Décideurs it

Emmanuel Sardet (Cigref) : « les DSI ne disposent pas encore d’alternative complète aux GAFAM »


Président du Cigref, Emmanuel Sardet est le parrain de l’édition 2025 de l’OpenCIO Summit, le 18 mars 2025, à l’Hôtel Lutetia à Paris. A cette occasion, il nous donne son sentiment sur l’évolution du marché.

Emmanuel Sardet est le président du Cigref. - © Républik IT / B.L.
Emmanuel Sardet est le président du Cigref. - © Républik IT / B.L.

Pourquoi avoir accepté d’être parrain de l’édition 2025 de l’OpenCIO Summit ?

Nous nous situons à un moment charnière de l’histoire. Il nous faut avoir des débats sur la souveraineté IT comme sur la dépendance financière aux acteurs extra-européens ou sur les conséquences des problèmes géopolitiques. Je suis donc particulièrement intéressé par la participation aux débats qui auront lieu lors de l’OpenCIO Summit.

Qu’attendez-vous, justement, de ces échanges ?

Va-t-on pouvoir fédérer une ambition collective, un désir d’action ? Je souhaite que ces échanges incitent à rendre réels nos rêves en matière de maîtrise de l’IT. Nous avons d’ailleurs des débats similaires au sein du Cigref.

Tout le monde veut cette maîtrise de l’IT et de son coût mais les DSI continuent de ne recourir qu’à de grands acteurs oligopolistiques et dominants. Pourquoi cette contradiction ?

C’est paradoxal mais pas contradictoire. Ce paradoxe reflète simplement les contraintes réelles des DSI. Ceux-ci ne disposent pas encore d’alternatives qui cochent toutes les cases, entre les besoins métiers et les nécessités de gestion des actifs numériques.

Alors, bien sûr, il nous faut faire évoluer l’écosystème pour que puisse apparaître une alternative cochant bien toutes les cases et pas seulement, comme aujourd’hui, la moitié. Mais changer l’écosystème ne doit pas nous amener à être bloqués contre une barrière de risques infranchissable.

Le Data Privacy Framework est remis en cause par la nouvelle administration américaine mais les GAFAM restent des fournisseurs privilégiés par les DSI. Comment se sortir de cette situation ?

Toutes les entreprises ayant basculé leur IT chez les hyperscalers n’ont plus, en interne, de solution pour pouvoir réaliser un retour en arrière. C’est un problème classique de n’importe quelle externalisation avec infogérance. Dans le secteur bancaire, la situation est un peu différente à cause de la réglementation qui nous oblige à certaines précautions. Il faut que les entreprises s’arment des capacités pour garder au moins une certaine souplesse et pouvoir arbitrer entre plusieurs acteurs.

Si les hyperscalers se coupent du marché européen, leur rentabilité serait remise en cause. Ils auront donc forcément une stratégie pour répondre aux exigences européennes, comme ils l’ont fait pour le marché chinois.

Plus nous ferons de l’Union Européenne un marché réellement unique au lieu de 27 petits marchés agglomérés, plus il sera rentable d’avoir des acteurs européens ou des acteurs adaptés au marché européen.

Malgré tout, les entreprises ne risquent-elles pas de devoir sortir en catastrophe des clouds américains et cela à un coût considérable ?

Pour la majorité des entreprises, quitter les hyperscalers ne pourra pas se faire avec une échéance antérieure à la fin du mandat de Donald Trump. Et cela même à budget infini, ce qui n’arrive jamais. Mais, d’une manière générale, on constate sur le marché une stratégie de rééquilibrage sur les trois à cinq ans.

La situation géopolitique touche les entreprises bien au-delà de la seule IT. Je pense que les entreprises vont prioriser les problèmes business (nouvelles taxes, etc.) avant de souhaiter régler les problèmes IT.

Sauf à avoir gardé des capacités en interne, il faudra du temps et des capacités pour sortir du cloud américain.

Pour finir, quels défis voyez-vous pour les DSI et les entreprises dans les mois et années à venir ?

Au Cigref, nous travaillons sur la fonction numérique et son incarnation dans l’entreprise au-delà du seul DSI. Le numérique est en effet essentiel pour la croissance et l’efficience des entreprises. Et il nous faut donc mener les implémentations des projets malgré les contraintes et difficultés.

Nous devons, grâce au numérique, retrouver des marges sur l’efficience des entreprises. Et puis nous avons à respecter les objectifs en matière de RSE dans toutes ses composantes : certes les attentes environnementales mais aussi sociales et d’inclusion. Il nous faut incarner cette évolution : les SI eux-mêmes ne sont qu’une composante de la question.


Informations et inscription à l’OpenCIO Summit.