Etienne Dupuy (Ceetrus) : « le payback du BIM peut être de quinze jours »
Par Bertrand Lemaire | Le | Cas d’usage
La foncière Ceetrus et l’opérateur Nhood ont eu recours à Stereograph pour modéliser et gérer le BIM (Building Information Modeling / Bâti Immobilier Modélisé) de 110 galeries marchandes dans six pays en attendant d’atteindre les 260 sites dans dix pays. Etienne Dupuy, directeur général de Ceetrus, explique ici les raisons et les modalités d’un tel projet sur un patrimoine existant.
Départ d’Etienne Dupuy de Ceetrus
Cette interview a été réalisée avant l’annonce faite récemment par Ceetrus du départ d’Etienne Dupuy « après quatre années d’une collaboration fructueuse ».
Pouvez-vous nous expliquer qui sont Ceetrus et Nhood ?
Ceetrus et Nhood appartiennent à la même holding de l’Association Familiale Mulliez, New Immo Holding. Ceetrus est une foncière qui possède huit milliards d’euros d’actifs dans dix pays pour un total de 260 sites et 20 millions de mètres-carrés (dont plus de 15 de foncier non-bâti comme des parkings, des surfaces plantées…). Nous possédons les galeries commerciales autour des hypermarchés Auchan (l’enseigne de grande distribution généraliste de l’Association Familiale Mulliez) et notre histoire est celle de l’expansion d’Auchan. Si les hypermarchés Auchan jouaient le rôle de locomotive pour les galeries marchandes, il arrive maintenant que les galeries génèrent autant d’activité et d’attractivité.
Ceetrus est une foncière, c’est à dire l’investisseur et le propriétaire. C’est Ceetrus qui porte la stratégie d’investissement. Nhood est l’opérateur des galeries et va donc gérer les transactions locatives, l’animation, la valorisation, etc.
Le BIM s’effectue en général sur du bâti neuf, la modélisation de l’ancien ayant un coût certain. Pourquoi avoir choisi de modéliser votre patrimoine ?
« Connais-toi toi-même » a dit Socrate. La citation est bien connue mais explique le pourquoi du projet. Mettre en œuvre le BIM sur un patrimoine existant a évidemment un coût mais cela permet d’éviter des erreurs, d’optimiser les usages et de projeter des scénarios au sujet de nos actifs immobiliers dont certains peuvent avoir plus de soixante ans !
Quand on parle d’immobilier, une erreur coûte très vite plus de cent mille euros… De ce fait, le payback du BIM peut être de quinze jours !
Avec le plan en 3D, nous évitons bien des erreurs de conception (décalages de hauteurs, passages de gaînes dans des piliers…). Ensuite, grâce à la fiabilisation de la connaissance, on peut aussi comparer des données entre sites. Contrairement à des plans 2D, le BIM, c’est une base de données !
Parmi les applications, nous pouvons optimiser des services comme l’éclairage ou le chauffage selon la fréquentation des sites ou même de zones au sein d’un site en fonction des horaires. Par exemple, une zone de restauration n’aura pas la même fréquentation selon les moments de la journée.
Les travaux peuvent également être optimisés : être réalisés plus vite avec une meilleure définition en amont.
Comment avez-vous procédé ?
Nous avons eu recours à Stereograph et à la solution Teïa Suite qui est en fait un service.
99 % du patrimoine concerné est existant et on passe donc par une étape de reconstitution des immeubles.
La première étape menée par Stereograph est de recréer des règles de structuration des données en fonction de notre réalité propre. Stereograph gère en effet un jeu de règles par client.
En deuxième lieu vient la phase de collecte de la connaissance, qu’il faut commencer par retrouver. Ensuite, en fonction de la qualité de l’information disponible (plans, photos…), la démarche de construction du BIM va être adaptée. Selon les cas, nous allons consacrer un budget adéquat à la valeur que l’on peut retirer de la modélisation.
L’enjeu est davantage la qualité que la complétude. Si l’information existe, elle doit être de qualité. De très nombreux événements font que le bâtiment va évoluer à partir de sa construction. Quand il y a des travaux, nous en profitons bien sûr pour mettre à jour l’état de notre connaissance.
Précisément, le BIM n’a de réel intérêt que si les données sont mises à jour au fil de la vie du bâtiment. Comment procédez-vous ?
En effet, on a souvent l’impression que l’immobilier est immobile. C’est faux.
Il y a une équipe qui accompagne les opérationnels dans le suivi des travaux. Une fois les travaux faits, les jumeaux numériques sont mis à jour par les twin-managers. Le processus peut paraître lourd, surtout au début. Mais le BIM transforme la manière de travailler.
La réception des travaux est beaucoup plus fiable. Et, surtout, le BIM permet de gagner en maîtrise de notre patrimoine.
L’intervention de Stereograph est continue. Bien sûr, il y a la mise en œuvre mais ses équipes assurent aussi le maintien de la connaissance. Par contre, c’est Nhood qui gère l’hébergement des données et qui demeure le seul maître de la data.
Qu’apporte concrètement, au quotidien, le BIM ?
Sans le BIM, si le locataire se plaint d’une panne sur un équipement (un ascenseur par exemple), il faut envoyer un technicien qui va constater la panne. Il va ensuite, en fonction de la panne, devoir revenir pour démonter et diagnostiquer. Puis il va revenir encore une fois pour réparer avec la bonne pièce en fonction du modèle d’appareil.
Avec le BIM, quand le locataire se plaint, le technicien sait d’entrée de jeu quel appareil exactement est en panne. Avec l’expérience issue des données remontées, il va pouvoir diagnostiquer et ne faire qu’un seul déplacement voire réaliser une maintenance préventive basée sur la vie des équipements similaires.
La visualisation des jumeaux numériques est possible par tous les utilisateurs au sein de Ceetrus ou de Nhood mais aussi par les locataires. Le BIM est connecté à la GMAO comme à la gestion locative.
La solution de Stereograph intègre une brique d’IAG pour interroger le jumeau numérique, par exemple pour obtenir un nombre de mètres carrés avec telle ou telle caractéristique.
Où en êtes-vous dans le projet ?
Sur les 3,7 millions de mètres-carrés de notre patrimoine bâti éligible, nous en sommes à 1,8. Nous avons couvert à 100 % la France et l’Espagne, ce qui représente 60 % de la valeur et 50 % de la surface de nos actifs. Tout sera terminé d’ici fin 2025.
Nous nous posons des questions sur le foncier horizontal (parkings…) dans le cadre de nos projets de végétalisation.
Nos sites ont des contributions écosystémiques positives et négatives. Dans le cadre de notre stratégie de décarbonation, le BIM facilite le réemploi des matériaux remplacés simplement parce que nous connaissons mieux notre patrimoine.