Gabriel Rotella (Pluxee) : « nous devons trouver les talents pour des changements d’envergure »
Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance
C’était une activité du groupe Sodexo, désormais une multinationale distincte. Gabriel Rotella, Global CIO de Pluxee, raconte la naissance de ce groupe.
Pouvez-vous nous présenter Pluxee ?
Notre activité a démarré il y a 45 ans sous la forme d’une division du groupe Sodexo, appelée jusqu’à il y a peu Sodexo Benefits & Rewards Services. Notre marché est celui des avantages aux salariés. Nous proposons des solutions aux entreprises telles que des titres repas, des titres transports, des bons cadeaux, etc. en tenant compte des différentes législations de chacun des pays où nous sommes implantés.
A ce jour Pluxee est présent dans 31 pays. Nous avons 500 000 entreprises clientes et nous servons 36 millions de salariés. 1,7 million de commerçants (ou autres prestataires) acceptent nos titres. Le volume de flux financiers que nous traitons est de près de 23 milliards d’euros (année fiscale 2023) avec 4,8 millions de transactions/jour et notre chiffre d’affaires est de l’ordre d’un milliard d’euros.
La marque Pluxee a été lancée en juin 2023. L’effectivité de la scission avec Sodexo a eu lieu le 1er février 2024 avec l’introduction en bourse du groupe Pluxee et la famille Bellon reste actionnaire majoritaire de notre groupe.
Cela veut dire que, en moins d’un an, nous avons lancé la marque puis le groupe avec toutes les conséquences induites. Nous étions prêts pour lancer notre activité dès le premier jour. Désormais, nous travaillons à la deuxième phase pour nous séparer totalement de Sodexo, en particulier au niveau IT.
Précisément, comment est organisée votre IT ?
La transformation digitale de Sodexo Benefits and Rewards a débuté il y a cinq ans. Nous avons ainsi évolué d’un groupe très décentralisé et avec de nombreux produits et procédures papier à un groupe fortement digitalisé (aujourd’hui plus de 90 % de notre activité est full digital) avec des services globalisés. Nos plateformes digitales sont désormais globales, nos objectifs sont globaux et notre organisation IT est globale.
En tant que Global CIO, je suis membre du ComEx et je pilote l’ensemble de l’IT et des paiements. Ma direction dispose donc de centres de compétences globalisés. Nous travaillons en co-construction avec les régions, les pays… pour mettre en œuvre la feuille de route de l’entreprise.
L’an passé, nous avons rassemblé dans une même ligne hiérarchique tous les services IT/data/paiements présents dans tous les pays. Quand je dis « paiements », il s’agit de l’ensemble de la chaîne de flux financiers, de la vente de titres à la compensation du titre consommé.
Votre entreprise est jeune mais pas votre activité. Comment est structuré votre SI ?
Suite à la scission d’avec Sodexo, nous travaillons au quotidien avec ses équipes. Nous avons évidemment débuté le carve-out qui s’achèvera en décembre 2024. Avec tout ce qui était nécessaire au « Day One », la migration sera donc achevée en dix-huit mois.
D’abord, nous avons construit un nouveau socle technologique, automatisé, avec une infrastructure propre à Pluxee. La scission a été l’opportunité d’une mise à jour. Nous avons ainsi un socle basé sur le cloud Microsoft Azure avec Active Directory Cloud, SDWAN, etc. La partie infrastructure est aujourd’hui achevée.
Pluxee disposait de deux ERP : les pays importants utilisaient SAP, les autres Microsoft Dynamics Nav. Nous construisons actuellement à partir de zéro un core model unique pour tous les pays. Notre ERP sera constitué de modules de différents éditeurs en mode best of breed. La base sera un SAP S/4Hana Cloud.
Pour tout nouveau projet, en dehors du SaaS où l’éditeur propose sa propre infrastructure, nous utiliserons le Cloud. Nous migrons d’ailleurs actuellement notre Legacy sur Azure. Actuellement, nous avons dépassé la barre des 50 %. A terme, plus de 90 % de notre SI sera sur le Cloud.
Quelle est votre architecture cible ?
Nous voulons une architecture unifiée, une One Platform Architecture. Cette architecture sera modulaire, intégrée par API et full cloud. La cible de convergence des SI est un ensemble de logiciels du marché lorsqu’il n’y a pas nécessité de procéder autrement (SAP, Workday…) et, pour ce qui relève de notre métier très spécifique, de l’applicatif propre.
Le socle technologique est commun, avec les mêmes choix techniques partout dans le monde, y compris en cybersécurité. Nous cherchons bien sûr à réaliser des économies d’échelle.
La feuille de route de développement a commencé à être mise en œuvre. Nous avons ainsi aujourd’hui 28 applications multi-pays avec une feuille de route d’implémentation, ce qui inclut notamment la migration des Legacy de chaque pays dans cette nouvelle architecture.
L’IT ne doit pas se voir comme une fonction support mais bien comme une fonction business qui contribue au résultat de l’entreprise. Nous devons être des partenaires de confiance, en particulier en garantissant la cybersécurité, la conformité RGPD, etc.
Nous travaillons à la mise en place de nouvelles technologies pour l’ensemble du groupe. Nous avons ainsi mis en place de la RPA dans plus d’une dizaine de pays, y compris pour la relation clients. Nous expérimentons la blockchain pour fiabiliser les paiements. Et nous testons l’IA pour réduire les coûts de développement de l’ordre de 15 % grâce au développement assisté. Bien sûr, l’IA est aussi utilisée pour la cybersécurité.
Quels sont vos grands projets du moment ?
Bien évidemment, jusqu’en décembre, notre principal projet sera l’achèvement du carve-out. Il s’agit d’exécuter toute la feuille de route de convergence globale tout en continuant de délivrer la valeur quotidienne nécessaire au fonctionnement de l’entreprise et surtout de proposer des solutions à forte valeur ajoutée à nos clients, bénéficiaires et commerçants.
Cela inclut, entre autres, de répondre aux besoins de tel ou tel pays pour répondre à un appel d’offres ou à une nouvelle réglementation. Par exemple, récemment, la Bulgarie a imposé le paiement digital pour les prestations comme les nôtres. Nous avons implémenté les évolutions nécessaires de notre SI en cinq mois.
Nous déployons aussi des outils de digital marketing. Et nous achevons la mise en œuvre de la Digital HR (GRH numérique) avec Workday.
Bien sûr, nous avons toujours l’obligation de tenir nos engagements vis-à-vis de nos investisseurs.
Et, pour terminer, quels défis devez-vous relever pour réussir ces projets ?
Au-delà de la complexité technique, le grand défi est sans doute de faire évoluer la culture d’entreprise. Dans ma carrières, après LVMH, Pernod-Ricard et Savencia, Pluxee est ma quatrième transformation digitale.
Si la première partie de cette transformation est achevée, il nous faut aujourd’hui accélérer. Nous devons trouver les bons talents dont nous avons besoin pour produire des changements d’envergure.
Nous avons fait le choix d’internaliser les compétences pour assurer une croissance de l’activité à deux chiffres.
Podcast - Pluxee : les défis de la séparation IT d’avec Sodexo
Pluxee est issue d’une scission de Sodexo. La société est spécialisée dans les avantages pour salariés (titres repas, bons cadeaux, etc.). Pluxee est présent dans 31 pays au service de 500 000 entreprises et 36 millions de salariés pouvant utiliser leurs titres dans un réseau de 1,7 million de commerces. La séparation de Sodexo s’effectue aussi sur le plan IT, ce qui entraîne une série de défis que présente Gabriel Rotella, Global CIO de Pluxee. Ceux-ci relèvent autant de la technologie que des ressources humaines.