Quand l’IA générative écrit des uchronies pour un véritable historien
Par Bertrand Lemaire | Le | Data
« Le premier livre d’histoire écrit et illustré avec une intelligence artificielle » promet un bandeau rouge sur « Si Rome n’avait pas chuté » de Raphaël Doan, paru chez Passés Composés.
Genre littéraire de la grande famille du fantastique, l’uchronie consiste à raconter une histoire alternative : que se serait-il passé « si… » ? Historien spécialiste de l’antiquité, Raphaël Doan s’est lancé dans cet exercice assez courant en imaginant l’Empire de Rome découvrant la machine à vapeur, l’électricité, etc. Ouvrage d’une grande banalité ? Pas vraiment. En librairie, un grand bandeau rouge est présent sur la couverture : « le premier livre d’histoire écrit et illustré avec une intelligence artificielle ». Il s’agit certes d’une uchronie (ou plutôt d’uchronies) et pas d’un livre d’histoire mais l’exercice en devient intéressant et original.
A l’heure où de nombreuses personnes, à titre personnel mais aussi professionnel, se lancent dans les usages les plus variés des intelligences artificielles génératives (IAG), cet exercice est à examiner avec intérêt par toute curieux intéressé par le sujet. L’ouvrage se compose d’images générées par IAG, de nouvelles uchroniques rédigées par des IAG et des « commentaires de l’historien ». A partir d’un fait générateur initial (la mise au point d’une machine à vapeur opérationnelle), l’Empire Romain voit son destin transformé. A chaque nouvelle uchronique, l’auteur apporte donc un commentaire d’expert en histoire romaine : pourquoi cela n’a pas eu lieu, ce qui s’est réellement passé et pourquoi cela aurait pu avoir lieu. Incidemment, l’auteur explique aussi quels pitchs il a soumis à l’IAG (sans, malheureusement, être très précis à ce sujet).
L’IAG est un outil comme un autre
« Il faut imaginer ces outils comme… des outils » insiste l’auteur dans sa préface au sujet des IAG. De ce point de vue, il est d’accord avec Luc Julia. Le gros défaut des IAG, ce sont les fameuses hallucinations, c’est à dire les éléments inexacts ressortant des calculs statistiques de proximité des éléments. Quand on écrit une uchronie, l’hallucination devient une force. Quant aux images, de fait, l’illustration par des graphistes professionnels ou la réalisation de photographies avec des décors et des acteurs auraient été hors de prix. L’auteur a donc gagné beaucoup de temps et d’argent…
La qualité littéraire des nouvelles uchroniques est très discutable. Mais ce n’est pas l’important. Le curieux lira avidement les préfaces, notamment celle où l’auteur explique son approche, sa méthode et le pourquoi de cet exercice. Le reste se lit avec plaisir et illustre parfaitement toutes les réflexions actuelles autour des IA en général et des IAG en particulier. Regrettons, pour finir, un titre qui n’est guère pertinent. Que Rome chute ou non n’est pas le sujet. En plus, Rome chute effectivement, même si c’est différemment…
A propos de l’ouvrage
« Si Rome n’avait pas chuté », par Raphaël Doan (Editions Passés Composés, 208 pages, 20 euros)