Chronique - IA générative : si vous méritez votre salaire, elle ne vous remplacera pas !
Par Bertrand Lemaire | Le | Data
Depuis novembre 2022 et l’ouverture au public de ChatGPT, l’IA générative produit de nombreux fantasmes à côté de ses véritables usages.
Républik IT s’intéresse, au travers de ces nouvelles « Chroniques », à des sujets soit de culture générale professionnelle, soit de débats.
En ouvrant au grand public son intelligence artificielle générative (IAG) ChatGPT en Novembre 2022, OpenAI a réalisé une très bonne affaire en prenant de vitesse de nombreux autres acteurs. Elle a ouvert un bal où de nombreux danseurs se sont rapidement invités. Il est vrai que tous les grands acteurs du numérique avaient des outils de type IAG sur le point de sortir. Le premier ayant dégainé, tous ont sortie l’artillerie lourde en quelques mois. Et ce n’est pas fini : les nouveautés s’enchaînent avec un rythme soutenu depuis presque deux ans. Mais, sans doute, faut-il rappeler de quoi l’on parle, à quoi cela peut servir et quelles sont ses limites. Le 10 octobre 2024, Républik vous invite d’ailleurs à un Club sur le sujet « IAG : nouvel eldorado ou danger civilisationnel ? » où Yves Caseau, CDIO du groupe Michelin et membre de l’Académie des Technologies, sera le Grand Témoin.
En 2019, Luc Julia, connu pour avoir été à l’origine de l’éditeur Nuance (spécialiste de la dictée vocale) et de l’assistant vocal Siri (plus exactement de The Assistant), signait un ouvrage au titre provocateur : « L’intelligence artificielle n’existe pas ». Intervenant au Républic Data & IA 2023 à Deauville les 13-14 juin 2023, puis à La Nuit de la Data & de l’IA le 5 février 2024, il a eu l’occasion de revenir sur les fantasmes entourant l’intelligence artificielle, notamment l’IAG.
Un modèle statistique n’est pas une intelligence
Toute intelligence artificielle ne fait en effet qu’appliquer des algorithmes sur une base de connaissances. Lorsqu’elle est auto-apprenante, elle est en mesure d’adapter ces algorithmes en tentant d’optimiser un score de satisfaction à un objectif. L’efficacité d’une IA repose donc, certes, sur les algorithmes mais surtout sur sa base de connaissances. Lui fournir les informations initiales est souvent le plus complexe, ce que l’on nomme « entraîner une IA ». Parler d’intelligence est par conséquent pour le moins exagéré : c’est la thèse de Luc Julia.
Une IA générative ne fait donc qu’appliquer des algorithmes à une base de connaissances comme n’importe quelle IA. Avec un résultat qui est une compilation de données issues de la dite base de connaissances. Ce résultat est mis en forme pour respecter la grammaire de la base de connaissances. Un peu comme tout illusionniste est capable de nous faire croire à la magie, une IA générative est capable de nous faire croire qu’elle créé. Mais elle ne créé rien : elle compile et reproduit. Depuis des années, on a d’ailleurs le même type d’illusion avec les traducteurs en ligne de type Google Translate. Les statistiques, là aussi, remplacent l’intelligence.
De nombreux usages, de nombreuses désillusions
Les usages d’une IA générative sont pourtant nombreux. Elle peut écrire un texte, synthétiser, construire une image, etc. Comme le résultat est issu de la compilation de données pré-existantes, il peut être trompeur tout en étant réaliste et crédible. Des services en ligne d’IAG se multiplient. En donnant comme base de connaissances l’ensemble des codes de la législation française, LegiGPT permet ainsi de répondre à des questions juridiques. D’autres outils promettent de créer du code informatique. Mais compiler des éléments sur des bases statistiques peut être à l’origine de contresens, d’erreurs ou d’absurdités. Il faut donc toujours regarder le résultat avec une certaine méfiance.
L’IA générative est le complément idéal du moteur de recherche, raison pour laquelle Microsoft s’est intéressé à ChatGPT. Bing, le moteur de recherche de Microsoft, est loin derrière son concurrent, le produit historique de Google. L’ajout de l’IA générative est une rupture pouvant lui permettre de prendre le leadership. La base de connaissances est ici constituée de l’index du moteur de recherche, donc, indirectement, de l’essentiel du web. Et, au lieu de donner une liste de liens vers des réponses possibles, l’outil donne directement une réponse à la question posée.
Le robot peut-il remplacer l’humain ?
Beaucoup commencent à demander à ChatGPT ou ses homologues de rédiger des textes marketing. Exactement comme pour le code informatique, l’exercice a ses limites mais aussi, reconnaissons-le, son intérêt. En compilant les meilleures pratiques, l’IA générative fabrique un texte qui répond au besoin. C’est juste une compilation du pré-existant, comme à chaque fois.
Certaines agences ou spécialistes du marketing s’inquiètent : ne vont-ils pas perdre leur travail ? Si celui-ci consiste uniquement à appliquer des recettes, ce que fera toujours mieux et plus vite une IA, la réponse est oui. S’ils ont une vraie utilité, une vraie expertise, un vrai talent, ceux-ci ne pourront pas être remplacés par un compilateur des expressions les plus fréquentes. Bref, ceux qui méritent leur salaire ne seront pas remplacés. Pour les autres, les dés sont d’ores et déjà jetés.
Un assistant plus qu’un remplaçant
Même les experts peuvent avoir un intérêt à recourir à une IA générative. En compilant rapidement des données issues des meilleures pratiques, elle permet en effet de gagner du temps. Toute la première phase pour dégrossir un sujet peut ainsi être automatisée. Ensuite, l’expert use de son talent pour terminer, apporter de la vraie valeur ajoutée en un temps nettement raccourci.
Il existe un adage toujours vérifié jusqu’à présent : « si votre métier peut être remplacé par une machine, il le sera un jour ou l’autre. » Certaines mauvaises langues prétendent que 80 % des missions des agences marketing pourraient être automatisées. Méritez-vous d’être dans les 20 % ? C’est la seule question que vous devez vous poser. Personne n’a osé communiquer de chiffre sur l’impact de l’IAG sur la fabrication de code informatique. Mais c’est finalement le même raisonnement : les choses simples ou préparatoires seront automatisées, l’expert intervenant pour améliorer, soigner, bref faire jouer le coeur de son expertise. Advient alors une vraie question : si le travail des juniors est confié à des machines, comment formera-t-on les juniors et les préparera-t-on à devenir seniors ?
Venez débattre de ces sujets sur le Club du 10 octobre 2024 : « IAG : nouvel eldorado ou danger civilisationnel ? ». Yves Caseau, CDIO du groupe Michelin, en sera le Grand Témoin.
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