’est-elle pas un souci de sécurité, justement ?

Vivan Mai : Parfois, nous maintenons des équipements qui ne nous appartiennent pas et qui ne peuvent plus être mis à jour pour des questions de certifications et versions de firmware propres aux constructeurs. Mais, maintenant, nous incluons dans nos contrats une obligation de maintenance en condition de sécurité, obligatoire avec la directive NIS2.

Quelle est la place de l’IA dans votre digital workplace ?

Slim Tlili : Lorsque Copilot est arrivé chez Microsoft, en 2023, il était nécessaire d’acquérir les licences par lots de 300 et nous voulions avancer plus prudemment. Début 2024, nous avons acquis une quinzaine de licences pour tester des cas d’usage. Par exemple : la génération de comptes-rendus, les résumés de documents… Les cas d’usage qui sont ressortis étaient très génériques. Mais le NPS (Net Promoter Score) de l’outil Copilot a nettement augmenté. Aujourd’hui, nous menons des tests avec une trentaine d’utilisateurs pour étendre les périmètres d’utilisation.

Le groupe RATP a déjà acquis un millier de licences, et nous développons des synergies concernant les usages possibles. Nous avons mesuré un gain de productivité de l’ordre d’une heure à une heure et demie par semaine dans une utilisation standard de l’outil.

Copilot est déployé sur un environnement propre à l’entreprise pour éviter toute fuite de données, notamment de savoir-faire. Il ne s’agirait pas d’entraîner une IA avec nos processus et notre base de connaissances, alors que cette IA risquerait d’être ensuite utilisée par des concurrents…

Il existe également le Copilot Chat intégré à la licence Microsoft Office 365 mais ses fonctionnalités restent aujourd’hui limitées. Nous essayons de développer les usages autour de cet outil en mode sécurisé et dans un usage professionnel.

Pour terminer, quels sont vos défis pour 2025 ?

Slim Tlili : Il s’agit avant tout, côté digital workplace, de relancer la communauté des champions. Le sujet est vaste car il concerne autant le collaboratif que les autres outils.

Je voudrais aussi relancer les usages. Peu de collaborateurs utilisent les capacités du Copilot Chat dont ils disposent pourtant nativement. Car contrairement à des outils publics tels que ChatGPT, il permet d’éviter toute fuite.

Enfin, je citerai en défi la réalisation d’un accompagnement continu du changement.

Vivan Mai : Il nous faut, tout d’abord, renforcer les capacités de l’équipe pour répondre à l’évolution des besoins et du périmètre ! D’une façon générale, nous voulons être considérés désormais comme des business partners, créateurs de valeur et non comme de simples fonctions supports

Un autre défi que je vois, c’est de développer davantage l’esprit d’équipe entre les entités. L’idéal serait d’avoir des taskforces pouvant accompagner les équipes de chaque filiale.

Et puis, pour terminer, je voudrais supprimer les dernières ruptures numériques comme les ressaisies manuelles entre outils, et bien sûr continuer d’industrialiser nos processus et standards

Au sein du groupe RATP, tous les jours, il y a de la transformation digitale !

Article révisé par l’entreprise.