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Alexandre Appert (TotalEnergies) : « dans un move2cloud, le FinOps est essentiel »

Par Bertrand Lemaire | Le | Gouvernance

TotalEnergies a refondu son architecture en mode Cloud et confirme ses ambitions environnementales. Alexandre Appert, Company IT CTO de TotalEnergies, revient sur les conséquences de ces choix et les approches adoptées. Par ailleurs, Alexandre Appert était membre du Comité de Pilotage du Disruptiv’Summit 2024.

Alexandre Appert est Company IT CTO de TotalEnergies. - © Républik IT / B.L.
Alexandre Appert est Company IT CTO de TotalEnergies. - © Républik IT / B.L.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est TotalEnergies aujourd’hui ?

TotalEnergies est désormais une compagnie multi-énergies mondiale de production et de fourniture d’énergies : pétrole et biocarburants, gaz naturel et gaz verts, renouvelables et électricité. Notre objectif est d’être dans les cinq plus grands producteurs mondiaux d’énergie renouvelable. À fin 2024, TotalEnergies dispose de plus de 24 GW de capacité brute de production d’électricité renouvelable et entend poursuivre le développement de ces activités pour atteindre 35 GW en 2025 et une production nette d’électricité de plus de 100 TWh à horizon 2030.

Le groupe génère un chiffre d’affaires d’environ 217 milliards d’euros (2023) grâce à plus de 100 000 collaborateurs, 300 sites industriels, 400 sites de centrales éoliennes/solaires, près de 165 000 stations-services et 73 000 points de charge pour véhicules électriques.

Vous êtes « Company IT CTO de TotalEnergies ». Qu’est-ce que cela signifie et comment est organisée l’IT chez TotalEnergies ?

Chez TotalEnergies, l’IT est centralisée. François Tête est le DSI de la compagnie. Il a trois pôles sous sa responsabilité : Le régalien, les DSI des Branches et le delivery, avec notre filiale interne TGITS. Pour ma part, je suis le CTO de l’IT de la Compagnie, en charge de la stratégie et de l’architecture IT sous la responsabilité de François.

TotalEnergies a mené un vaste mouvement vers le Cloud. Où en êtes-vous et quel bilan en tirez-vous ?

Notre programme de transformation 2022-2026 est quasiment terminé et nous sommes presque à notre objectif de 60 % dans le Cloud. Nous voulons migrer 500 applications et plus de 400 l’ont déjà été. L’usine à migration a pratiquement terminé son travail. Le solde restera on premise. Avec les clouders, nous avons un accord d’échange entre quantité d’hébergement et quantité d’énergie verte.

Plusieurs enseignements peuvent être tirés. D’abord, il faut construire votre propre business case, pas vous baser sur un business case du marché. La différence est la même qu’entre la théorie et la pratique. Ensuite, le sponsorship est essentiel. S’il est au niveau du ComEx groupe, c’est évidemment un fort facilitant. Enfin, il est indispensable d’avoir des objectifs clairs.

Mais, dans tous les cas, il faut garder de la flexibilité dans sa feuille de route afin de s’adapter à des changements qui s’avèrent pertinents. Par exemple, nous avons profité de la migration pour mettre à jour certaines applications. ce qui l’a rendue un peu plus complexe que prévu.

Côté conséquences, nous avons été amenés à former les collaborateurs au Cloud (800 personnes à ce jour) et à faire vivre deux mondes (cloud/on premise) avec des équipes dédiées. Surtout, même si la bascule Cloud est intéressante à bien des égards, dans un move2cloud, le FinOps est essentiel. Il faut que le suivi des coûts soit bien fait avec de vrais engagements des équipes applicatives et des métiers.

Hier, l’IT avait la totale maîtrise des couches basses. Demain, les couches basses étant externalisées, elles seront, dans les faits, à la main des équipes applicatives.

Le bilan de la migration est très positif. Nous arrivons désormais à faire en quelques semaines ce qui, jadis, prenait des mois. Nous avons cherché l’agilité et la résilience et nous les avons trouvés. Mais, je le répète, il faut bien maîtriser les coûts.

Assurer la résilience IT de l’Irak aux Etats-Unis y compris en zones très isolées ou très instables, comment faites-vous ?

C’est vrai que, dans les tours de La Défense, c’est plus simple qu’au large de l’Angola… Nous opérons dans 120 pays, y compris dans des zones peu connectées mais ce n’est pas une nouveauté.

Nous avons des solutions pour les sites isolés, avec des opérateurs locaux ou bien des satellites. Certes, il peut y avoir des problèmes de performance, ce qui peut entraîner des soucis mais ça se gère. Nous regardons les solutions avec les constellations de satellites en orbite basse (Starlink, Kuiper…) : les coûts sont inférieurs, la bande passante plus importante, les performances plus élevées… Nous testons pour l’heure.

Vous aviez plusieurs implémentations de SAP ECC 6. Où en êtes-vous de la migration S/4 ?

Nous avons en effet des SAP ECC 6 dans les branches. Mais les métiers ont changé et il y a un vrai souci d’obsolescence. L’idée est de déployer deux ERP « backbones » pour toute la compagnie : l’un pour les fonctions types finances/achats, l’autre pour les actifs industriels.

Nous avons regardé une migration S/4, avec ou sans RISE. Mais nous avons aussi regardé d’autres possibilités. Nous validerons nos choix dans quelques semaines. En 2027-2028, nous mettrons également en place des verticaux par branches d’activité.

L’objectif est, à l’occasion de la migration, de garantir un 90 % standard. Nous avons démarré le projet avec une structure dédiée comportant des représentants des métiers. Le gros sujet du projet sera celui des interfaces car les « ERP backbones » vont devoir se connecter aux SI.

Le groupe a des ambitions élevées en matière d’empreinte environnementale. Quelles sont les conséquences pour l’IT ?

Chez TotalEnergies, l’IT représente 40 000 tonnes de CO² par an. Au niveau de la compagnie, les scopes 1-2 représentent 35 millions de tonnes, le scope 3, 355 millions de tonnes. L’IT n’est donc pas l’élément le plus significatif même si elle doit faire sa part.

Par contre, l’IT va permettre, au travers de ses systèmes, aux métiers d’atteindre leurs objectifs. L’IT est clé dans la production d’énergie renouvelable où on est dans le temps court.

Nous allons aider les métiers à digitaliser leurs processus afin de réduire leur impact environnemental.

L’IT doit faire sa part et il n’est pas question de négliger le Green IT. Cela sert aussi l’engagement des collaborateurs autour d’un sujet qui intéresse tout le monde. 60 % de l’empreinte CO² de l’IT, ce sont les équipements. Il faut donc avoir des équipements plus vertueux, les garder plus longtemps et supprimer ce qui est inutile (téléphones fixes, imprimantes…).

Quels sont vos principaux défis en 2025 ?

Commençons par une évidence : les métiers exigent avant tout de la continuité de service. Et c’est un défi constant !

Nous devons capitaliser sur la cybersécurité et d’autres grands projets en 2025-2026.

Devant nous, il y a le défi de rendre la data disponible partout où on en a besoin, ce qui reste compliqué. L’IA, évidemment, est un mot-clé qui revient sans cesse mais il faut séparer ce qui a de la valeur de ce qui n’en a pas. Tout le monde nous vend de l’IA. Il faut savoir écarter les offres inutiles. L’IAG Copilot a été déployée auprès de 30000 collaborateurs mais il reste encore à acculturer. Enfin, le No Code / Low Code ne doit pas être oublié.

Podcast - Les leçons d’un Move2Cloud chez TotalEnergies

Acteur incontournable de l’énergie, TotalEnergies a réalisé un Move2Cloud massif. L’opération est aujourd’hui presque terminée. Alexandre Appert, Compagny IT CTO de TotalEnergies, explique ici les leçons qu’il faut en retenir. Les autres entreprises tentées par un tel projet pourront en déduire quelles précautions prendre.